«Des réseaux mafieux craquent déjà», a riposté à son tour le Garde des Sceaux, sans préciser lesquel, affirmant que «les réformes en cours vont se poursuivre»…
Gros malaise entre le ministre de la Justice, Constant Mutamba, et le corps des magistrats. Dans un communiqué publié jeudi 15 août à Kinshasa, le Syndicat autonome des magistrats du Congo -SYNAMAC- a pris à partie le min’État Mutamba pour sa «propension» à rendre les magistrats «responsables de la mauvaise administration de la justice». Pas question pour les magistrats de porter «seuls» la charge de l’état actuel de l’appareil judiciaire en RD-Congo ou d’être le «bouc émissaire» des fautes commises par des personnes censées veiller aux intérêts de l’État.
«Si la justice doit être considérée comme une chaine, la magistrature n’est que l’un des maillons parmi les autres acteurs de l’administration de la justice qui en sont aussi les maillons. Il s’agit entre autres des avocats, des parties, du ministre de la Justice», ont-ils rappelé, mettant ainsi chaque partie prenante devant ses responsabilités. «Si la chaine justice est malade, c’est donc tous les maillons qui sont malades, y compris le ministre de la Justice», ont-ils poursuivi, non sans exhorter Constant Mutamba à arrêter avec «ses attaques et contrevérités» et à travailler plutôt avec les magistrats dans cette lutte de restauration de la bonne image de la justice RD-congolaise.
Bien que non contents de la «témérité» du Garde des sceaux qu’ils accusent entre autres d’éluder les «questions de fonds à la base du dysfonctionnement de la justice», les magistrats ont cependant réaffirmé leur attachement «à l’idée d’une lutte acharnée contre les anti-valeurs qui rongent le secteur de la justice». Pour le SYNAMAC, la maladie dont souffre la justice ne mérite donc pas de calmants faits à base des «sorties médiatiques» et des «discours à la limite populistes» de Constant Mutamba. Une posture qui, selon eux, frise l’outrage à l’égard de tout un corps, en plus d’exposer les magistrats.
«Le SYNAMAC fustige d’une part, la création des tribunaux populaires ou le ministre se transforme tantôt en juge, qualifiant certaines œuvres du juge des décisions iniques, tantôt en procureur, ordonnant des arrestations, et de l’autre, la création des commissions ayant pour objet de statuer sur les actes des magistrats», lit-on dans le communiqué.
De plus, le SYNAMAC a rappelé que le seul moyen d’attaquer une décision de justice sont les voies de recours prévues par la Loi. Allusion faite aux «consultations populaires» lancées par le min’État pour recueillir les doléances des «victimes des mauvaises pratiques judiciaires». Dans le même élan, Constant Mutamba a mis en place une «commission nationale mixte chargée d’enquêter sur la maffia et les mauvais pratiques judiciaires». Illégal, dans l’entendement du SYNAMAC qui rappelle que le juge statue sur pièces. Il a ainsi attiré «l’attention des membres du bureau du Conseil supérieur de la magistrature sur la participation de certains magistrats dans ces commissions créées en vue de censurer les actes relevant des attributions des cours, tribunaux et parquets et ce, sans s’en référer à leur hiérarchie respective». Pourtant, rappellent-ils, la magistrature travaille «sans frais de fonctionnement, ni Fonds secrets de recherche et dans des conditions exécrables».
L’autre sujet de discorde est le dépôt ce même mercredi de quatre projets de Loi à l’Assemblée nationale, portant notamment sur l’organisation, fonctionnement et compétence de l’ordre judiciaire, sur le Conseil supérieur de la magistrature, sur le statut des magistrats et sur le barreau. Ces «modifications intempestives», retorque le SYNAMAC, «ne règleront rien tant que les questions de fonds débattues lors des assises des États généraux de la Justice ne seront pas résolues» mais vont provoquer «des collisions des textes tendant à leur inconstitutionnalité».
Sur son compte X, le min’État en charge de la Justice a vite banalisé cette démarche des magistrats, rappelant qu’il a été nommé pour «redresser -la- justice et redorer son image». Constant Mutamba a juré de ne pas forligner de sa mission mais de poursuivre avec des «réformes courageuses» afin de démasquer des «réseaux mafieux», au grand bonheur, selon lui, du peuple. «Des réseaux mafieux craquent déjà», a-t-il écrit.
Natine K.