Dans les provinces du Kasaï et Kasaï central, le conflit des limites entre les territoires de Demba et de Mweka persiste malgré les assises pour la paix et la réconciliation organisés récemment à Kananga. En sa qualité de leader d’opinion et digne fils de Demba, le Professeur Mulumba Katchy vient de donner de la voix sur cette situation. Il exige du gouvernement RD-congolais, la confirmation du tracé des limites héritées du pouvoir colonial belge en 1959. Ce notable qui dénonce les violences subies par les victimes, lance également un vibrant appel pour le dédommagement et la protection des populations du territoire de Demba.
Que retenir des assises de Kananga pour la paix et la réconciliation suite au conflit des limites dans les provinces du Kasaï et du Kasaï central?
D’emblée, nous estimons que la Conférence pour la paix et la réconciliation dans les provinces du Kasaï et du Kasaï Central à la suite du conflit des limites entre les territoires de Demba et de Mweka n’est pas bâtie sur la terre solide, mais plutôt sur le sol mouvant, car dépourvue de son soubassement en ce sens que la question essentielle des limites n’a pas été abordée et débattue. Les organisateurs ont tout simplement voulu créer une diversion pour désorienter l’opinion et ce, selon leur agenda présumé caché. Nous ne débitons pas ici des inepties, des balivernes. En revanche, nous émettons des réflexions objectives et profondes appelant à un débat de haut niveau. Notre intervention tourne autour des axes, ci-après: organisation du Forum et ses recommandations, expertise de l’Institut géographique du Congo, position géographique de la gare de Bakwa-Kenge et le dédommagement des victimes des violences du 4 août 2020.
1. Déroulement des assises.
Dès notre arrivée à Kananga le 8 octobre 2020, nous sommes allés présenter nos civilités au gouverneur ad intérim du Kasaï central et au vice-ministre de l’Intérieur, chef de la délégation du gouvernement national. Le gouverneur intérimaire nous dira que la Conférence était organisée par le gouvernement central exclusivement. Nous avons alors demandé au vice-ministre de l’Intérieur d’insérer notre nom sur la liste des orateurs. Il a accepté notre demande et promis qu’il en saisira le comité d’organisation.
Jour d’ouverture des assises le 9 octobre 2020.
Nous avons reçu notre invitation à l’entrée dans la salle, placé au niveau des Leaders d’opinions dans le territoire de Demba. Notre nom n’était pas retenu sur la liste des intervenants. Seuls les chefs coutumiers des groupements concernés ont pris la parole appelant leurs populations respectives à privilégier la paix et la réconciliation. Ce fut ensuite le tour des spécialistes de nous édifier sur la résolution classique des conflits.
Jour de la constitution des commissions le 10 octobre 2020.
Nous avons profité du début de la séance pour prendre la parole et remercier nos collègues conférenciers d’être venus compatir avec nous et plaider pour l’amélioration des conditions de vie des chefs coutumiers. Deux commissions furent constituées, portant respectivement sur la paix et la réconciliation et sur la coopération interprovinciale. Nous sommes envoyés dans la première commission sur la paix et la réconciliation. Les travaux en commissions ont commencé au début de l’après-midi. En ateliers, il fut imposé aux participants de se borner à formuler les propositions, les recommandations à l’attention du gouvernement central. Le moment n’était plus de débattre, de disserter sur les autres questions du conflit des limites, pourtant le leitmotiv de notre présence à Kananga.
Jour de la clôture le 11 octobre 2020.
C’est la restitution des travaux en plénière. Lecture et adoption des résolutions et recommandations sont faites. Suit ensuite la signature du protocole d’accord sur la paix et la réconciliation. Il fut aussi mention, à titre symbolique, de l’incinération des armes. Il faut noter à ce sujet qu’il n’y a pas d’armes à feu à Demba. C’est à Mweka qu’on détient les armes à feu où l’Etat laisse faire les agents de Mweka pour venir nous massacrer: Etat Sapeur-pompier. Le rapport final est donné par le modérateur. Puis, intervient le mot classique de clôture du vice-ministre, président de la Conférence. Curieusement, on voit surgir dans la salle deux personnes pour jouer à la comédie de nous balancer à la vitesse d’un éclair instantané les images très floues et très mobiles de l’Institut géographique du Congo et conclure d’une voix rauque et perdue que la gare Bakwa-Kenge se trouve dans le territoire de Mweka. Les conférenciers n’y comprennent pas grand ’chose et sortent sous les murmures. Telle a été la fin du Forum de Kananga sur le conflit des limites entre les territoires de Demba et de Mweka.
2. Expertise de l’Institut géographique du Congo.
Nous relevons qu’il y a eu deux sortes d’avis contradictoires de l’Institut géographique, ceux de la station locale, provinciale de Kananga et ceux de la station nationale de Kinshasa. Sur demande du gouvernement provincial de Kananga, la station locale de l’Institut géographique donne ses avis écrits et motivés sur la position géographique de la gare Bakwa-Kenge et conclut que cette gare se trouve dans le groupement de Bena Milombe, donc à Demba au Kasaï Central le 4 avril 2020. En revanche, la station nationale de Kinshasa donne ses avis verbaux, non motivés et dit que la gare Bakwa-Kenge est située dans le territoire de Mweka. Il est impensable que les experts des deux stations, locale et nationale du même Institut géographique du Congo, de surcroit spécialistes du domaine, puissent se contredire et émettre des avis opposés non harmonisés. Cela frise l’amateurisme, l’insuffisance, l’insouciance. Avant d’aller à Kananga, une information nous était parvenue qu’au niveau du vice-ministère de l’Intérieur, il se passait quelque chose de bizarre, de louche, de suspect; les choses étaient en train d’être graissées, lubrifiées, amadouées, arrangées en faveur de la partie adverse. Tout au long des Assises, nous avons feint d’être idiots, naïfs jusqu’au bout pour voir comment ils allaient atterrir, chuter. En ateliers, le vice-ministre de l’Intérieur, chef de la délégation gouvernementale a lâché deux bouts de phrase ayant conforté notre conviction selon laquelle les gains allaient basculer dans l’autre camp. D’abord, il demande au gouverneur du Nord de réduire la taxe sur le transport des produits agricoles de 500.000 fc à 2.000 fc. Ensuite, il excuse le même gouverneur de son absence à Bakwa-Kenge à la cérémonie de présentation des autorités politiques, administratives et les chefs coutumiers aux populations concernées que le pacte de paix et de réconciliation était scellé et que la hache de guerre était définitivement enterrée. Celui-ci réagit rapidement qu’il renonçait à son retour immédiat à Tshikapa pour privilégier le rendez-vous de Bakwa-Kenge. Nous avons conclu que l’adversaire était rassuré de gagner la partie. Malheureusement, ce rendez-vous n’a pas eu lieu. Mais, nous savions que les avis consultatifs de la station nationale de l’Institut géographique n’avaient aucune valeur juridique. C’est une simple pièce à verser au dossier en cours. Ils ne liaient pas les parties en conflit des limites des territoires. Ils étaient tout simplement réservés au gouvernement central, organisateur et destinataire final du Forum.
3. Position géographique de la gare Bakwa-Kenge.
On n’est pas allé à Kananga pour parler de la position géographique de la gare Bakwa-Kenge, mais plutôt des limites entre les deux territoires, Demba et Mweka. Cette gare n’est pas sur la ligne de démarcation entre les deux territoires; elle est à l’intérieur du groupement de Bena-Milombe, donc à Demba. Le nom Bakwa-Kenge est un pseudonyme, nom d’emprunt, faux nom, nom commercial utilisé par la SNCC pour individualiser, identifier ses produits. La gare ne devient pas pour autant la propriété du titulaire du nom. Elle demeure la propriété de la SNCC. En Zambie par exemple, la Gare de Ndola est administrée par Lubumbashi en RD-Congo. Cela n’attribue pas Ndola à la RD-Congo. La gare Ndola reste la propriété exclusive de la Zambie. De ce fait, nous avons demandé à la SNCC de se débarrasser de ce nom odieux, infâme ou de supprimer cette gare sur ses lignes car, elle est une source d’ennuis. La SNCC l’a déjà fait pour d’autres gares non viables, telles Imambumba, Pemba-Yango, Nkoshi, Bena-Longo, Luembe, Nkashama, Kadiebwe, Tshibungu, Tshibashi, etc.
4. Dédommagement des victimes des violences du 4 août 2020.
L’attaque de la milice armée venue de Mweka a fait de nombreux morts et d’énormes dégâts matériels dont la liste en annexe. La maison du Professeur Mulumba Katchy a été broyée. Nous détenons aussi la liste de 23 miliciens concernés, véritables Kulunas drogués qui ont causé la désolation ce jour-là. Comble du ridicule, on dénombre sur cette liste 10 miliciens issus des mariages croisés, des mariages mixtes, les métis noirs, appelés vulgairement «Dolaren». Drôle n’est-ce pas! Notre avocat-conseil est sur ce dossier devant les cours et tribunaux du pays. Nous avons besoin d’un Etat fort, garant de la sécurité et de la paix de ses citoyens et de leurs biens, et non d’Etat complice qui laisse passer une milice armée d’une province aller dans une autre province massacrer, incendier, violer, détruire, démolir, dévaster, anéantir les infrastructures et polluer l’environnement pour venir par après en sapeur-pompier pour éteindre l’incendie par l’organisation des fausses conférences sur la paix, à l’instar du Phénomène Kamuina Nsapu en 2016, des violences de Kakenge en 2018 et de celles de Bena Milombe en 2020. A voir le mode opératoire de la milice armée venue de Mweka, on dirait que le phénomène Kuluna de Kinshasa est en train d’être importé et dispatché à l’intérieur de la République, ce qui est dangereux pour la sécurité de notre pays. Nous invitons le gouvernement central et ses services à explorer la piste et à y veiller. Nous avons le loisir de nous pourvoir auprès des instances internationales de la défense des droits de l’homme, de la Communauté internationale pour venir assurer la protection de nos populations. Somme toute, nous disons que le gouvernement de la République nous a apporté les problèmes des limites par le découpage fantaisiste et inopportun du territoire national et que c’est à lui de les résoudre en vue de restaurer la paix et la tranquillité dans cette partie de la République. Aussi sommes-nous dans l’obligation d’exiger du gouvernement congolais la confirmation du tracé des limites héritées du pouvoir colonial belge en 1959, la suppression de la taxe sur la circulation interprovinciale des produits agricoles, élément déclencheur des violences actuelles, le dédommagement des victimes des violences du 4 août 2020, après l’évaluation du préjudice par notre avocat-conseil devant les cours et tribunaux et, enfin la protection des populations de Demba. La population du Kasaï central reproche à ses délégués d’avoir signé les accords de paix et réconciliation avant que la solution du conflit ne soit trouvée. Nul ne peut rejeter paix et sécurité. Donc, les pactes sur la paix et sécurité nous hantent partout et peuvent être conclus à n’importe quelle occasion. Nous avions anté-signé ce pacte de paix par souci de calmer les esprits surchauffés des populations.
Ainsi rendu à Kinshasa, le
Professeur Mulumba Katchy
Leader d’opinions du Territoire de Demba, Délégué au
Forum de Kananga du 9 au 11 octobre 2020.