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Radioscopie de la présidentielle de 2016 : Forces et faiblesses des candidats potentiels

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Qui de Kabila, Tshisekedi, Katumbi, Minaku, Matata, Kamerhe, Muzito, Félix Tshisekedi, Matungulu et Tshiani l’emporterait s’il serait en lice en 2016?
Le célèbre éditorialiste français du Nouvel Observateur, Jacques Julliard,  disait que la chance est la face voilée du talent. A l’élection présidentielle de 2006, Joseph Kabila, installé au trône 5 ans plutôt en remplacement de son père Laurent Désiré Kabila assassiné, a damé le pion à Jean-Pierre Bemba, au deuxième tour. Il a rempilé pour un second mandat de 5 ans en 2011 face au vieil opposant Etienne Tshisekedi.
Après les 10 ans constitutionnels de Kabila, les RD-Congolais devraient, sauf imprévu, retourner aux urnes en 2016 pour élire leur président. Entre-temps, Kabila n’a pas encore dit son dernier mot et le paysage politique a changé avec la dissidence des membres de G7 et de l’ex-gouverneur de l’ex-Katanga, Moïse Katumbi.
Face à l’attitude du Président de la République, les observateurs projettent plusieurs scenarii et n’excluent pas l’hypothèse d’une rentrée probable dans la course de Kabila, selon qu’il serait tenté par l’exemple Nkurunziza ou le modèle Sassou Nguesso. Face à ou après Kabila, une colonne des candidats potentiels: Aubin Minaku ou Matata Ponyo dans son propre parti politique; Moïse Katumbi, récent dissident du PPRD; Adolphe Muzito, pressenti candidat du PALU; Vital Kamerhe, ancien transfuge du PPRD; Etienne Tshisekedi ou son fils Félix Tshilombo pour le compte de l’UDPS; Freddy Matungulu du FMI et Noël Tshiani de la Banque mondiale.
Notoriété, ancrage, parcours, bilan ou action politique, projet: AfricaNews se risque dans l’évaluation des forces et faiblesses de chaque potentiel prétendant.
Joseph Kabila
Le Président sortant pourrait aussi être candidat à sa propre succession s’il était tenté de suivre l’exemple du Burundais Pierre Nkurunziza, réélu après s’être imposé à l’issue d’un passage en force cautionné par le Parlement à sa solde, ou du Congolais Denis Sassou Nguesso, en voie de se représenter à l’issue du référendum de dimanche, où le oui l’a majoritairement emporté et devant déboucher sur le déverrouillage de la durée du mandat et de l’âge du candidat à la magistrature suprême de son pays. Dans cette hypothèse, Kabila se lancerait à la conquête de son troisième bail consécutif à la tête de la RD-Congo. Fort de son statut de président sortant, il dispose d’un bilan contrairement aux autres prétendants potentiels. S’il est bien exploité, ce bilan peut constituer un atout majeur pouvant militer en sa faveur pour sa réélection.
Comme forces, il dispose d’assez de moyens et est capable de sillonner tout le pays, y compris dans ses coins les plus reculés pour s’adresser directement aux populations et leur expliquer ce qui n’a pas marché et ce qu’il envisagerait d’améliorer. Kabila a une majorité, même si celle-ci est en partie effritée avec les départs de G7 et de Katumbi et à cause de la lutte entre oligarques. Son ancrage, l’ex-Katanga et l’Est de la RD-Congo, est aussi divisé du fait de ces dissidences. Un relatif déficit compensé par la popularité due à son grand parcours de libération aux côtés des forces de l’AFDL et de son père ainsi que son illustre participation à la restauration de la démocratie après plus de 40 ans passés sans élections. Kabila a l’expérience pour avoir dirigé le pays 14 ans de suite.
Selon certains observateurs avertis, le bilan du président est aussi sa principale faiblesse. Il serait positif mais en-deçà des attentes. Pas normal, critiquent certains, étant donné que le Président aurait pu mieux faire s’il avait mené une lutte farouche contre la corruption et la prédation, principales sources de saignée des finances publiques. Normal parce qu’il a tiré le pays du trou, estiment d’autres. Ce que ses différents gouvernements n’ont jamais su expliquer en termes clairs à la population. Problème: déficit de communication. A cela s’ajoute l’épineux problème de la crise sociale qui contraste avec la bonne santé économique du pays, une crise que son Premier ministre Matata Ponyo n’a pu endiguer. Côté projet, il est clair que Kabila n’est plus dans un schéma électoraliste. A en croire des analystes, il serait plutôt dans une stratégie de conservation du pouvoir.
Aubin Minaku
Secrétaire général de la Majorité présidentielle -MP- depuis 2012, Aubin Minaku a un appareil politique, pourvu qu’il sache l’exploiter. Mais l’ancrage de cette machine contrôlée par Kabila est loin d’être un ancrage sociologique individuel en faveur du député réélu d’Idiofa. Il peut être soutenu par les ténors de la MP, dans le cas où Kabila n’est pas candidat et s’il le désigne comme dauphin. Ou par le PPRD dont il partagera certainement les électeurs avec Moïse Katumbi. Si beaucoup ne le savent pas, Minaku a un parcours de lutte… contre l’opposition pour avoir longtemps évolué à l’ombre d’Augustin Katumba Mwanke qu’il a accompagné dans un certain nombre d’échanges et tractations politiques.
De l’avis de certains analystes, il a un bilan comme oligarque étant donné qu’il a pu bien tenir les troupes à l’Assemblée nationale où il veille aux intérêts de la majorité à laquelle il appartient. Pour le pays, il peut aussi se targuer d’un bilan à l’Assemblée nationale en termes de production législative mais n’a pas  un bilan à présenter aux populations parce qu’il n’a jamais dirigé l’organe Exécutif. Un avantage atténué par le manque de projet ou d’une moindre indication. Explication: l’attitude est dictée par la discipline à laquelle le Secrétaire général de la Majorité présidentielle est contraint. Toutefois, Minaku peut bien profiter de tribune que lui offre le perchoir de la chambre basse pour espérer rattraper son retard.
Matata Ponyo
Comme Aubin Minaku, l’actuel Premier ministre est présenté comme l’un des dauphins potentiels de Kabila. Alors qu’il a une expérience électorale malheureuse pour avoir été suppléant d’un candidat député national défait aux législatives de 2011, Matata a commencé véritablement à tisser sa toile dans son Maniema natal après son avènement à la Primature en mai 2012. Mais si l’envergure nationale doit prendre ses racines à partir de cette province de l’Est où Kamerhe et Katumbi sont fichés capables de déranger ses calculs, il part perdant. Côté appareil, il peut espérer, comme Minaku, s’appuyer sur le réseau du PPRD et de la MP. Mais son ralliement sur le tard au parti dont il est devenu militant en 2012 le prive d’un parcours politique.
Technocrate, le Premier ministre est en passe de perdre sur un terrain où il aurait pu grappiller de précieux points. Son bilan est jugé négatif, à en croire un éminent député national PPRD. Mbatshi Batshia n’a pas raté l’occasion de révéler le côté faible de Matata Ponyo dont le succès sur le plan de la stabilité macroéconomique -un objectif atteint grâce à l’action de son prédécesseur Adolphe Muzito-: le faible résultat engrangé dans l’augmentation de la croissance du PNB. Matata s’est plus illustré par la réalisation d’une croissance portée par la production minière essentiellement consommée à l’étranger. L’autre pan de la faiblesse du candidat potentiel Matata se trouve être sa propension à faire des dépenses publiques de luxe et d’autres dépenses tournées vers l’extérieur, au détriment des couches sociales dont la principale aspiration demeure la réduction de la pauvreté.
Son projet de faire de la RD-Congo un pays à revenu intermédiaire a échoué. Le PIB par habitant est le dernier au monde avec USD 394 par an. Le Premier ministre n’a pas non plus mobilisé les USD 48 milliards promis pour son plan quinquennal.
Adolphe Muzito
Le prédécesseur direct de Matata Ponyo a un ancrage, le fief du Parti lumumbiste unifié -PALU-, l’ex-Bandundu et sa diaspora kinoise. Un avantage décisif quand on sait que le vote en RD-Congo est encore tribal. Démonstration en a été donnée quand la base du parti a réagi contre sa suspension. La question est aujourd’hui celle de savoir s’il sera candidat du parti ou d’une éventuelle coalition. Côté parcours, il est dans le sillage du patriarche Antoine Gizenga Fundji depuis 1990 quand il a adhéré au PALU. Après avoir participé à la Conférence nationale souveraine -CNS- comme expert, il a été de toutes les négociations politiques: Bruxelles, Ethiopie, Sun City.
Son bilan se résume par la restauration des rapports avec le FMI et la Banque mondiale en 2008, la stabilisation du cadre macroéconomique, le succès de toutes les revues pendant 4 ans d’affilée au point d’amener le pays à atteindre le Point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Sous l’égide du FMI, il a presque triplé le budget de l’Etat, passé de USD 900 millions en 2006 à USD 3 milliards en 2011 en ressources propres. Paradoxalement, il a augmenté les salaires des fonctionnaires, les effectifs des administrations de la Santé, la Justice et l’Enseignement supérieur et universitaire, contrairement à ses prédécesseurs et son successeur dont le principal prétexte a toujours été l’hostilité du FMI à l’augmentation des salaires et des effectifs.
Muzito a en même temps mobilisé l’argent en Chine et en Inde. Bien que soumis à la rigueur du FMI, il peut se bomber le torse pour avoir fait du social et amorcé le travail de construction des infrastructures. Ses tribunes destinées à l’élite et élargie aux masses via les universités populaires font part de sa vision et son projet pour la RD-Congo.
Mais son handicap est le fait qu’il n’est pas Gizenga et risque de souffrir de la crise de succession qui mine le parti. Si son engagement politique est d’une part une force certaine, il peut aussi lui attirer des ennuis de la part de la Majorité dont le PALU est le principal allié depuis 2006 et qui ne laisserait pas déranger ses calculs. Il se chuchote en coulisses qu’après les deux mandats de Kabila, ce dernier et sa majorité se devaient de soutenir un candidat de la Gauche nationaliste issu des rangs du PALU à la présidentielle 2016. Une hypothèse qui semble éloignée aujourd’hui.
Moïse Katumbi
L’ex-gouverneur a l’ex-Katanga derrière lui. Il peut aussi s’appuyer sur une partie du PPRD et de l’Opposition ainsi que le G7 dont certaines sources lui attribuent l’autorité. S’il se réconcilie avec Kabila à la faveur d’un deal particulier, il peut contrôler toute la machine actuelle de la MP avec en prime son ancrage dans le mouvement sportif. S’il parvient aussi à se présenter comme le seul candidat issu de l’ex-Katanga, Katumbi augmenterait ses chances de faire une bonne figure pour cette élection. Pas de parcours historique mais un cheminement et une expérience impressionnants dans les affaires.
Il a aussi une expérience sociale avec le TP Mazembe, ce qui l’a mis en contact avec les masses populaires à travers le pays. Son bilan est celui de la gestion de la riche province de l’ex-Katanga, où il a fait des réalisations notables dans plusieurs secteurs et dont il a sensiblement augmenté les recettes. Vital Kamerhe alors président de l’Assemblée nationale avait témoigné sur Katumbi au défilé du 30 juin 2007 où il représentait le chef de l’Etat : «Si tous les gouverneurs étaient comme Moïse Katumbi, notre Congo se développerait vite». En fait, Kamerhe était impressionné par le miracle katangais dans tous les secteurs via Katumbi.  Aujourd’hui, le projet de Katumbi pour la RD-Congo n’est pas encore révélé mais ses dernières déclarations prouvent qu’il se range ou entend devenir le chef de file de ceux qui se battent pour consolider la jeune démocratie RD-congolaise.
Comme Muzito, sa dissidence peut lui créer des sérieux problèmes avec son ancien camp, où certains affirment connaitre ses faiblesses et n’écartent pas l’idée d’enquêter sur sa gestion. Lui-même affirme qu’il n’a rien à se reprocher car il n’était pas venu dans la politique les poches vides.
Vital Kamerhe  
Il a un fief, l’ex-Kivu, où il a réalisé des scores fleuves notamment à Bukavu, Uvira et Walungu, à l’issue de la présidentielle de 2011. Son parti, Union pour la nation congolaise -UNC, figure dans le club restreint des formations politiques les mieux implantées du pays. Il compte 15 députés à la Chambre basse du Parlement RD-congolais. Il a un grand parcours et une expérience de négociation et de campagne. Il a mené la lutte contre l’Opposition et l’AFDL dans le cadre du FROJEMO avant de rallier M’zee Kabila puis le PPRD dont il était devenu le fer de lance.
C’est à ce titre que Kabila lui a confié les rênes du parti et la direction de sa campagne en 2006 ; tâches qu’il a accomplies avec brio, faisant élire Kabila et plaçant le PPRD au premier rang à l’Assemblée nationale. Côté bilan, il s’est attiré le phare de l’actualité pendant son passage au ministère de l’Information et son mandat au perchoir de l’Assemblée nationale, où il a brillé de mille feux. Ces succès lui ont valu la suspicion dans son propre camp qui a abouti à son exclusion suite au désaccord né du déploiement des troupes rwandaises en RD-Congo pour y traquer les FDLR. Son projet est de faire émerger une classe moyenne en RD-Congo.
Malheureusement, déterminé à jouer le premier rôle partout où il passe, Kamerhé n’est pas vu d’un bon œil par les ténors de l’Opposition traditionnelle qui le suspectent encore d’être la taupe de Kabila. Le manque de contrôle parlementaire durant son mandat à l’Assemblée nationale et le gel du moratoire sur la double nationalité font dire à certains qu’il est corrompu. Difficile, dans ce cas, de séduire la très sérieuse Communauté internationale.
Etienne Tshisekedi Wa Mulumba
Vétéran de l’Opposition qu’il a débuté depuis Mobutu jusqu’à Joseph Kabila, il a fait sa première expérience à l’élection présidentielle après plus de 30 ans de lutte. Fort de l’implantation de son parti l’UDPS, près de 50 députés à l’Assemblée nationale -avec qui il est en froid-, et de son score à l’issue de la joute de 2011 où il s’est classé deuxième mais qu’il prétend toujours avoir remportée, il peut encore se targuer de faire quelques prouesses à la prochaine présidentielle même s’il ne dispose plus des ressources physiques nécessaires parce que miné et affaibli par la maladie et le poids de l’âge.
Par contre, les luttes intestines de succession fissurent le parti et le vivier où Tshisekedi peut espérer glaner d’importantes voix. Le parti est aujourd’hui entre les pros Félix, le fils du leader de l’UDPS soutenu par sa mère Marthe Kasalu, et les héritiers politiques. Aux dernières nouvelles, Tshisekedi, exclu du parti par quelques fédérations de la Diaspora, traine des casseroles qui pourront jouer contre lui. Il est accusé d’avoir détourné des fonds destinés au fonctionnement de l’UDPS au profit de sa famille. Une plainte est dans le pipeline. C’est dans ce climat malsain que tous ceux qui ont tenté d’évincer le leader maximo ont été exclus de l’UDPS.
Félix Tshisekedi
Fils de son père, Félix Tshisekedi Tshilombo peut compter sur les machines UDPS où il a cependant maille à partir avec certains caciques. Il a un parcours de lutte au côté de son père qu’il a autrefois accompagné dans les différentes relégations à travers le pays. Il n’a pas de bilan comme il n’a pas non plus de projet sauf s’il entend se greffer sur le projet de l’UDPS. Sur ordre de son père, il a refusé de siéger à l’Assemblée nationale où il a été élu en 2011 et à la CENI.
Freddy Matungulu
Le candidat venu du FMI, dont il a démissionné, vient à peine de créer un parti politique. Congo na biso doit batailler dur pour se construire et s’assurer un ancrage. Ce qui n’est pas une sinécure dans un pays où un précédent candidat issu de la Diaspora, Oscar Kashala, n’a pas laissé bonne impression et a dilapidé le crédit accordé aux RD-Congolais de l’étranger.  Matungulu Mbuyamu n’a pas un parcours de lutte mais peut se vanter de lutte citoyenne pour avoir refusé de faire des dépenses injustifiées durant son passage au ministère de l’Economie, finances et budget. Son bilan est d’avoir contribué à stabiliser la monnaie pendant le peu  de temps qu’il a travaillé avec Joseph Kabila.
Noël Tshiani
Comme Matungulu, le haut fonctionnaire de la Banque mondiale n’a pas d’ancrage mais a entrepris de créer un mouvement après avoir sillonné quelques provinces du pays, qu’il devra bâtir et implanter sauf s’il opte pour une alliance avec des grands partis existants comme l’UDPS ou le MLC dont il a rencontré les leaders en Europe. Ou en misant sur un probable deal avec Katumbi qu’il a aussi rencontré à Bruxelles.
Un des géniteurs du Franc congolais avec Jean-Claude Masangu, Tshiani n’a pas un bilan au pays où il n’a jamais exercé une quelconque fonction. D’où il tire sa raison de se présenter comme un homo novus -homme nouveau-. Il a cependant une longue et riche expérience dans le domaine de la monnaie et des finances internationales, acquise dans les célèbres banques commerciales américaines et dans certains pays d’Afrique de l’Ouest où il a dirigé des programmes de la Banque mondiale. Son projet est de doter la RD-Congo d’un plan Marshall pour lui redonner la vie.
AKM

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