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Révision de la Constitution: Article 220 vs article 64

Aubin Minaku,  président  de l'Assemblée nationale
Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale
Le Secrétaire général du RCD/N de l’opposant Roger Lumbala, Moïse Moni Della pense savoir comment contrer la Majorité présidentielle
La Communauté islamique en République démocratique du Congo -COMICO- a un nouvel Imam représentant légal. Il s’appelle Cheikh Ali Mwinyi M’Kuu. Il remplace Abdallah Mangala qui a rendu le tablier, en respect des textes, après deux mandats, soit dix ans à la tête de cette structure religieuse. La cérémonie d’investiture de la nouvelle équipe dirigeante a  eu lieu le 28 mars 2014, à la mosquée Al Rassoul, sise au n° 13, avenue Masamba, quartier Basoko dans la commune de Ngaliema.
Une manif haute en couleurs! Moïse Moni Della, ancien vice-ministre de l’Information du gouvernement 1+4, croyant musulman qui se veut républicain, dans une interview exclusive accordée à AfricaNews, y voit plus qu’une simple passation de pouvoir. Pour lui, c’est tout une leçon pour les politiques RD-congolais, en particulier ceux qui sont au pouvoir: le respect des textes. Notamment le Coran, le statut de la COMICO et même la Constitution de la RD-Congo.
«Je suis fier d’être musulman RD-congolais parce qu’on disait de nous qu’on était incapable de s’entendre, mais voilà la preuve de la maturité religieuse de notre communauté! … et la succession ne s’est pas faite de père en fils comme dans d’autres confessions religieuses, elle s’est faite sans corruption mais en douceur en respectant les règles du jeu», se targue-t-il. De là, Moni Della estime que réviser la Constitution «pour des convenances d’un groupe d’individus serait une rupture du pacte républicain» consacré dans la loi fondamentale.
Du coup, cette Constitution est devenue la mère des batailles. Et si la Majorité touchait à l’article 220, Moni Della est prêt à lui opposer l’article 64 qui stipule: il faut faire échec à un individu ou à un groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force et l’exerce comme tel. Par conséquent, il appelle l’Opposition, la Société civile et la Diaspora à s’unir afin de faire échec à une telle initiative. Par ailleurs, ce croyant musulman déplore l’absence remarquée des autorités du pays invitées à cette cérémonie d’investiture. Il qualifie cela de mépris envers sa communauté religieuse. Les musulmans se sont sentis frustrés, affirme-t-il.
Pas facile de ne pas parler politique en ce moment où les scenarii pullulent sur l’après 2016. L’éventualité d’une révision constitutionnelle via un référendum enflamme le débat dans les salons politiques. Chacun y va de son analyse, selon qu’il soit de tel ou tel autre camp. Abordé par AfricaNews, à la faveur de l’investiture du Cheikh Ali Mwinyi M’Kuu comme Imam Représentant légal de la COMICO, et de son équipe, Moïse Moni Della discerne un signe du destin dans la coïncidence entre le départ du Cheikh Abdallah Mangala, après avoir tenu les rennes de la COMICO pendant deux mandats -10 ans- comme l’exige leur statut, et la polémique sur la fin du mandat de Joseph Kabila Kabange, Président de la République. Pour lui, Mangala était fort tenté de rempiler pour un troisième mandat. Mais il ne l’a pas fait.
Et le fait qu’il ait respecté les textes qui régissent cette structure musulmane est une preuve d’intériorisation des principes démocratiques, une preuve de maturité, souligne Moni Della. Il attire l’attention du pouvoir sur cette passation de flambeau sans accroc. L’opposant, avec une expression propre au football, invite ainsi la Majorité présidentielle -MP- à en tirer la leçon. «Si la majorité veut changer la Constitution, c’est serait une erreur monumentale. Cela équivaudrait à un auto but», souligne Moni, dans son costume d’un fervent fan de l’AS V. Club.
Et de poursuivre: «Si c’est le cas, la MP nous donne du grain à moudre. Parce qu’on disait hier que les gens de la Majorité n’ont jamais respecté les règles du jeu. Ils les changent toujours à la veille d’une compétition. Ce qui n’est pas bien pour le jeu démocratique». Pour preuve, Moni Della parle du passage des scrutins à deux tours en 2006 à un seul tour en 2011 avec Ngoy Mulunda. «Il y avait deux tours, puis un tour, après ¼ de tour et enfin plus rien, la présidence à vie», ironise-t-il. Selon lui, la MP a un plan. Les hommes pour l’exécuter sont là.
Et l’argent nécessaire à son exécution est déjà disponible. C’est quoi ce plan? «Le Président sera élu au second degré, il y aura une vice-présidence, on passera du quinquennat au septennat, pourquoi pas à la présidence à vie, … Et pour caresser la Diaspora dans le sens du poil, on va prôner la double nationalité», confie Moni Della. Pour ce dernier, ce scenario ne passera pas.
Il soutient qu’on ne peut pas modifier la Constitution pour des «convenances personnelles». «Si la MP touche à l’article 220, nous allons lui opposer l’article 64 de la Constitution», tape-t-il. Cet article 64 stipule qu’«il faut faire échec à un individu ou à un groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force et l’exerce comme tel». Il n’y a aucun doute. La constitution est devenue la mère des batailles.
Alors, Moni Della invite Kabila à modérer ses ambitions. Selon lui, il n’y a pas d’homme providentiel pour la RD-Congo. «Bien sûr que Kabila est en train de construire, Mobutu l’a fait aussi, …mais il faut laisser une autre personne poursuivre cet élan», explique-t-il. Et d’ajouter: «Si Kabila veut revenir en 2016, c’est grave! Ce serait fouler aux pieds les lois de la République. Le porte-parole du gouvernement sur Rfi et TV 5 et le Secrétaire général de la MP sur d’autres médias ont rassuré que le président ne touchera pas à la Constitution».
L’opposant attire l’attention de Kabila sur deux événements historiques. Primo, les émeutes de l’YMCA du 4 janvier 1959 occasionnées par l’annulation du meeting de L’ABAKO et la défaite de V Club qui ont surpris le colonisateur qui pensait mettre en application le plan Van Bilsen. Ce plan prévoyait l’indépendance du Congo en 1985. Secundo, le massacre des chrétiens du 16 février 1992, qui ont contraint Mobutu à rouvrir la Conférence nationale souveraine -CNS. «Le Peuple RD-congolais est capable du meilleur comme du pire. Et un peuple qui se soulève est plus fort qu’une bombe atomique», argue-t-il.
 
Si la MP ne respecte plus les règles du jeu, les élections ne serviront plus à rien…
Pour Moni Della, l’Opposition ne doit pas croiser les bras et attendre. Il est mieux d’agir que de réagir. Il estime qu’il est donc temps qu’elle se fédère en vue de constituer un front de refus contre le dessein de révision de la Constitution. Pour ce faire, elle devra utiliser, martèle-t-il, toutes les armes constitutionnelles. Au lieu de petites marches qui s’évanouissent juste à quelques coups de balles tirées dans l’air, c’est important d’initier des manifestations dans les rues qui durent, comme ça se passe sous d’autres cieux.
«L’Opposition doit prendre les initiatives, elle doit être au devant de la scène. Elle doit imposer son rythme comme à la CNS où le pouvoir courait derrière ces initiatives», préconise-t-il. Aussi, Moni Della appelle la Société civile et la Diaspora à se joindre à l’Opposition pour barrer la route au projet de révision constitutionnelle. A l’en croire, la Société civile est le dernier rempart qui pourrait empêcher cette initiative.
«C’est l’occasion pour elle de jouer son rôle et de prouver qu’elle existe réellement. Et la Diaspora aussi a un grand rôle. Pour illustrer ce rôle, Moni Della cite Churchill: «Nous sommes battu, mais il y a nos enfants qui sont à l’extérieur et qui viendront se venger. Et ils vont nous sortir de cette situation».

Hugo Robert MABIALA

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