«Il faut éviter d’agir ou d’interpréter avec des émotions. Au niveau des responsabilités où nous sommes, nous ne tablons que sur des faits, mais surtout sur la véracité des faits… le ministère de l’Industrie a diligenté une mission sur place pour s’enquérir de la situation exacte», a révélé le ministre de tutelle
Constantin Mbengele est dans de sales draps.
L’ADG du Fonds de promotion de l’industrie -FPI- est à la fois dans le collimateur de l’Assemblée nationale, qui a demandé sa suspension par la tutelle en compagnie de son second, le DGA Ilunga, ainsi que dans le viseur de Luzolo Bambi Lessa, conseiller spécial du Chef de l’Etat chargé de la bonne gouvernance, lutte contre la corruption et blanchiment des capitaux. Plusieurs fois interpellé, Mbengele refuse de se rendre.
Au point de faire provoquer mardi devant le siège du FPI, une fusillade entre les PM «achetés» pour sa protection et les services du conseiller spécial en mission officielle. L’affaire est sérieuse. Elle a été à l’origine, apprend-on, d’une réunion autour de la plus haute autorité de l’Etat. Alors que le président de l’Assemblée nationale exige dans un courrier le rapport du ministre de l’Industrie. Croisé dans son bureau le 1er septembre, Germain Kambinga Katomba fait des confidences, faisant savoir que les recommandations des députés nationaux sont à l’étude dans la mécanique gouvernementale.
Et de rassurer: «très rapidement, sous l’autorité du Premier ministre, le gouvernement ne manquera pas d’y apporter des réponses idoines». A propos du dialogue politique ouvert à la cité de l’UA, Kambinga reconnait qu’il y a des améliorations à faire en termes d’inclusivité et salue la présence «du premier parti de l’Opposition institutionnelle opérationnelle, l’UNC de Vital Kamerhe et du groupe parlementaire UDPS et alliés». Interview!
Vous êtes le ministre de l’Industrie, la tutelle du FPI.
Il y a des recommandations de l’Assemblée nationale vous demandant de suspendre l’ADG. Jusqu’à présent, rien n’est fait. Certaines personnes vous accusent même de complicité avec l’ADG. Qu’attendez-vous pour le suspendre?
Les gens se trompent d’approche. L’Assemblée nationale transmet au gouvernement des recommandations et il n’y a pas que celles-là, il y en a des centaines. Il y a eu un séminaire organisé par mon collègue ministre des Relations avec le Parlement, qui a fait l’inventaire des recommandations et une évaluation.
Le Premier ministre, chef du gouvernement, a suivi avec beaucoup d’intérêt ces travaux et des conclusions sont transmises à l’Assemblée nationale. Il est vrai qu’en date du 29 juin, l’Assemblée nationale a transmis au Chef du gouvernement les recommandations liées spécifiquement à la situation du FPI.
À ce stade de la mise en application, ces recommandations sont à l’étude dans la mécanique gouvernementale. Très rapidement, sous l’autorité du Premier ministre chef du gouvernement, nous ne manquerons pas d’apporter des réponses idoines à ces préoccupations de l’auguste Assemblée, qui est un partenaire de tous les jours du gouvernement et avec qui le gouvernement de la République travaille en bonne intelligence. Nous vous rappelons que l’Assemblée nationale est composée d’une majorité dont le gouvernement est issu.
Donc, il n’y a pas de contradictions possibles entre l’action du gouvernement et les actions parlementaires, fussent-elles des actions de contrôle. Il y a un travail qui est fait en bonne intelligence. Que l’opinion ne s’émeuve pas outre mesure, le gouvernement est au travail. Et le gouvernement de la République, comme toujours, répondra à l’Assemblée nationale comme cela se doit.
Vous avez été cité personnellement. C’est vous qui allez répondre le moment opportun aux questions des députés. Qu’avez-vous déjà fait pour montrer à l’Assemblée nationale que vous êtes préoccupé par ce qui se passe au FPI?
Je suis le ministre de tutelle.
Nous travaillons, comme je vous l’ai dit, au niveau du gouvernement de la République sur l’application de différentes recommandations de l’Assemblée nationale. Le gouvernement de la République a une logique fonctionnelle à laquelle nous sommes tous soumis.
Je vous ai dit qu’il n’y a aucune contradiction entre les actions de l’Assemblée nationale et celles du gouvernement parce que le gouvernement est l’émanation de l’Assemblée nationale d’où il tire toute la légitimité à travers une majorité confortable. Donc, rassurez-vous, ce sont des dossiers qui sont suivis au sommet de la hiérarchie gouvernementale.
L’ADG du FPI, traqué par le conseil spécial du Chef de l’Etat, refuse de se rendre. Il y a eu échange des coups de feu mardi à la direction générale étant donné sa résistance face aux services du Conseiller spécial en mission.
Quel avis émettez-vous sur la situation qui prévaut actuellement au FPI?
Il faut éviter d’agir ou d’interpréter avec des émotions. Au niveau des responsabilités où nous sommes, nous ne tablons que sur des faits, mais surtout sur la véracité des faits. Une situation s’est produite. À l’évidence, tout le monde est informé. Le gouvernement de la République à travers le ministère de l’Industrie a diligenté une mission sur place pour s’enquérir de la situation exacte. Bien-sûr, au-delà de toutes les investigations d’ordre sécuritaire, notre investigation est d’ordre administratif. Elle nous permettra, au finish, de faire un rapport circonstancié à l’autorité principale du gouvernement, le Premier ministre. De ce rapport-là, le gouvernement tirera toutes les conséquences parce qu’effectivement l’ordre public a été perturbé et si des responsabilités doivent être dégagées, elles le seront.
Pouvons-nous avoir une idée sur le contenu de ce rapport après investigation?
Bien-sûr que non. Ce rapport est destiné au chef du gouvernement.
Et s’il vous avait demandé d’octroyer une cote à l’ADG du FPI, quelle note lui attribueriez-vous?
Vous imaginez bien que le sens de responsabilité qui est le nôtre ne nous permettrait pas de faire ce type d’exercice à travers les médias. Nous travaillons avec la gravité qu’exige le niveau de responsabilité qui est le nôtre. Ce n’est pas un exercice auquel peut s’adonner un ministre.
Du moins, vous êtes satisfait du travail que fait l’ADG du FPI ?
Ce n’est pas un exercice auquel un ministre doit se livrer à travers les médias. Les évaluations se font dans le cadre gouvernemental sous l’autorité du Premier ministre, chef du gouvernement.
Le dialogue politique national est voulu inclusif. Mais, l’on se rend compte que certains gros poissons de l’Opposition sont absents. C’est mal parti. Ce manque d’inclusivité n’est pas de mauvais augure?
Entre la perfection et le mouvement, compte tenu de la situation actuelle, le mouvement est préférable. Il fallait commencer quelque part. Je pense que lorsque le premier parti de l’Opposition institutionnelle opérationnelle accepte de participer, je parle ici de l’UNC qui reste un bloc à l’état actuel, nous ne pouvons que nous féliciter de cette évolution. Les travaux vont commencer, des débats sur le processus électoral et l’apaisement ou la sérénité nécessaire à l’évolution positive des choses pour notre pays vont y être débattus. Ça veut dire que nous avançons. C’est ce qu’il faut retenir. Je reste convaincu que, s’il y a des améliorations en termes d’inclusivité, cela ne peut être possible à l’état actuel des choses que dans la dynamique en cours. Il ne fallait pas continuer dans une situation qui consacrerait des positions tranchées de part et d’autre. Il était important que des choses commencent. Et qu’on montre que de part et d’autre, il y a volonté d’avancer. Des mesures de décrispation et une partie très importante, sinon la plus importante, de revendications ont été réalisées. Nous avançons. Nous gardons bon espoir que tous ceux qui aujourd’hui montrent quelques hésitations vont, au nom de l’intérêt supérieur de la nation, rejoindre le bateau du dialogue qui est la seule voie par laquelle transite finalement l’abordage de manière sereine de toutes les situations que le pays aura à affronter dans les mois qui viennent.
Et s’ils campent sur leur position ?
L’essentiel, à ce stade, est de rester positif. Il n’y a pas un combat d’un Congo contre un autre. Il y a une volonté commune de faire en sorte que les acquis démocratiques et constitutionnels soient préservés. Il y a également une volonté de trouver des réponses politiques en rapport avec les contraintes techniques qui nous sont posées par la CENI. Je préfère rester positif et considérer, qu’au-delà des postures des uns et des autres, que la réalité s’imposera et l’intérêt supérieur de la nation commandera définitivement aux uns et autres de faire ce qui est le plus à même de permettre à la République de rester sauve.
Donc, la non-participation du Rassemblement et autres plates-formes n’est pas un non-évènement ?
Ça ne peut pas être un non-évènement. Vous avez une large partie de la classe politique composée d’une part de la Majorité au pouvoir et d’autre part de nombreux partis d’Opposition auxquels est venu se greffer le premier parti de l’opposition institutionnelle opérationnelle. Vous ajoutez à cela, le groupe parlementaire UDPS, bien qu’ayant encore quelques défis à affronter dans le cadre de l’harmonisation des points de vue avec les partis originels. En sus de cela, de nombreux autres partis politiques, je l’ai dit précédemment. Nous avons un aéropage représentatif de la classe politique RD-congolaise.
Il est établi qu’il n’y aura pas d’élections en 2016. Surement à l’issue du dialogue, il y aura un accord politique allant dans le sens du partage du pouvoir. Comment vous voyez-vous après ces assises ?
L’important est avant tout l’intérêt supérieur de la nation. Après le dialogue, nous espérons avoir sur la table un accord politique qui démontrera la volonté de la classe politique RD-congolaise de faire avancer le pays dans un sens beaucoup moins désespérant comme voudraient le faire croire de nombreux acteurs aujourd’hui marginalisés.
Après le dialogue, vous allez éventuellement perdre votre poste de ministre. Ne craignez-vous pour votre poste ?
L’intérêt personnel est si petit face à un intérêt aussi important que pareilles questions ne peuvent même pas se poser à tout homme politique qui se veut être avant tout un homme d’Etat qui réfléchit aux intérêts qui transcendent ses aspirations personnelles pour ceux liés au devenir de sa nation. Ce genre de choses ne peuvent pas être un blocage. Ceux qui réfléchissent comme ça n’aiment pas la RD-Congo. Si vous avez, comme aime le rappeler le président de la République Joseph Kabila Kabange, la passion du Congo, vos décisions doivent être dictées par l’intérêt du pays. L’intérêt de la RD-Congo aujourd’hui commande que les RD-congolais se rencontrent, balisent l’avenir et préviennent les possibles convulsions politiques et sociales qui pourraient remettre en cause les acquis démocratiques et l’ordre institutionnel.
Lors de l’ouverture des travaux du Comité préparatoire, des militants des partis politiques de la Majorité présidentielle ont pris d’assaut l’Hôtel Béatrice avec des drapeaux et autres insignes distinctifs. A la cité de l’UA, le dialogue s’ouvre sous la surveillance de la Garde républicaine. Ça ressemble à un forum de la MP qu’à un dialogue où l’on retrouve toutes les tendances politiques…
Je ne savais pas que le titre de propriété cadastrale de la cité de l’Union africaine était mis à la disposition de la Majorité. Je ne savais pas qu’il était écrit sur ce titre: espace appartenant à la majorité présidentielle. Ce sont des édifices publics comme le Palais du peuple et autres. L’exercice qui s’y déroule est tout à fait à sa place à cet endroit. Le dialogue a été convoqué par le chef de l’Etat à travers une ordonnance. Je ne pense pas qu’il faille se lancer dans ce type de polémiques qui revêtent un caractère dérisoire compte tenu de l’importance des enjeux.
Un ajout?
C’est juste souhaiter qu’en ce 1er septembre, jour d’ouverture du dialogue national, que l’avenir de la RD-Congo s’inscrive avec encore plus d’espérance. Les fils de ce pays ont décidé d’anticiper et de s’entendre pour aborder dans la sérénité les mois qui viennent. Tout cela au bénéfice de l’intérêt général mais surtout de la nation RD-congolaise.
Propos recueillis par Barick BUEMA
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