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Tshisekedi a intérêt à battre tous ses challengers dans les urnes: retour sur les sonnettes d’alarme de ces dernières semaines en direction de la CENI et la Cour constitutionnelle

La République Démocratique du Congo organise le 20 décembre 2023 des scrutins décisifs: une élection présidentielle, les élections législatives nationales ainsi que les élections des députés provinciaux et des conseillers communaux. La présidentielle attire le plus l’attention. Le président sortant, Félix Tshisekedi, affiche l’ambition et la détermination d’exercer une seconde mandature suprême malgré un bilan économique et surtout social peu convaincant, selon l’opposition, mais positif, à en croire le président sortant et de ses partisans. Face à lui se dressent 23 challengers, issus de l’Opposition et de la Société civile, les uns aussi déterminés que les autres à faire parler la poudre.

Selon la Fondation Koffi Annan, il s’agit d’un scrutin que beaucoup considèrent comme «crucial» pour l’avenir du pays, faisant suite à une série d’élections troublées qui ont soulevé des questions sur l’intégrité des processus électoraux et mis en évidence la nécessité de diverses réformes. «Nous nous dirigeons vers une crise électorale majeure en République Démocratique du Congo en décembre. La Société civile congolaise tire la sonnette d’alarme et propose des solutions pour l’éviter. Les autorités et la communauté internationale doivent en prendre acte et, mieux encore, agir avant qu’il ne soit trop tard», a estimé Sébastien Brack, conseiller principal de la Fondation Kofi Annan et facilitateur de la réunion convoquée fin juin, mettant autour d’une même table les églises catholique et protestante ainsi que d’autres organisations de la Société civile.

Plaidoyer pour une gestion habile de la période la plus sensible

Le président de la CENI, Denis Kadima, et le gouvernement ont beau assurer du bon déroulement de ces scrutins, les doutes persistent encore sur l’engagement réel de Kinshasa à organiser des élections crédibles, inclusives et apaisées. Intervenant récemment sur le plateau de Télé 50, le journaliste Eric Wemba a plaidé pour une gestion habile de cette période sensible, avec le maintien de tous les candidats réputés parmi les plus coriaces et redoutables afin de rendre intéressant le jeu électoral. Wemba a conseillé à la CENI, à la Cour constitutionnelle et au Pouvoir dans son ensemble de vaincre toute tentation d’éliminer Moïse Katumbi de la course, comme le laissent insinuer des bruits persistants, distillés ces derniers jours dans réseaux sociaux et les milieux des partisans de l’Union sacrée de la nation, la méga plateforme électorale alignée derrière la candidature de Félix Tshisekedi. Il a dit craindre que pareille entreprise risquée exacerbe le débat de la congolité, lentement distillé et manipulé ces derniers mois mais qui n’a pas réussi à tuer Katumbi dans l’opinion ni à effriter sa popularité. «La République Démocratique du Congo n’est ni la couleur de peau, moins encore l’origine des parents. C’est l’appartenance à une devise commune: justice paix et travail. Bref, la République Démocratique du Congo c’est une adhésion», a-t-il justifié.

Écarter Katumbi et donner raison à la Communauté internationale qui alerte contre le risque d’un embrasement…

Dans un entretien avec AfricaNews, le chevalier de la plume, par ailleurs brillant analyste, a donc mis en garde contre toute démarche tendant à fragiliser davantage la République Démocratique du Congo, déjà en quasi situation de guerre depuis plus d’une année avec une partie de son territoire sous état de siège, notamment le Nord-Kivu dont des localités sont tombées entre les mains des forces rebelles ou terroristes du M23 -c’est selon-, assises entre autres sur des revendications identitaires, appuyées par l’armée rwandaise. Le pays n’a pas, d’après les analyses de Wemba, besoin de s’enfoncer dans une nouvelle impasse, avec d’éventuels risques des crispations communautaires, des clivages identitaires et des dommages durables. Né d’une mère originaire de la tribu Bemba, une des tribus établies en République Démocratique du Congo avant l’indépendance du pays, Moïse Katumbi n’a pas besoin, au regard de la Constitution de 2006, d’être associé à un quelconque débat sur la nationalité ou sur la validité de son certificat de nationalité, de l’avis de Wemba.

Pour lui, personne n’étant en mesure de prouver, de manière irrévocable, sa prétendue nationalité étrangère, toute polémique sur celle-ci ou son certificat de nationalité, qui n’enlève en rien sa nationalité congolaise, aura une connotation politique et ôtera aux élections leur caractère inclusif. «Écarter Katumbi à cette étape de la publication de la liste provisoire et de la liste définitive, c’est donner raison à la Communauté internationale qui alerte, depuis un certain temps, sur le risque d’un embrasement général», a tranché le patron du média en ligne et du bi-hebdomadaire «Exclusif».

A l’issue de sa rencontre le 18 septembre dernier à Washington avec le vice-premier ministre en charge des Affaires étrangères Christophe Lutundula, l’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield, représentante des États-Unis auprès des Nations unies, a elle aussi appelé le gouvernement de la République Démocratique du Congo à veiller à ce que les élections soient libres et équitables. Elle a, par la même occasion, exhorté les forces de sécurité à faire preuve de retenue, à respecter les droits de la personne et à permettre aux candidats politiques et aux civils d’exercer leurs libertés d’expression et de réunion.

À l’instar de l’ambassadrice Linda, des représentations diplomatiques de principaux pays partenaires et les évêques catholiques ont aussi appelé, ces dernières semaines, à des élections crédibles et inclusives. Le 2 juin est sortie une déclaration conjointe de 16 délégations occidentales à Kinshasa -les délégations de l’UE, de 10 de ses États membres -notamment l’Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède et République tchèque-, du Canada, des États-Unis, du Japon et de la Suisse, ont fait un appel dans ce sens en direction de la CENI et des autorités gouvernementales. Réunis du 4 au 11 juin dernier à Lubumbashi, les évêques catholiques ont, à leur tour, souligné qu’ils tiennent aux élections inclusives, avec des candidats sur lesquels ne pèseront aucun empêchement de nature politique et qui permettront au peuple de choisir librement ses futurs dirigeants.

Dans le camp de l’Opposition et de la Société civile, une seule requête est désormais adressée au candidat de l’Union sacrée: «Si le président sortant est un démocrate et a un bon bilan comme il le vante, il n’a pas intérêt à éliminer ou laisser la CENI ou la Cour constitutionnelle éliminer certains challengers. Il a plutôt intérêt à prouver qu’il est capable de les battre tous dans les urnes, à la loyale, à l’issue d’un vote transparent, pour s’offrir la légitimité dont il souffre avec cette histoire de compromis à l’africaine qui le colle à la peau depuis janvier 2019».

Sur les antennes de RFI, Trésor Kibangula, analyste politique à Ebuteli, l’Institut congolais de recherches sur la politique, la gouvernance et la violence, a plutôt souligné la volonté du pouvoir de ne pas obstruer le passage à quiconque. «C’est vrai qu’on va quand même souligner cette volonté du côté du pouvoir de ne pas empêcher quiconque de se présenter, on voit beaucoup de candidatures de l’opposition s’aligner», a-t-il constaté.

Natine K.

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