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RDC : Tshisekedi fait sauter le moratoire sur la peine de mort

Dans sa circulaire, la ministre d’Etat à la Justice a motivé cette décision du gouvernement par le souci de punir sévèrement les «traîtres» au sein de l’armée ainsi que les terroristes et les kuluna, auteurs des meurtres

Désormais, en RD-Congo, la peine de mort sera appliquée dans toute sa rigueur et cruauté. Cette peine, bien que prononcée par les juridictions, n’était plus exécutée depuis plus de 20 ans en raison d’un moratoire décidé en 2003 par le gouvernement RD-congolais. Le même gouvernement, lors de sa réunion hebdomadaire du 9 février dernier, a opté pour la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort, tenant notamment compte de la situation sécuritaire dans l’Est de plus en plus dégradante à cause de la «trahison» et de la «complicité» de certains officiers de l’armée congolaise et autres autorités publiques. «En exécution de cette décision, la peine de mort consécutive à une condamnation judiciaire irrévocable intervenue en temps de guerre ou d’urgence, à l’occasion d’une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou encore pendant toute autre circonstance exceptionnelle, sera exécutée», lit-on dans la circulaire du 13 mars 2024 de la ministre d’Etat à la Justice, Rose Mutombo, destinée aux différentes autorités judiciaires de la RD-Congo.

Dans cette circulaire, Rose Mutombo revient sur les motivations de cette décision du gouvernement. Elle a notamment fait savoir que la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort vise à «débarrasser l’armée de notre pays des traîtres d’une part et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant mort d’hommes d’autre part». Dans la partie orientale de la RD-Congo, des officiers des FARDC sont accusés d’être de mèche avec des rebelles, notamment les M23, qui contrôlent plusieurs localités dans le Nord-Kivu, pour maintenir l’insécurité et favoriser le pillage des ressources naturelles du pays. Certains d’entre ces officiers militaires ont été condamnés par une décision de justice pour ces faits. A leur côté, l’on retrouve également des personnalités politiques. Entre autres les deux députés provinciaux du Nord-Kivu, détenus dans les locaux des Renseignements militaires, qui ont avoué faire partie du M23.

La situation allant de mal en pis, l’administration Tshisekedi a concédé à la proposition du Conseil supérieur de la défense -CSD-, dégagée lors de sa réunion du 5 février dernier, de lever le moratoire sur la peine capitale «prononcée ou à prononcer», notamment dans le cadre de la lutte actuelle contre les rebelles du M23. «Ce moratoire était aux yeux de tous -les- infracteurs comme un gage à l’impunité car, même lorsqu’ils ont été condamnés de manière irrévocable à la peine capitale, ils étaient assurés que cette peine ne serait jamais exécutée à leur endroit», a motivé Rose Mutombo.

Et d’enchaîner: «Ces actes de traîtrise ou d’espionnage ont fait payer un lourd tribut tant à la population qu’à la République au regard de l’immensité des préjudices subis». Le garde des sceaux Mutombo a, en plus, évoqué le «développement exponentiel» du phénomène kuluna pour justifier la mesure portant levée du moratoire sur l’exécution de la peine capitale. Kuluna, ce phénomène de banditisme urbain, constaté dans la plupart de grandes villes de la RD-Congo, est d’une «grande cruauté» et à la base de plusieurs pertes en vies humaines au sein de la population.

Nager à contre-courant

En levant le moratoire sur l’exécution de la peine de mort, la RD-Congo a ainsi choisi de nager à contre-courant de la législation internationale, tant de nombreux pays, à travers la planète, ont aboli cette peine capitale. Le pays de Tshisekedi s’est par conséquent retiré du groupe de pays qualifiés d’«abolitionnistes de facto». Il s’agit des pays qui conservent l’usage de la peine de mort en droit mais qui n’a procédé à aucune exécution depuis 10 ans ou plus. La RD-Congo avait rejoint ce groupe à la suite de l’adoption du moratoire, aujourd’hui levé, en vue de se conformer, progressivement, aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qu’elle a ratifiée en 1976, et autres textes qui suppriment la peine capitale. Cependant, le pays n’a jamais ratifié le deuxième protocole facultatif sur l’abolition de la peine de mort.

Dans la pratique, en RD-Congo, la peine de mort, jusqu’à la levée du moratoire y relatif, se commuait systématiquement en prison à perpétuité. L’option levée par Kinshasa ne devrait pas passer telle une lettre à la poste, tant de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme sont vent debout depuis des années pour obtenir «l’abolition d’une peine cruelle, inhumaine et dégradante». En 2017, la Commission nationale des droits de l’homme -CNDH- avait affirmé que ce châtiment n’avait plus de fondement constitutionnel. Elle s’était fondée sur l’article 16 de la Constitution de 2006 qui consacre le «caractère sacré» de la vie et impose aux pouvoirs publics «de la respecter et de la protéger».

La peine de mort -ou peine capitale- est, selon des juristes, une sanction pénale ordonnant la suppression de la vie d’une personne, reconnue coupable d’un ou des crimes les plus graves. Ces crimes varient d’un État à un autre.

En RD-Congo, le Code pénal prévoit la peine de mort pour 19 infractions, dont le vol à main armée, la trahison ou l’espionnage. Quant au Code pénal militaire, il prévoit 74 crimes passibles de la peine de mort, tels que la lâcheté, la capitulation devant l’ennemi, la détention de drogue ou le refus d’obéir aux ordres d’un supérieur en temps de guerre.

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