Orange RDC, la filiale RD-Congolaise du Groupe français Orange Télécom, est dans de sales draps. Le contentieux opposant l’opérateur de téléphonie à son ex-Directeur général de nationalité ivoirienne, Gérard Lokossou, semble ouvrir une boite de pandore sur les pratiques obscures de cette société. Deux ans après son départ de la tête d’Orange RDC dans un contexte marqué par la crise sanitaire Covid-19, Gérard Lokossou a dénoncé, à travers ses avocats, une «révocation abusive au mépris de toutes les règles prescrites». L’affaire, portée par devant le tribunal du Commerce de la Gombe, a tourné à l’avantage de l’Ivoirien malgré les subterfuges dilatoires utilisés par les avocats d’Orange RDC.
En parallèle, l’ex-manager a également saisi l’Inspection du travail. Ici, il a brandi la «non fin de son contrat de travail». Lié contractuellement avec la filiale RD-congolaise de la firme française, l’Ivoirien s’est vu contester ce titre, malgré l’existence d’un visa de travail et de la carte de travailleur d’expatrié. Orange RDC a entrepris de nier l’existence d’un contrat de travail, prétextant que Gérard Lokossou avait un simple mandat social. De plus, la société a soulevé une prétendue incompétence de l’Inspection du travail. Egalement déboutée dans cette démarche, Orange RDC a tenté une nouvelle impasse: évoquer la notion de «double-employeur», du reste non connue dans la législation RD-congolaise, notamment dans le Code du travail. Pour ce faire, Orange RDC a soutenu que Lokossou n’était pas son employé direct. Pourtant, il s’agit d’une démarche légale à laquelle s’adonnent certaines multinationales qui recourent à des structures de portage d’employés pour gérer l’embauche et le traitement de cadres expatriés pour le compte des filiales.
Dans le cas d’Orange RDC, cette structure s’appellerait OGIM -Orange Global International Mobility. La pratique est d’ailleurs prévue par le droit du travail en RD-Congo. Toutefois, la Loi prévoit que ce portage d’employé ne doit pas dépasser une durée de 6 mois, le tout dans un processus transparent au regard des autorités en charge de l’emploi et celles en charge des taxes et impôts. La violation de cette disposition est donc flagrante d’autant plus que le Tribunal du travail a constaté le dépassement du délai de six mois.
Coupable de fraudes fiscales
De plus, le Tribunal a découvert plusieurs fraudes vis-à-vis du fisc RD-congolais dont s’est rendue coupable Orange RDC. En effet, la société n’a nullement déclaré la rémunération payée à l’étranger pour son dirigeant, Gérard Lokossou, à travers OGIM comme une prestation de service. De ce fait, elle n’a payé en tout et pour tout que 14% de taxes contre une charge normale de 55% en moyenne pour une rémunération de travailleur étranger, a révélé une source proche du dossier. Une situation de manque à gagner important pour le Trésor public alors que le pays est résolument engagé dans la voie de maximisation des recettes publiques, le civisme fiscal, l’effort de guerre et l’effort de développement. De l’avis de plusieurs experts et syndicats approchés par «AfricaNews», ce cas n’est nullement isolé et la situation ne date pas d’hier. Orange RDC excellerait donc dans des gymnastiques fiscales, au mépris des autorités et des lois RD-congolaises.
Mise au mur, l’opérateur de téléphonie de l’Avenue Mondjiba a finalement allégué l’incompétence des instances RD-congolaises, soutenant que la fin du contrat de travail de Lokossou devrait se faire devant les tribunaux suisses -pays de la structure de portage OGIM. L’argument soulevé énerve l’article premier du Code du travail national en vigueur où il est stipulé de façon claire et irréfutable que «tout contrat de travail exécuté en RD-Congo tombe sous le coup des lois de ce pays quel que soit là où et l’entité avec laquelle il a été signé». Cette disposition n’est d’ailleurs pas propre à la RD-Congo.
Autre découverte stupéfiante de ce procès, la complicité entre Orange RDC et certaines banques commerciales opérant en RD-Congo en vue d’empêcher l’exécution des décisions de justice. Alors que Gérard Lokossou a été notifié des décisions de justice dites exécutoires, ce dernier se trouve buté à un obstacle: Orange RDC a signé avec certaines banques des accords d’unicité de comptes qui subrogent le principe universel d’indépendance des comptes. Ainsi, en lieu et place de présenter la situation réelle des comptes d’Orange RDC dans ses livres, ces banques présentent un solde global toujours négatif, rendant ainsi impossible l’exécution des décisions de justice. C’est ainsi qu’Orange RDC se met à l’abri de toutes actions de justice et continue librement son activité en toute impunité.
A ce jour, des dizaines de personnes munies de multiples décisions de justice contre Orange RDC sont dans l’impossible de rentrer dans leurs droits. Cette réalité est un opprobre dans un pays qui se veut être un état de droit. Aux autorités compétentes de matérialiser la vision du Chef de l’Etat pour rendre le cadre des affaires attractifs et sain tout en contraignant les opérateurs économiques à respecter les lois du pays. Il n’a pas été possible, pour l’immédiat, d’obtenir la version d’Orange RDC sur toutes ces méthodes condamnables.
Au départ une affaire ordinaire entre un employé et son employeur, le procès Lokossou vs Orange RDC a permis de lever le voile sur ce vaste complot de délinquance fiscale au moment où le Président Felix Antoine Tshisekedi entend faire de la justice un des piliers pour attirer et sécuriser les investisseurs au pays.