Politique

Décentralisation: les vérités crues de Muzito

L'ancien PM, Adolphe Muzito
L’ancien PM, Adolphe Muzito
Parole forte et rentrée en force de l’ancien Premier ministre qui fait part de sa vision et des chances de réussite de la loi sur le redécoupage
 
L’ancien Premier ministre signe, dans quatre ou cinq médias kinois parus ce lundi, une tribune, une grande première depuis son départ de la Primature, dans laquelle il fait part de sa vision sur l’installation des nouvelles provinces. Une parole forte, une rentrée en force dans ce débat qui passionne plusieurs personnalités. Des vérités crues. Si d’autres, proches ou rivaux politiques, craignent que l’ancien PM s’expose à la veille de la recomposition du paysage politique, l’intéressé, lui, évoque, sa contribution au débat sur l’opportunité du redécoupage.
Une sorte de devoir que s’impose cet ancien gestionnaire du pays, au contact et au courant de plusieurs réalités. Muzito est sceptique quant au succès de cette réforme dans des conditions actuelles. Il est d’avis que les 11 provinces et les entités territoriales décentralisées ne disposent pas encore d’un cadre légal pour le recrutement et la carrière de leur personnel au sein de la fonction publique provinciale ou locale.
«Jusqu’à ce jour, les provinces fonctionnent sans caisse de péréquation nécessaire pour le financement des investissements dans les provinces à faible capacité fiscale contributive. Le statut des chefs coutumiers, maillons importants dans la mise en œuvre apaisée de la décentralisation, n’est pas encore défini», assène-t-il. Et de poursuivre: «Dans de nombreux cas, les lois publiées doivent encore connaître des mesures d’application par voie réglementaire». En matière de transfert des pouvoirs par le Gouvernement central au profit de provinces, il affirme que ces dernières sont restées à ce jour toujours privées de leurs pouvoirs politiques  et administratifs  tels que leur dévolus par la Constitution. Et pour cause: la loi sur la fonction publique provinciale n’est toujours pas édictée par les instances nationales.
Conséquence logique: les provinces ainsi que les entités administratives décentralisées ne disposent  toujours pas de leurs personnels propres. Elles utilisent toujours les personnels des services décentrés de l’Etat, même pour les domaines relevant de leur compétence exclusive. Notamment dans les domaines de la Santé, de l’Enseignement primaire et secondaire, de l’Agriculture et en charge des affaires coutumières, où les pouvoirs de nomination, de révocation, de promotion des personnels de ces quatre secteurs ainsi que ceux de fixation des salaires, de mécanisation, d’engagement, de liquidation et d’ordonnancement de ceux-ci pour les  enseignants, les médecins, les infirmiers, les agronomes, les chefs de groupement, etc. relèvent toujours du gouvernement central.
Il va sans dire que cette concentration du pouvoir par le gouvernement central rend inefficace son action et alourdit les procédures administratives et affaiblit l’action de l’Etat sur le social, domaines de prédilection des provinces. «Il en est de même de la gestion, de la construction et de la réhabilitation des hôpitaux, des écoles et des centres agro-pastoraux ainsi que des routes de dessertes agricoles et des crédits budgétaires y relatifs. Cet état des choses conduit à l’accaparement des ressources budgétaires par Kinshasa et à sa substitution aux pouvoirs locaux pour bien d’initiatives», tranche Muzito.
Les inquiétudes de l’ancien PM le sont également en matière de rétrocession des 40% des recettes à caractère national, par le Gouvernement central au profit de provinces. «Sur un montant total représentant le 40 % des recettes à caractère national, montant inscrit au budget de l’Etat chaque année et dû aux provinces et entités décentralisées, celles-ci ne reçoivent en moyenne que de 10%», indique-t-il. Et le reste? Il est géré par le gouvernement central, précise-t-il, notant qu’il se rapporte aux crédits d’investissement au profit des provinces et entités décentralisées et aux salaires se rapportant à leurs domaines de compétence exclusive -enseignants, personnels de la santé, de l’agriculture et des affaires coutumières.
Muzito avance des chiffres. «En effet, dans la période allant de 2011 à 2015, le gouvernement Central a alloué chaque année, aux provinces, au titre de crédit de fonctionnement -au profit des rémunérations et fonctionnement des membres des gouvernements provinciaux, des Assemblées provinciales et de toutes les entités décentralisées», révèle-t-il. Puis, plus précis: «Sur les 40% de recettes à caractère national, un montant fixe de 214 milliards de Francs congolais -241 milliards de Francs congolais en 2015- et ce, malgré l’accroissement de recettes courantes durant la même période, lesquelles sont passées de 3.067 milliards de Francs congolais en 2011 à 5.392 milliards de Francs congolais en 2015, soit un accroissement de 76%». Tribune.
 
AKM

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