
Sous la présidence de Jainaba Jagne, représentante permanente de la République de Gambie auprès de l’Union africaine -UA- et présidente du Conseil de paix et de sécurité, la 1103ème réunion du Conseil de paix et de sécurité s’est penchée, le mercredi 31 août, sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RD-Congo. Il s’est agi de faire le tour d’horizon sur la situation dans l’Est en général et discuter avec les protagonistes.
Tenue par visioconférence, dix intervenants ont pris la parole dont les pays concernés par cette crise. Notamment la RD-Congo, le Rwanda, le Kenya, l’Angola, le Burundi, la MONUSCO ainsi que le représentant du Secrétariat de la SADC. La RD-Congo, par le biais de son vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a d’entrée de jeux apprécié l’implication active de l’UA, de la CAE, de la CEEAC et de la SADC dans la solution de cette énième agression que lui imposent le M23 et ses parrains dans le but de freiner son développement et de piller ses richesses naturelles.
Le chef de la diplomatie RD-congolaise a également expliqué l’approche de la RD-Congo pour le retour de la paix dans cette partie du pays. Il a clairement dit qu’en dépit de toutes les preuves apportées par les experts de l’ONU, ni le Rwanda ni le M23 n’ont pas retiré leurs troupes de la cité occupée de Bunagana dans le territoire de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda.
Pour favoriser un dialogue sincère, constructif et fructueux, il faudra que les deux parties, le Rwanda et la RD-Congo créent un environnement propice. Le ministre de la Défense nationale et Anciens combattants a également pris part à cette importante réunion. Ci-dessous, l’intégralité de l’allocution du VPM Christophe Lutundula qui accable le Rwanda et le M23, sans oublier les modalités du retrait progressif de la MONUSCO de la RD-Congo.
Octave MUKENDI
Intervention du vice-Premier ministre Christophe Lutundula
Madame l’ambassadeur Jainaba Jagne, Présidente du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine;
Monsieur l’ambassadeur Bankole Adeoye, Commissaire de l’Union africaine aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité;
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
En avril dernier, votre Conseil avait exprimé sa préoccupation sur la situation sécuritaire à l’Est de la RD-Congo. Il a demandé à la Commission de l’Union africaine de continuer à soutenir les efforts internes et des pays voisins pour faire face à la résurgence de l’insécurité déclenchée par les activités des groupes armés, dont le mouvement terroriste M23, ressuscité dans la province du Nord-Kivu, à l’Est de la RD-Congo depuis novembre 2021, par la République du Rwanda dont l’armée est entrée sur le territoire congolais par la force le 24 mai 2022, en violation flagrante de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de notre pays. Depuis lors, la situation n’a guère évolué positivement, en dépit de recommandations de votre Conseil et des positions fermes prises par la Commission de l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations unies qui ont condamné unanimement la résurrection du M23 et ses attaques contre les positions des Forces armées de la RD-Congo, FARDC, et exigé son retrait sans conditions des localités congolaises occupées.
En effet, à ce jour, ni les forces rwandaises ni les terroristes du M23 ne se sont retirés de la province du Nord-Kivu. Que du contraire, ils mènent fréquemment des incursions militaires pour conquérir d’autres espaces territoriaux en RD-Congo, provoquant ainsi des tragédies humaines notamment par des tueries, des déplacements forcés massifs des populations, les viols des femmes et autres violations graves des droits de l’Homme, sans compter le pillage de leurs biens au mépris de la Charte des Nations unies, de l’Acte constitutif de l’UA et du droit international humanitaire.
Afin de mettre fin à ces tragédies, de restaurer la paix et la sécurité à l’Est de la RD-Congo et de promouvoir la coopération ainsi que le développement socioéconomique dans la Région des Grands lacs, la Communauté de l’Afrique de l’Est et l’Union africaine ont pris des initiatives politiques et diplomatiques en cours d’exécution.
Il s’agit, d’une part, du «processus de Nairobi» placé sous le leadership conjoint du Président sortant du Kenya, Uhuru Kenyatta, et du Président de la RD-Congo, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et, d’autre part, du «processus de Luanda» conduit par le Président angolais Joao Gonçalves Lourenço, mandaté par le 16ième Sommet extraordinaire des chefs et de gouvernement de l’UA tenu à Malabo, le 28 mai 2022, sur le terrorisme et les changements des anticonstitutionnels des gouvernements. La note d’information actualisée sur la situation à l’Est de la RD-Congo distribuée aux participants à cette réunion donne la quintessence de ces deux initiatives et en évalue la mise en œuvre.
Point n’est besoin d’y revenir. La RD-Congo apprécie beaucoup l’implication active de l’UA, de la CAE, de la CEEAC et de la SADC dans la solution de cette énième crise sécuritaire que lui imposent le M23 et ses parrains dans le seul but de freiner son développement et de piller ses fabuleuses richesses naturelles. Cependant, il reste que les chefs rebelles du M23 et les autorités rwandaises tournent en dérision les différents instruments de solution issus de deux processus de paix ci-dessus et les appels répétés des instances internationales à la cessation des hostilités et au retrait de leurs troupes du territoire congolais ainsi qu’au respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RD-Congo.
Ils n’entendent point leur donner une suite quelconque. C’est pourquoi, il est impérieux et urgent d’appliquer les principes énoncés dans les communiqués de deux conclaves des Chefs d’État de la CAE à Nairobi et dans celui du Conseil de sécurité de l’ONU du 2 juin dernier, et de réaliser les actions prévues dans la feuille de route de Luanda, afin d’ouvrir des vraies perspectives d’une paix, d’une sécurité et d’une stabilité durables à brève échéance à l’Est de la RD-Congo et dans la Région des Grands lacs. Il y va de la crédibilité de l’ONU, de l’Union africaine, des Communautés régionales africaines et des dirigeants africains tant aux yeux de populations africaines que des autres nations du monde.
A cet effet, la RD-Congo souscrit aux mesures pratiques et aux modalités à prendre soumises au CPS dans la note d’information actualisée notamment en matière de coordination, d’harmonisation et de suivi des initiatives, actions et efforts diplomatiques de l’UA et des communautés régionales dont l’EAC, la CEEAC, la CIRGL et la SADC, d’une part, ainsi que les sources de financement prévues des activités politiques et militaires nécessaires à la résolution durable de la crise et au retour à la normale à l’Est de notre pays, d’autre part. En outre, il est nécessaire de créer un environnement approprié et les conditions de retour de la confiance mutuelle entre les parties prenantes, plus spécialement entre la RD-Congo et le Rwanda afin de favoriser un dialogue sincère, constructif et fructueux; ce qui implique forcément:
- Le retrait immédiat et sans condition du M23 des localités occupées;
- La cessation immédiate et sans condition des interventions militaires rwandaises sur le sol congolais et de son soutien au M23;
- Le retour des personnes déplacées à leurs domiciles;
- Le déploiement rapide de la Force régionale Est-Africaine.
Madame la Présidente;
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs;
Le retrait du M23 et la cession des activités guerrières du Rwanda requiert des mesures coercitives de la part de la communauté internationale, en particulier de l’UA et des communautés régionales précitées contre eux. Le récent rapport des experts de l’ONU sur la crise sécuritaire dans la province congolaise du Nord-Kivu le justifie assez et souligne davantage la nécessité d’une telle action, car il apporte de la lumière non seulement sur l’ampleur du préjudice subi par les populations congolaises des zones envahies par l’ennemi, mais aussi sur les responsabilités du Rwanda dans cette crise en confirmant, preuves à l’appui, l’agression de la RD-Congo par ce dernier du fait des attaques menées directement par ses forces armées contre les FARDC sur le territoire congolais et du soutien en matériels de guerre et en hommes des troupes apporté au M23.
Ce rapport met ainsi fin aux dénégations des autorités rwandaises sur l’implication de leur pays dans l’insécurité et la déstabilisation de la RD-Congo. Il devra permettre d’attaquer le mal à la racine et de le guérir durablement. C’est une pièce importante du dossier à laquelle l’Union africaine, plus particulièrement sa Commission et son Conseil de paix et de sécurité ne peuvent pas se désintéresser.
A travers le CPS, la RD-Congo demande à l’UA d’appuyer sa démarche auprès du Président du Conseil de sécurité de l’ONU afin d’obtenir l’examen de ce rapport dans le plus bref délai pour dégager toutes les leçons qui s’imposent et sanctionner le Rwanda et les dirigeants du M23 dont, du reste, certains sont toujours sous sanction depuis 2013.
En effet, il serait incompréhensible et inadmissible, voire scandaleux que les Nations unies et l’Union africaine gardent silence et soient indifférentes à la violation aussi grave des règles fondamentales qui président aux relations entre les États et consignées dans leurs Actes fondateurs, à savoir le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Notre pays sollicite aussi le soutien de l’Afrique à sa requête de la levée par le Conseil de sécurité de l’ONU de l’embargo injuste qui le frappe en réalité sous le couvert de l’obligation de déclarer au Comité des sanctions ses achats d’armes et munitions.
Est-il logique, en effet, d’imposer une telle contrainte à un État en guerre que l’on prétend soutenir sans l’affaiblir et lui priver des instruments de sa sécurité et de sa stabilité? C’est dans ce contexte des contradictions de la Communauté internationale exacerbées par l’enlisement de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo, MONUSCO, et certaines maladresses de communication, que les Congolais déçus ont exprimé leur ras-le-bol contre celle-ci et exigé son départ de la RD-Congo.
Cette tension a atteint son paroxysme le 31 juillet dernier par suite de l’incident grave survenu à Kasindi, au Nord-Kivu, lorsque des militaires d’intervention rapide de la MONUSCO en provenance de l’Ouganda ont tiré sur la population, causant plusieurs morts parmi les civils. A cet égard, je tiens à indiquer clairement au nom du Chef de l’État, Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et du gouvernement de la République qu’il n’y a pas de crise entre la RD-Congo et l’ONU.
Seulement, au-delà des faits et en dépit de la peine qu’ils nous causent, autorités congolaises et responsables de la MONUSCO, nous devons décrypter froidement le message du peuple congolais et réfléchir profondément sur la pertinence du mandat actuel de la MONUSCO et l’utilité de ce mécanisme de paix plus de 20 ans après sa création. C’est pourquoi, le gouvernement congolais a décidé de réévaluer prochainement le plan de retrait de la MONUSCO convenu en application de la Résolution 2556 du Conseil de sécurité de l’ONU afin de procéder aux ajustements requis pour un retrait responsable et une meilleure harmonie avec le peuple congolais.
Cette réévaluation indispensable se fera bien sûr selon les modalités fixées ensemble avec les responsables de la MONUSCO. La RD-Congo renouvelle sa confiance aux institutions africaines et sa collaboration avec l’ONU. Elle renouvelle sa confiance au Président Joaô Lourenço de la République d’Angola et au Président sortant du Kenya, Uhuru Kenyatta, et les remercie pour leurs efforts afin de ramener la paix et la sécurité à l’Est de notre pays.
Je vous remercie.