Le scandale de la suspension du comité de gestion de l’ISC-Kinshasa, c’est aussi l’accusation de mauvaise gestion avancée par le ministre de l’ESU. Ici aussi, la réaction des accusés est sans appel: le ministre s’est basé sur des mémos sans fondement et qui portaient des signatures usurpées. La preuve: «les faux mémos auxquels il fait allusion ont été écrits par deux enseignants antivaleurs en usurpant les noms et signatures apposées par les enseignants de l’ISC-Kinshasa sur un procès-verbal relatif à une réunion pédagogique différente»
Le Professeur Augustin Mbangala Mapapa et ses pairs du comité de gestion de l’Institut supérieur de commerce -ISC/Kinshasa- ne sont pas des hommes et femme à se laisser faire. Suspendus de leurs fonctions par un arrêté du ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire, Steve Mbikayi Mabuluki, en date du 24 juillet 2017 pour raison d’enquête et sur base des présomptions de tripatouillage dans leur gestion, ils n’ont pas attendu pour organiser leur contre-attaque et monter au front. Le 25 juillet 2017, soit 24 heures après qu’ils aient été notifiés de leur suspension par le Secrétaire général de l’ESU, le même 24 juillet, ils ont adressé au Premier ministre Bruno Tshibala leur recours contre les accusations portés à leur charge. Une correspondance dont nous avons pris connaissance et qui met presque toute la hiérarchie politico-administrative en ampliation, jusqu’au Chef de l’Etat.
Dans leur argumentaire, les membres suspendus du comité de gestion donnent le visage d’une gestion plutôt d’une époque révolue et qui, si tout allait pour le mieux du monde, devrait normalement aboutir à la sanction du ministre de tutelle. Est-ce cela qui a milité pour la décision du Premier ministre d’enjoindre, par la voie de son Directeur de cabinet, le ministre Mbikayi de rapporter son arrêté? Rien n’est moins sûr, du moins à première vue.
Dès l’entame de leur recours, en effet, et décortiquant un à un les griefs mis à leur charge, Augustin Mbangala, Joseph Ngindu Kalala, Sylvain Musinde et Mme Rita Kitupa Mulasi relève le conditionnel systématiquement utilisé dans les entendus de l’arrêté de Mbikayi qui énumèrent lesdits griefs. «Son Excellence nous fait des reproches au conditionnel sur base des rumeurs qui lui sont parvenues, entretenues par certains enseignants et administratifs qui résistent au changement positif mis en place par l’actuel comité de gestion», attaquent-ils avant de détailler.
De la perception des frais académiques confiées à un opérateur privé -Bio/Lisungi- qui serait payé USD 7 pour cette unique tache, le comité de gestion suspendu balaie tout d’un revers de la main. La convention signée avec cet opérateur l’a été après l’autorisation sollicitée et obtenue du conseil de l’institut, expliquent-ils, procès-verbal de la réunion ad hoc à l’appui. Et de cogner: «cette décision avait été motivée par le fait qu’à la prise des fonctions du comité de gestion, les caisses de l’ISC-Kinshasa étaient vides et que les frais académiques étaient dans les poches des uns et des autres, en ce compris les banques où les réseaux maffieux étaient installés». Un audit interne diligenté en son temps a, en effet, «permis de recenser plus de 4.500 vrais-faux bordereaux bancaires, occasionnant un manque à gagner de plus de 1 milliard de FC à l’établissement».
Ce n’est pas tout. Contrairement aux accusations de la tutelle, les USD 7,5 par étudiant -et non USD 7- attribués à l’opérateur privé constituent sa rémunération qui couvre plusieurs tâches et pas que le transport des fonds vers les banques. Ces tâches sont: «la perception des frais académiques à reverser aussitôt sur les comptes bancaires de l’ISC-Kinshasa, la délivrance de la carte d’étudiant, la numérisation des dossiers des étudiants qui a permis de maîtriser les effectifs, le contrôle électronique des étudiants lors des sessions d’examen pour éviter l’entrée des mercenaires dans les salles».
Et le comité Mbangala de rappeler, en conclusion de ce chapitre, d’abord que «l’instruction académique n°017 du ministre de tutelle a prévu la somme de UD 10, rien que pour la délivrance de la carte d’étudiant», et ensuite que «cette explication a déjà été fournie plusieurs fois, avec force détails, à notre ministre de tutelle».
Quid, alors, du recrutement de nouvelles unités reproché au comité de gestion? Sans se démonter, et documents à l’appui, le comité Mbangala brandi la lettre n°1123/MINESU/CABMIN/TMF/CT. LB/SMM/2016 du 17 avril 2016 adressée au comité de gestion et dans laquelle la tutelle autorisait l’ISC-Kinshasa «de procéder au recrutement du personnel enseignant et administratif du fait du nombre élevé des décès enregistrés parmi le personnel de l’ISC-Kinshasa». Par la même lettre, la tutelle avait demandé au comité de gestion «de révoquer 14 assistants non en règle qu’il fallait remplacer par de nouvelles unités», et «ce recrutement du personnel scientifique a été fait dans le respect des textes réglementaires en vigueur».
Le scandale de la suspension du comité de gestion de l’ISC-Kinshasa, c’est aussi l’accusation de mauvaise gestion avancée par Steve Mbikayi. Ici aussi, la réaction des accusés est sans appel: le ministre s’est basé sur des mémos sans fondement et qui portaient des signatures usurpées. La preuve: «les faux mémos auxquels il fait allusion ont été écrits par deux enseignants antivaleurs en usurpant les noms et signatures apposées par les enseignants de l’ISC-Kinshasa sur un procès-verbal relatif à une réunion pédagogique différente». Et «les titulaires des signatures usurpées ont protesté vigoureusement en dénonçant et en récusant leurs signatures», peut-on encore lire dans la réplique du comité de gestion suspendu.
Des dénonciations de ce genre, les unes aussi scandaleuses que les autres jalonnent la longue missive du comité suspendu de l’ISC-Kinshasa qui attend fermement la commission d’enquête, même si, à l’heure qu’il est, et selon ses dires, elle ne sait pas accéder aux bureaux actuellement occupés par le comité de gestionnaire intérimaire nommé par Steve Mbikayi. Sinon, soutiennent le Prof Mbangala et ses co-infortunés, ils auraient démontré, par exemple, qu’au terme d’un audit qu’ils avaient mené à leur prise de fonction, «plus de 1.200 étudiants finalistes n’avaient jamais réussi et ne se trouvaient dans aucun palmarès des années antérieures», raison pour laquelle le comité de gestion avait décidé d’annuler leurs inscriptions. De même que, contrairement à l’accusation de détournement des quotités dues aux différents services du ministère, ces frais sont versés au fur et à mesure de leur paiement, et pour l’année académique finissante, «le ministre de tutelle a déjà perçu 30 millions de FC de quotité».
Et le comité de gestion de l’ISC/Gombe de s’étonner de cette sorte d’acharnement de la tutelle qui, écrit-il, leur dira, «lors d’une réunion tenue à son cabinet, qu’il s’agissait de rumeurs sans fondement». Mais que, plus tard, sur un ton de promesse de sanction, il leur signifiera que ce sont eux qui étaient à la base de la question orale qui l’avait visé à l’Assemblée nationale; une question qui portait pourtant sur presque l’ensemble des établissements sous sa tutelle.
Et, enfin, cette scabreuse affaire de la composition du comité de gestion intérimaire qui comprend quatre membres du parti politique de Steve Mbikayi et un autre connu notoirement à l’ISC comme un agent subversif déjà signalé auprès des services compétents.
Bref, autant de révélations et tant d’autres d’une telle gravité qu’un vieux routier des comités de gestion des universités et instituts supérieurs ne s’empêche pas de se demander entre quelles mains se trouve aujourd’hui ce secteur aussi sensible que stratégique qu’est l’enseignement supérieur et universitaire. «Et qu’en serait-il ailleurs, en dehors de l’ISC?», conclut-il.
Intéressante question lorsqu’on constate un déficit manifeste de connaissance, par le ministre de tutelle, du personnel générant lorsque, dans son arrêté de suspension, Steve Mbikayi donne du «Monsieur» à l’Administrateur du budget de l’ISC qui est pourtant une femme…
YA KAKESA
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