Pour la première fois, Jacques Masangu, Isaac Kalonji Mutambayi, Laurent Mbariko, Joseph Molebe, Dr Emile Ilunga Kalambo et Edouard Mokolo wa Pombo ont droit, dans le hall du bureau de l’adjoint du speaker de la Chambre haute du Parlement, à un beau portrait noir et blanc dans un cadran couleur or, avec mention du nom et du mandat avec date d’entrée en fonction et du départ!
Ce vendredi 5 mars 2021, Modeste Bahati Lukwebo, tout frais émoulu président du bureau du Sénat, est entouré par les membres du staff de la Chambre haute du Parlement dans le hall du cabinet du jusque-là premier vice-président Samy Badibanga. Il est émerveillé et s’attarde sur les sept portraits en noir et blanc encastrés dans des cadrans en bois doré qui décorent désormais le hall. «C’est beau. Tiens, on dirait Ya Tshitshi avec munyere», déclare le speaker en pointant l’un des portraits.
«C’est plutôt Jacques Masangu, le père de l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo Jean Claude Masangu Mulongo», précise Samy Badibanga à l’endroit de son hôte. Avant de démissionner de son poste de premier vice-président du bureau du Sénat, le Premier ministre honoraire a tenu à rendre hommage à ses prédécesseurs dans sa fonction afin d’honorer ceux, qui tout au long de l’histoire de la Chambre haute du Parlement RD-congolais, ont été les adjoints des speakers du Sénat, remplaçant ces derniers à chacune de leurs empêchements.
Ainsi, pour la première fois, tous les anciens premier-vices présidents du Sénat ont droit à un beau portrait noir et blanc dans un cadran couleur or, avec mention du nom et du mandat -date d’entrée en fonction et du départ. Une façon de les sortir de l’anonymat de l’histoire et de rappeler leur souvenir à l’opinion.
Ajourné ou mis en congé!
A tout seigneur tout honneur, le premier est donc Jacques Masangu a Mwanza, sénateur du Katanga élu sur liste du Cartel Balubakat de Jason Sendwe, qui sera porté à la première vice-présidence du Sénat le 22 juin 1960. Après la proclamation de l’indépendance du Katanga le 11 juillet 1960, il adhéra quatre jours plus tard à la CONAKAT, le parti indépendantiste katangais, et Moïse Tshombe, président du Katanga sécessionniste, le nomma en qualité de ministre résident auprès de la Communauté européenne avec résidence à Bruxelles.
Le bureau de représentation de l’Etat du Katanga à Bruxelles ferma le 26 janvier 1962, et Jacques Masangu a Mwanza regagna Kinshasa en décembre de la même année, où il retrouva son siège de sénateur. En 1963, il intègre le gouvernement de Cyril Adoula en qualité de vice-Premier ministre et ministre des Affaires sociales. Plus tard sous la Deuxième République, il a occupé, de 1966 à 1977, plusieurs postes diplomatiques, notamment ambassadeur en République fédérale d’Allemagne, représentant auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne en Autriche, ambassadeur en Italie, et représentant auprès de la FAO et ambassadeur en Suisse. Suite à la crise que connut le pays, le Sénat fut souvent contraint tantôt à l’ajournement, tantôt à la mise en congé forcé, ne fonctionnant correctement que de juin à septembre 1960, puis de juillet 1961 à septembre 1963.
C’est donc à la reprise de ses travaux en juillet 1961 que fut élu Isaac Kalonji Mutambayi en qualité de premier vice-président en remplacement de Jacques Masangu. Président de la Fédération des ethnies du Kasaï -FEDEKA-, organisation basée au Katanga, Isaac Kalonji Mutambayi fut élu d’abord député provincial à Lubumbashi et, ensuite, sénateur du Katanga le 12 juin 1960, sur la liste du Cartel Balubakat-Atcar-Fedeka. En novembre 1962, Isaac Kalonji fut élu président du Sénat, et restera au perchoir jusqu’en octobre 1965, après avoir renouvelé son mandat à deux reprises, en mars et septembre 1963.
Réélu sénateur, cette fois-ci de la CONACO au Sud Kasaï en 1965, il sera battu lors de l’élection du président du bureau par un autre Kasaïen, Sylvestre Mudingayi. Plus tard, il a dirigé le bureau provisoire de la Conférence nationale souveraine en 1992, avant de s’installer à Johannesburg, ville sud-africaine où il est décédé en 2009.
En septembre 1962, Laurent Mbariko, élu du Kwilu, est porté à la première vice-présidence du Sénat. Membre du Parti solidaire africain -PSA- d’Antoine Gizenga, il se rapproche ensuite du parti modéré PNP -Parti national du progrès. Avant son élection à la première vice-présidence du Sénat, il avait occupé les fonctions de vice-ministre de la Défense au sein du gouvernement jamais investi de Joseph Ileo, et de vice-ministre de la Planification, Développement et Coopération internationale du gouvernement d’union nationale de Cyril Adoula. Il décède en 1972 après s’être retiré de la politique.
Dans le fauteuil de son frère aîné!
Lors de la deuxième législature qui débute en septembre 1965 et prend fin en juin 1967 lorsque Mobutu mettra fin aux institutions issues des élections de 1965, Joseph Molebe, sénateur PUNA -Parti de l’Unité nationale de Bolikango- du Moyen Congo -actuelle province de l’Equateur d’après démembrement- sera élu premier vice-président du Sénat. Il est connu pour avoir été le chantre de la réunification de l’Equateur en 1967.
Après la réhabilitation du Sénat dans l’ordre institutionnel de la République démocratique du Congo dans le cadre du nouvel ordre politique issu du Dialogue de Sun City, le Dr Emile Ilunga Kalambo est désigné premier vice-président de la Chambre haute. Originaire du territoire de Kongolo, dans la province actuelle de Tanganyika, ce médecin cardiologue avait dirigé le Front national de libération du Congo -FNLC- qui regroupait les anciens gendarmes katangais installés en Angola, avant de rejoindre le Rassemblement congolais pour la démocratie -RCD-, un mouvement rebelle en guerre contre le pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, qu’il dirigea de 1999 à 2000.
Il s’est retiré de la politique depuis sa défaite aux élections législatives provinciales de 2006 à Lubumbashi. En 2007, un nouveau Sénat élu est installé. Le sénateur de l’Equateur Edouard Mokolo wa Pombo, indépendant mais proche du PPRD du Président Joseph Kabila, est alors élu premier vice-président. Ancien chef des services des renseignements et ministre sous Mobutu, il s’installe alors pour un long mandat de 12 ans -le record- dans le fauteuil qu’avait occupé son frère aîné, Joseph Molebe, de 1965 à 1967.
Edouard Mokolo a été réélu sénateur dans la province de l’Equateur en 2019 et siège toujours au sein de la Chambre haute du Parlement. En juillet 2019, Samy Badibanga Ntita a été, à son tour, élu en qualité de premier vice-président du Sénat. Homme d’affaires né à Kinshasa mais originaire du territoire de Katanda au Kasaï Oriental, ancien conseiller spécial d’Etienne Tshisekedi, député national élu premier de la circonscription de Kinshasa Mont-Amba en 2011 et président du groupe parlementaire UDPS et Alliés, Premier ministre honoraire, sénateur élu du Kasaï Oriental en 2019 avant d’être porté à la première vice-présidence en juillet de la même année, il a rendu le tablier le 5 mars dernier. A qui le prochain tour? L’avenir proche le dire.
BM