Depuis 1998, elle a toujours fait preuve de ses compétences pour gagner ses galons. Major Mimi Bikela n’a jamais rien reçu gratuitement au sein de la Police nationale congolaise -PNC- où les femmes hautes gradées sont encore rares. Major Mimi Bikela est convaincue qu’une «femme doit avoir de la personnalité et être compétente pour réussir à s’imposer dans la société». Ses compétences lui ont valu la direction de l’unité de protection de l’enfant et de prévention contre les violences sexuelles au sein de la PNC. Rencontre avec une femme policière dont le maitre-mot est la méritocratie.
Cela fait 18 ans depuis que vous servez la nation. Qu’est ce qui vous a motivé à intégrer la Police nationale congolaise?
Je me rappelle qu’en 1997, alors que j’étais encore étudiante à l’actuel Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication -IFASIC-, nous avions été recrutées pour intégrer le service de renseignement. Apres quelques années, l’on a été obligé de suivre la formation de la police. C’est de cette façon que je me suis retrouvée policière. Je pense que c’est le destin qui m’a amené à la police, parce que rien ne me présageait à une carrière de policière. Bien que je sois fille d’un militaire, je n’avais jamais pensé devenir policière.
La police n’est pas le service le mieux nantis en RD-Congo. Quels sont les avantages liés à ce travail?
Je suis fonctionnaire comme tous les autres et je vis avec le peu que je reçois comme solde. Cela me permet de subvenir aux besoins de ma famille. Mais au-delà tout, c’est la fierté de travailler pour son pays. Dans la police, j’ai forgé ma personnalité et mon caractère. Aussi, grâce à la police, j’ai découvert beaucoup de pays. C’est une belle expérience.
Comment arrivez-vous à vous accommoder avec le «service commandé» de la police?
Oui. Ce n’est pas chose aisée, surtout que nous n’avons pas de choix si ce n’est obéir. Souvent, je suis obligée de répondre au service alors que je passais de temps avec les enfants. Quand il y a une alerte, je suis obligée de tout laisser pour y répondre. Dans notre travail, il faut toujours être prête et ne jamais discuter les ordres. Je peux placer cela dans la rubrique des inconvénients. Mais, j’étais bien consciente de cela lorsque j’ai intégré la police.
Policière et épouse d’un monsieur. Comment conciliez-vous ces deux occupations diamétralement opposées?
Le secret est qu’il y a un temps pour chaque chose. Je suis de ceux qui pensent qu’on peut être femme et directrice d’une grande société. Je combats des préjugés et discriminations sociaux qui n’ont aucun fondement. Je prône la parité parce qu’elle est vraie. Cependant, cette parité ne peut être effective que lorsque la femme cesse de se considérer comme moins que rien de la société. La femme doit avoir de la personnalité pour s’imposer dans cette société. Il n’y a pas de cadeau. J’organise mon temps pour travailler efficacement à la police et pour mon ménage. Très tôt le matin et la nuit, après le service, je m’affaire à réaliser tous les travaux ménagers.
Quel regard vos collègues hommes portent-ils sur vous?
Il y a encore un peu de discrimination au sein de la PNC. Les efforts sont faits pour que l’institution devienne «Gender». Vous savez, il y a à ce jour des postes que les femmes n’arrivent pas à occuper malgré leur compétence. Aussi, il y a des discours type: une femme ne peut réaliser ceci ou cela. Je pense que ce discours est révolu. Parce qu’au sein de la police, les femmes ont déjà fait preuve de leur savoir-faire. Malgré ces obstacles, le pourcentage démontre qu’il y a une certaine évolution au sein de la police dans son aspect genre. Il y a des avancées d’ordre de 30% dans la lutte contre les discriminations.
Des sources évoquent des harcèlements sexuels au sein de la PNC?
Dans toutes les structures où les hommes et femmes travaillent ensemble, on constate souvent ces dérapages. Ce n’est pas qu’à la Police nationale congolaise. Mais, comme je l’avais évoqué, les autorités de la police sont engagées à combattre les harcèlements sous toutes leurs formes.
Comme preuve de l’engagement de la hiérarchie contre les violences. Vous commandez l’unité de protection de l’enfant et de prévention de violences sexuelles…
Notre unité a vu le jour en 2014. Elle s’occupe de la protection de l’enfant et lutte contre les violences sexuelles. La tâche n’a pas été facile, parce que la population ignorait les infractions de la violation sexuelle. Nous avons commencé à sensibiliser la population sur les infractions des violences sexuelles. Depuis, nous constatons que la population est informée. Outre les cas de violences sexuelles, nous enregistrons aussi des cas d’abandon des familles et des enfants. Nous avons noté plus de 60 cas de viol d’enfants et des adultes cette année. Je profite de cette occasion pour conseiller la population de nous contacter à notre numéro téléphonique de permanence: 00243 852250429. En cas de viol, il est conseillé de nous contacter à temps, de préférence avant le troisième jour ayant suivi l’acte du viol pour la prise en charge médicale dans le but de prévenir les maladies et grossesse indésirables.
Quels conseils prodiguez-vous aux femmes RD-congolaises?
Aux jeunes filles, je leur exhorte d’être sûres d’elles et de ne pas se sous-estimer. Aussi, je veux dire aux femmes en général, tout ce qui doit être fait, mérite d’être bien fait. Je n’ai jamais donné mon corps pour obtenir quelque chose. Je suis sûre de mon intelligence et de mes capacités. J’encourage les femmes à faire des études. C’est grâce à cela que j’assume le poste de commandant de bataillon. Je les appelle aussi à s’habiller décemment. J’invite les filles intellectuelles à intégrer la police, parce que la policière de nos jours doit être non seulement compétente, mais aussi intellectuelle.
Propos recueillis par Mymye MANDA
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