Une histoire née des funérailles, entre le 31 octobre et le 1er novembre 2016, des six combattants de l’Union pour la démocratie et le progrès social -UDPS- morts lors des manifestations des 19 et 20 septembre 2016.
Cette cérémonie, couverte par les médias tant nationaux et internationaux, a laissé échapper un détail important: il a manqué 94 corps, si l’on s’en tient au bilan dressé par le parti de Tshisekedi wa Mulumba, contre 32 pour le pouvoir et 53 selon l’ONU.
Un recueillement, douloureux certes, mais devenu dans un second temps une nouvelle polémique médiatique, que les partisans de la Majorité présidentielle ou tout autre esprit indépendant et alerte commenteraient sous l’angle du complot, de la désinformation et d’une manipulation de l’opinion pour des motifs évidents.
A en croire plusieurs analystes dans les milieux de la Majorité, cet élément matériel doit pousser certains observateurs et partenaires à relativiser les informations fournies par les organisateurs sur le nombre -fantaisiste?- des victimes recensées.
Sauf si l’UDPS, après les hommages du MLP de Franck Diongo en mémoire de ses 4 militants sur 12 revendiqués exposés le 6 octobre sur l’avenue de l’Enseignement, a levé l’option de laisser à chaque parti membre du Rassemblement les soins d’enterrer ses adeptes fauchés. Ça intrigue! Et, de ce point de vue, la tribune signée Omer Nsongo die Lema ci-contre mérite l’avant titre «Episode du vrai faux bilan» et le titre «Obsèques de vérité».
Après enterrement des six combattants
UDPS: où sont passés les 94 autres morts?
A la manipulation, elle a ajouté la discrimination…
Les lundi 31 octobre et mardi 1er novembre 2016, l’UDPS a organisé des funérailles fortement médiatisées pour six combattants ayant trouvé la mort à son siège à la suite des événements du 19 et du 20 septembre 2016. Dans une interview sur «RTBF», Etienne Tshisekedi a déclaré le mardi 20 septembre que «le régime de Monsieur Kabila s’est illustré par une extrême barbarie en tuant en 2 jours plus de 100 personnes de nos compatriotes». Le lendemain, en présence des membres de son parti et de «Rassemblement», Jean-Marc Kabund, secrétaire général de l’UDPS, a confirmé ce chiffre non sans annoncer plus de 1.000 blessés et plus de 2.500 opposants aux arrêts localisés, selon ses termes, aux camps militaires Kokolo, Tshatshi et Lufungula en plus des cachots de l’ANR à Kinshasa et à l’intérieur du pays, tout en alertant l’opinion sur un nombre incalculable de disparus. Conséquence: au pays comme à l’étranger, et surtout à l’étranger, des condamnations se sont succédés avec comme cibles les autorités RD-congolaises…
Seulement voilà: au-delà de tout débat pour le moins indécent autour des morts -encore que les compatriotes décédés ont été victimes d’un crime planifié- l’UDPS s’est limitée à honorer la mémoire de ses six combattants décédés à son siège, au motif fallacieux selon lequel c’est à ces corps-là qu’elle a eu accès.
Curieusement, ni les ONGDH, ni les partenaires extérieurs à avoir récupéré à leur compte les déclarations du lider maximo et de son second ne se préoccupent de chercher à savoir ce que sont devenus les 94 autres et plus d’opposants «tués de sang froid»!
On sait que le gouvernement a annoncé un bilan global de 32 morts pendant que le président des FONUS, Joseph Olenghankoy, membre du comité des sages de «Rassemblement» a évoqué sur «Radio Okapi» le chiffre de «plus de 75». On sait aussi que la MONUSCO a commencé par confirmer le bilan du gouvernement avant de se prononcer sur «plus de 53». On sait, surtout, que l’Hôtel de ville de Kinshasa s’est déclaré disposé à prendre en charge les funérailles des victimes et attend.
Depuis, les familles des «plus de 100» ou «plus de 75» ou «plus de 53» morts, même ceux dont les cas ont été documentés pour reprendre une expression consacrée en matière des Droits de l’homme ne se font pas signaler.
On peut donc supposer que le stratagème «Lititi mboka» de triste mémoire a été réactivé. Il s’agit, pour rappel, du fameux et non moins fumeux massacre des étudiants survenu sur le campus de l’Université de Lubumbashi en mai 1990, incidents à l’origine de l’isolement diplomatique du régime Mobutu et de la suspension de la coopération structurelle qui se révélera ruineuse pour la population. En effet, du jour au lendemain, des programmes en faveur des entreprises et des établissements publics comme Gécamines, ex-ONATRA, ex-SNCZ, RVA, RFV, RVM, Office des routes, SNEL et autres REGIDESO furent arrêtés!
Des funérailles séparées
Les événements en cours au pays sont donc dans la même logique. Isoler surtout la Majorité présidentielle et son Autorité morale.
L’ennui est que l’Opposition radicale et sa Société civile ne se gênent pas d’instrumentaliser les victimes.
Première preuve: en ne prenant que ces cinq dernières années, l’UDPS a une longue liste de ses combattants prétendument tués par les forces de l’ordre à la suite des manifestations réprimées de façon disproportionnées, comme on dit. Le parti les aligne chaque fois par dizaines. Jamais, mais alors jamais ces morts n’ont été honorés comme les six derniers en date.
Deuxième preuve: alors que les manifestations du 19 et du 20 septembre 2016 ont été initiées par «Rassemblement», l’UDPS a préféré enterrer «en solo» ses six victimes, comme pour laisser au G7, à «Dynamique», à «AR», au «G14», à la «CDC», à la «MPP», au «FP», à la «Société civile» et aux «Alliés du Président Tshisekedi» les soins d’identifier les leurs et de leur offrir des funérailles séparées, et encore après le deuil national décrété!
Apparemment, de Pierre Lumbi à Moïse Katumbi en passant par Gabriel Kyungu, Charles Mwando, Joseph Olenghankoy, Martin Fayulu et autres Delly Sessanga, personne n’a prévu un programme similaire. Ce qui suppose que les «plus de 94» risquent de ne pas avoir de sépulture digne de leur «sacrifice».
Ni fichier, ni corps électoral
Mais, ce qui est choquant -et c’est ici la démonstration du crime planifié- les manifestations du 19 septembre 2016 ont été organisées au nom du délai constitutionnel contraignant la CENI à convoquer le corps électoral.
Tous les membres de «Rassemblement» savaient que la Centrale électorale était techniquement dans l’impossibilité de s’exécuter, et ce pour deux raisons. La première est que le corps électoral disponible était celui du fichier électoral de 2011 contesté par toutes les forces politiques aussi bien de l’Opposition que de la Majorité. L’UDPS avait même organisé des sit-in devant le siège de la CENI en juillet 2011. La seconde raison est que la CENI venait de lancer, le 31 juillet 2016, les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs à partir de Gbadolite pendant qu’Etienne Tshisekedi tenait son meeting sur le Boulevard Triomphal.
Ainsi donc, la Centrale électorale n’avait à la date du 19 septembre 2016 ni fichier, ni corps électoral.
«Rassemblement» finira d’ailleurs par le reconnaître le 4 octobre 2016 lors de son conclave. Dans le rapport final publié le même jour, il va demander «l’évaluation minutieuse de l’opération d’enrôlement des électeurs en cours en vue d’en assurer la régularité et de l’accélérer». C’est au point 3.2.
C’est bien la preuve qu’Etienne Tshisekedi, Moïse Katumbi et tous les autres membres de la plateforme avaient conscience d’avoir mis dans la rue leurs militants, partisans et combattants pour autre chose que la convocation du corps électoral.
Le gouvernement soutient jusque-là la thèse du soulèvement populaire, et Martin Fayulu a eu le courage de l’admettre dans l’interview accordée le même 19 septembre à «Jeune Afrique». «Nous n’allons pas laisser Kabila s’éterniser au pouvoir. Le peuple RD-congolais veut emboîter le pas au peuple burkinabé qui s’est libéré des affres de Blaise Compaoré», a-t-il dit pendant que la ville était en train de brûler avec, pour bilan humain, selon Etienne Tshisekedi et Jean-Marc Kabund la centaine de morts.
Six semaines après, l’UDPS s’est contentée de n’enterrer qu’une demi-douzaine. Les siens!
A la manipulation, elle a ajouté la discrimination!
Omer Nsongo die Lema
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