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Les brassicoles encouragent la consommation d’alcool à Kinshasa

la biere
On aurait bien voulu entendre les protestations de la Société civile sur la dérive qui gagne de plus en plus du terrain dans le secteur de la consommation à Kinshasa. FC 2000 pour trois Primus «petite ya quartier» dans certains coins de Kinshasa ou deux bouteilles à FC 1500 dans d’autres quartiers et FC 2500 pour six «Petite Nkoyi», il n’y a pas de doute, s’enivrer coûte désormais moins cher dans la capitale!
Cela peut constituer  un réel danger pour la santé publique et l’avenir du pays. Les pouvoirs publics laissent faire, l’opposition a ses intérêts plutôt dans la politique politicienne… et la Société civile brille par un silence complice
Les deux plus grandes brasseries RD-congolaises -Bralima et Bracongo- orchestrent, peut-être sans le savoir, le sacrifice de toute une génération des RD-Congolais. Les jeunes! Pour répondre à la concurrence, elles ont adapté les prix de leurs produits à la bourse des Kinois à tel point que la bière coûte de loin moins cher que la nourriture.
Par conséquent, lever le coude est devenu l’activité principale de nombreux jeunes Kinois. Ils boivent du matin au soir. Des véritables disciples de Bacchus. Chaque journée ressemble à une fête dans les rues de la mégalopole kinoise. Une distraction, pire, un réel danger pour la santé publique et le pays dont ceux qui sont censés prendre la relève dans sa direction s’illustrent, alcool aidant, à des comportements déviants.
Le plus aberrant est que cela se fait, non seulement, sous la barbe des dirigeants qui devraient protéger les intérêts de la Nation en régulant le secteur, mais aussi, sous un désintéressement blâmable des opposants, occupés à courir derrière le pouvoir. Et surtout sous un silence, pour le moins, complice d’une église qui s’affaire plus à vendre l’illusion au peuple…
A Kin, se souler coûte désormais moins cher que se nourrir. Le prix de la bière baisse à une vitesse hallucinante. Attention! Cela n’est pas la résultante des prouesses macroéconomiques du gouvernement. Non, loin de là. C’est plutôt la conséquence de la concurrence accrue entre la Bralima et la BraCongo, deux grandes sociétés brassicoles en RD-Congo. Afin de rencontrer la bourse du plus petit des RD-Congolais, les deux entreprises ont réduit les tailles de leurs bouteilles et, de là, rabattu les prix de leurs produits. D’une part, une Primus petite ya quartier dont la bouteille est de 50 Cl revient à FC 800, deux à FC 1500 et trois à FC 2000.
Et de l’autre, la petite Nkoyi de 30 Cl est vendue à FC 500, la bouteille et FC 2500 pour six bouteilles, … De quoi garantir des soirées où la bière coule à flot! La stratégie marche. Les Kinois ont mordu. Jours et nuits, bars, terrasses, etc. sont remplis de monde, jeunes et vieux qui boivent à tire larigot. L’expression boire comme des Polonais y trouve tout son sens. Que du bonheur pour ces brasseries! Prendre des libres de bière devient une manie à Kinshasa, surtout pour les jeunes -même les mineurs d’âge.
Cela les expose à des maladies. «320 000 jeunes gens âgés de 15 à 29 ans meurent chaque année des causes liées à l’alcool, ce qui représente 9% de la mortalité totale dans ce groupe d’âge», renseigne un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé -OMS- de février 2011. Ce même rapport affirme qu’il y a: «près de 4% des décès liés à l’alcool. La plupart des décès liés à l’alcool résultent de traumatismes, du cancer, de maladies cardio-vasculaires et de la cirrhose du foie».
Mais il n’y a pas que ça. Selon Carina Ferreira Borges, officier technique pour l’abus de substances au bureau régional de l’OMS pour l’Afrique -Congo-Brazzaville-, à plus long terme, la consommation nocive de l’alcool occasionne des cancers de l’estomac, des cirrhoses du foie… «L’alcool favorise aussi le développement de maladies infectieuses, comme la tuberculose et le VIH. En Afrique, qui a un fort taux de maladies infectieuses, l’alcool augmente le nombre de nouveaux cas de VIH; surtout parmi les jeunes qui auront des comportements sexuels à risque. En terme de traitement contre le VIH et la tuberculose, les gens qui boivent beaucoup ont plus de difficultés à suivre le traitement jusqu’à la fin. Sans compter que les médicaments sont moins efficaces car l’alcool diminue la capacité de l’organisme à les assimiler et à se défendre», explique-t-il dans une interview accordée à Jeune Afrique. Parlant de Kinshasa, le pire est que l’alcool devient davantage accessible pour la jeunesse. Le pays risque d’avoir dans quelques années un nombre hallucinant des jeunes alcooliques dépendants à qui il faudra confier le devenir de la RD-Congo. Au secours! Il y a péril en la demeure.
Le silence complice…
L’Etat, censé mettre des garde-fous pour protéger le pays contre tout danger, applique le laisser-faire. Pire encore, aujourd’hui les débits de boissons s’ouvrent très tôt le matin. Or, l’ordonnance loi du 1er juin 1975 est claire à ce sujet. Elle stipule que: «les heures d’ouverture de tous débits de boissons quelconques, sont fixées comme suit sur tout le territoire de la République: de 18 heures à 23 heures, du lundi au vendredi, la vente de boissons devant cependant prendre fin dès 22 heures».
Puis, «le samedi et veille des jours fériés légaux à partir de 18 heures jusqu’au lendemain à 6 heures du matin». Puis encore: «le dimanche et jours fériés légaux à partir de 11 heures du matin jusqu’à 24 heures, la vente de boisson devant cependant prendre fin dès 23 heures». Rien n’y a fait. Sur le terrain, l’on constate autre chose. A en juger par un tableau tracé dans le rapport de l’OMS, la RD-Congo ne figure même pas parmi les pays africains où il y a une restriction d’âge pour avoir accès à l’alcool.
Curieux. Certains des RD-Congolais y voient un complot obscurantiste. «Les dirigeants encouragent nos enfants à boire pour qu’ils soient distraits pendant que les leurs étudient dans des grandes écoles, en Europe et en Afrique du Sud, pour qu’après ceux-ci viennent nous diriger», avance un parent kinois. Vrai ou faux? A chacun de voir ce qu’il en est. Cependant, le fait est que les jeunes étudiants, surtout les débutants, sont les plus versés dans la boisson. Des vrais disciples de Bacchus. Autre hypothèse. «L’Etat subventionne secrètement ces brasseries pour que le peuple boivent plus et qu’ils s’intéressent moins à la politique du pays», soutient-on. Surréalistes! Peut-être pas. La léthargie des dirigeants face à ce problème est pour le moins coupable.
Les gouvernants ne sont pas les seuls reprochables. Ce, étant donné que la vie du pays ne dépend pas seulement d’eux. A côté, il y a l’opposition, la Société civile dont les églises, les ONG de protection des Droits de l’enfant, etc. qui prétendent agir pour l’intérêt du peuple. Ils peuvent aussi faire un lobby pour pousser le gouvernement à pallier à ce problème. En ce qui concerne l’Opposition, elle, qui justifie son combat par la recherche du bien-être du peuple et de la Nation, ne bronche pas.
Elle a plus la tête dans la politique politicienne. Et les églises, en principe, gardiennes de la morale et de l’éthique du peuple de Dieu, semblent, elles aussi, avoir la tête ailleurs. Laissant ainsi ces brebis se noyer sous les vagues insatiables de l’alcool. Certaines confessions préfèrent ne monter au créneau que lorsqu’il s’agit des questions politiques et d’autres s’affairent à vendre de l’espoir. Entretemps, les Kinois, comme des enfants abandonnés, s’adonnent aveuglement à cette pratique pernicieuse. Alerte orange!
Hugo Robert MABIALA 

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