Dans son discours solennel sur l’état de la Nation prononcé lundi 14 décembre 2015 devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès, le Président de la République est monté au créneau pour fustiger la prévalence de la corruption qui gangrène la société RD-congolaise dans toutes ses composantes. Face à cette tumeur cancéreuse qui a atteint le stade des métastases, le Chef de l’Etat en a appelé à l’implication de toutes les institutions de la République en vue de l’application d’une chimiothérapie de choc visant son extirpation.
Terminaison en eau de boudin des actions menées
L’intervention du premier des citoyens continue d’alimenter les conversations dans tous les milieux socio-économiques et politiques. La lutte contre la corruption et l’impunité semble le plus focaliser l’attention des forces vives de la Nation dont une frange importante de l’opinion demeure dubitative, voire sceptique quant au succès de cette démarche somme toute patriotique.
En effet, ce n’est pas la première fois que les plus hautes autorités du pays descendent dans l’arène pour en appeler à la conscience individuelle et collective des RD-Congolaises et RD-Congolais. Force est de noter qu’après une telle exhortation, les actions menées à divers niveaux pour atteindre cet objectif se terminent le plus souvent en eau de boudin.
Le mal est très profond. Il a atteint des propensions telles qu’en plus d’une volonté politique clairement affichée soient mis à contribution des structures et des animateurs motivés et disposant des moyens de leur politique pour mener à bien cette opération.
Inadéquation entre l’expertise avérée et la distribution de la justice
La première structure concernée par cette vaste opération «mains propres» est sans nul doute l’appareil judiciaire. Ceci n’est un secret pour personne, cet organe est doté de milliers de cadres compétents formés au pays et à l’étranger qui peuvent apporter des solutions idoines pour placer les contribuables RD-congolais à l’abri des insomnies. Mais d’où vient cette inadéquation entre l’expertise pourtant avérée de ces cadres chevronnés et leur manière de distribuer la justice?
Les divers états généraux de la justice RD-congolaise organisés à cet effet ont toujours mis à nue les faiblesses de l’appareil judiciaire. Des pistes de solutions idoines existent et n’attendent que leur mise en œuvre pour que l’indépendance de la justice devienne une réalité dans le vécu quotidien de toutes les filles et tous les fils de ce pays et que la justice soit rendue non pas selon la tête du client, mais dans le strict respect de la loi.
L’opinion estime que les porteurs des toges noires disposent de suffisamment de matière grise pour dégager des stratégies appropriées en vue de corriger cette dérive et cette image ternie tant décriée. Les sessions de renforcement des capacités auxquelles prennent part les magistrats et les auxiliaires de la justice tant au pays qu’en dehors des frontières nationales, procèdent pourtant de cette volonté des autorités de pays à doter la justice RD-congolaise et ses animateurs des instruments juridiques up to date.
Renvoi de l’ascenseur par les juristes formés avec l’argent des contribuables RD-congolais
L’opinion est en droit d’attendre d’eux des actes concrets dans la distribution de la justice d’autant plus que la plupart de juristes ont été formés à l’époque dans nos universités et instituts supérieurs avec l’argent des contribuables RD-congolais. A ce titre, ils sont tous tenus de renvoyer l’ascenseur. C’est à eux de s’assumer d’abord avant que toute la communauté ne les accompagne sur base d’un profond changement des mentalités, de probité morale et du respect des règles d’éthique.
La lutte contre la corruption et l’impunité constitue un vaste chantier qui prendra beaucoup de temps et nécessitera une forte mobilisation des ressources humaines, matérielles et financières. Ce n’est pas la première fois que la RD-Congo est appelée à se dresser contre ce fléau récurrent. Pour ne citer que ce cas parmi tant d’autres, les RD-Congolaises et RD-Congolais se souviennent encore des hauts faits d’armes de la justice du pays avec les razzias opérés dans les rangs des dirigeants plongés jusqu’au cou dans les opérations des «débits d’office».
La Prison centrale de Makala a offert son habitacle pierreux et son hospitalité à des dizaines de détourneurs des deniers publics réputés intouchables pendant la seconde République pourtant fortement laminée par la corruption et le pillage des ressources à grande échelle.
Réédition des exploits de la justice avec l’arrestation des «kuluna» en cravate
Certes, la corruption n’a pas été totalement éradiquée. Néanmoins, le passage de plusieurs manipulateurs des fonds au col blanc dans ce milieu pénitentiaire a largement contribué à étouffer dans l’œuf certaines velléités de détournement dans le chef de plusieurs opérateurs tant politiques qu’économiques.
L’opinion aimerait vivre la réédition de tels exploits avec l’arrestation des «kuluna» en cravate annoncée depuis des lustres à l’issue des procès régulièrement tenus dans le respect des droits de toutes les parties concernées. La présence d’un Conseiller spécial en charge de cette matière sensible auprès du Chef de l’Etat constitue un atout majeur à capitaliser à tout prix.
La dernière intervention de ce haut cadre dans les médias audiovisuels lors de la Journée internationale de la lutte contre la corruption, a quelque peu refroidi les ardeurs des RD-Congolaises et RD-Congolais. L’intéressé s’est penché sur plusieurs cas avérés impliquant de hautes personnalités, les a documentés avant de les déférer devant le Parquet. Il a appelé de tous ses vœux les responsables de cet organe de la loi à prendre les taureaux par les cornes pour faire le ménage tel que souhaité par la plus haute autorité du pays dans son message sur l’état de la Nation.
Moralisation et conscientisation de toutes les catégories sociales actives et inactives
Cet objectif est à la portée de la justice RD-congolaise. Cependant, il revient au gouvernement de la doter des moyens conséquents. Ceci implique la prise en compte des conditions de travail des opérateurs de la justice, de leurs motivations conséquentes et surtout de la mise à l’écart des interférences d’où qu’elles émanent.
Ce travail doit s’accompagner d’une campagne permanente de moralisation et de conscientisation de toutes les catégories sociales tant actives qu’inactives en RD-Congo à travers les diverses structures de communication et d’encadrement des masses. Il sied de mettre à contribution les enseignants des écoles maternelle, primaire et secondaire, les professeurs dans les universités et instituts supérieurs de manière à refaçonner les RD-Congolaises et RD-Congolais au respect de la justice et du droit.
Les mouvements associatifs et religieux méritent d’être associés dans ces efforts de l’appropriation par les RD-Congolaises et RD-Congolais des valeurs morales, spirituelles et culturelles positives à tous les niveaux. La crainte de l’Eternel procède du respect et de la pratique de la justice et du droit.
Il sied d’intégrer également à chaque session de formation ou de recyclage des dirigeants et cadres à divers échelons de la société RD-congolaise, des cours sur le droit et la justice. C’est une question fondamentale de culture et d’éthique sur fond d’un changement radical des mentalités. Si les RD-Congolaises et RD-Congolaises parviennent à intérioriser les vertus fondamentales de la justice et du droit, leur implication dans la lutte contre la corruption et l’impunité n’en sera que renforcée.
KISUNGU KAS