L’ancien vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité a évoqué la poursuite de la colonisation, accusant l’UE de l’avoir condamné sans l’avoir entendu au prélable. Une sortie qui ne manquera pas de faire tache d’huile…
Premier sur la liste des 9 proches du Président Kabila contre lesquels l’Union européenne a prononcé des mesures restrictives lundi, l’ancien speaker de l’Assemblée nationale et ex-directeur de cabinet du président, était notamment très attendu sur cette question. A la faveur d’une riposte mardi sur France 24, l’ancien vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et sécurité a fustigé la poursuite de la colonisation, se plaignant du fait que les mesures le visant -avec 8 autres personnalités- ont été prises sans sa version préalable, dénonçant des griefs cachés. “Je pensais que la colonisation était terminée”, s’est indigné l’un des piliers du Régime du Président Kabila.
C’est un violent coup de gueule. Sans nul doute. Ceux qui s’attendaient à un silence de Boshab en seront à leurs frais: l’homme a préféré non seulement s’en prendre à ce qui apparait à ses yeux comme du néocolonialisme. Mais il a aussi et surtout profité de la brèche ouverte par l’Angola dont le ministre des Affaires étrangères, Georges Chikoti, s’est prononcé contre les sanctions de l’Union européenne, qui ne respectent pas du tout le principe du contradictoire et traduisent le manque de maitrise des réalités sur terrain de la part des Européens, pour monter au créneau.
Le droit d’être entendus
Cette sortie ne manquera pas de faire tache d’huile. Juriste comme Boshab dont il a été directeur de cabinet à l’Assemblée nationale, Kodjo Adjayi Ndukuma, spécialiste en droit de l’Union européenne, a expliqué à AfricaNews que “le principe du contradictoire est la garantie fondamentale d’une procédure tenant compte d’un examen à charge et à décharge des faits, avant toute conclusion”.
Kodjo est d’avis que retenir des sanctions de quelque nature que ce soit -disciplinaire, administrative ou judiciaire- contre des individus sans les avoir au préalable entendus ou leur avoir donné la possibilité de s’exprimer frise l’inquisition. “L’article 96 de l’Accord de Cotonou de 2000 -revisé à Luxembourg en 2005- sur les ACPP-UE réaffirme ce principe séculaire de discussion avant toute sanction portant sur la démocratie ou les droits humains dans le cadre des relations de partenariat entre l’Union européenne -y compris ses institutions- et les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique”, a rappelé ce brillant intellectuel.
Dans son argumentaire pro-Boshab, Kodjo a également puisé dans les arrêts de la Cour de Justice de l’Union européenne, notamment l’arrêt du 3 septembre 2008 rendu dans l’affaire jointe C-402/05P et C-415/05 opposant Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation au Conseil et à la Commission de l’UE, faisant remarquer que la justice européenne a tranché que des insertions des citoyens sur les listes administratives restrictives ou privatives des droits devrait tenir compte des possibilités de recours sur le motif que les droits fondamentaux économiques sont mis en jeu sans toutes les garanties.
“Ainsi, les listings du Conseil de l’ONU dans les arrêts Kadi I et II ont connu non pas une annulation mais une non application dans l’ordre juridique européen”, a rappelé avec maestria l’ancien dircab de Boshab, avocat et doctorant en droit dans une prestigieuse université européenne.
Pour la petite histoire, le comité des sanctions de l’ONU avait requis le gel des avoirs de Yassin Kadi au motif du lien entre ce sujet saoudien établi en Suède et Oussama Ben Laden. Après exécution de la mesure par les institutions européennes, la Cour de justice de l’UE a rappelé que “comme cela n’a pas été le cas, les droits de défense des requérants, notamment leur droit d’être entendus, n’ont pas été respectés, cette violation mène aussi à une violation du droit à un recours juridictionnel, dans la mesure où les requérants n’ont pas non plus pu défendre leurs droits dans des conditions satisfaisantes devant le juge communautaire”.
Au demeurant, le règlement 881/2002 qui faisait application de ces mesures de l’ONU au niveau européen contre Yassin Kadi et Al Barakaat a dû être annulé malgré le moratoire de trois mois pour la reversibilité de mesures de restrictions déjà mises en application.
Il va sans dire qu’à l’instar de Yassin Kadi et Al Barakaat, Boshab, Kalev Mutond, Alex Kande, Lambert Mende, dont le parti, CCU, a également crié son ras-le-bol lundi, ainsi que toutes les autres personnalités visées par l’UE ont le droit d’être entendus avant d’être condamnés. Sinon, pas moyen d’envisager ou ordonner un quelconque autodafé à leur endroit.
Tino MABADA
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