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Luhaka: une gaffe politique dangereuse

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Le contrôle du MLC attise des rivalités politiques au parti. S’il a rapporté un précieux maroquin à l’ancien Secrétaire général nommé vice-premier ministre en charge des PT-NTIC, il n’est pas non plus loin de montrer le côté moqueur de cette personnalité qui, tout en étant un des éminents membres du gouvernement de la Majorité, a décidé de choisir son candidat président de la République: son ex-mentor Jean-Pierre Bemba
Acte condamnable. Thomas Luhaka Losendjola a péché sur deux fronts principaux. En premier, le VPM en charge des Postes, télécommunications et Nouvelles technologies de l’information et de la communication a violé le droit de réserve auquel il est désormais tenu. Deuxièmement, au regard de la Constitution en vigueur en RD-Congo, le mandat de membre du gouvernement est incompatible avec celui du secrétaire général d’un parti politique.
L’acte posé samedi dernier sur le boulevard triomphal au siège contesté du parti fait de Luhaka un frondeur. C’est un acte politique qui ne pardonne pas. Une gaffe dangereuse. Sous d’autres cieux, il aurait été contraint à la démission. On ne peut pas vouloir à la fois une chose et son contraire.
Comment un membre du gouvernement peut-il mobiliser en faveur de l’Opposition, critiquer l’action du gouvernement et même….pousser trop loin en se désignant un candidat à l’élection présidentielle à venir? La question est proportionnelle à l’indignation au sein de la classe politique et de la Majorité présidentielle en particulier. On se croirait pleinement dans un gouvernement de cohabitation. Ce qui n’est pourtant pas le cas! Tout le monde le sait: Kabila a non seulement gagné la présidentielle, mais aussi les législatives nationales avec une majorité écrasante à la chambre basse du Parlement.
Pour bien comprendre les faits actuels, un petit retour en arrière s’impose. A l’issue des Concertations nationales tenues à Kinshasa, le Président de la République s’engage à mettre sur pied un gouvernement de cohésion nationale qui mettrait en application les recommandations issues de ces assises. C’est dans ce cadre que les opposants dont Thomas Luhaka font leur entrée dans l’actuelle équipe gouvernementale. On est loin d’avoir constitué un gouvernement de cohabitation. Il s’agit plutôt d’une équipe ouverte à l’Opposition institutionnelle et à la Société civile, conformément aux résolutions des Concertations nationales.
En acceptant de prendre part à ce gouvernement, les ex-opposants composent désormais avec le pouvoir, participent à la gestion quotidienne du pays et sont donc tenus à la réserve. Par devoir de solidarité, ils ne peuvent pas critiquer l’action du gouvernement dont ils font partie et qu’ils engagent. Voici que l’ex-SG du MLC, sans nul doute surexcité par sa guerre de leadership avec les instances de son ex-parti politique qui l’ont radié avec d’autres de ses camarades nommés au gouvernement, n’a rien pigé.
Puis, lorsque Luhaka se déclare unique et seul Secrétaire général du MLC, il viole intentionnellement la Constitution. Juriste de formation, il est pourtant censé maitriser cette disposition banale de la loi suprême. Il ne s’arrête pourtant pas là. Il annonce même à ses partisans, le nom de son candidat président de la République à l’élection à venir: son ex-mentor Jean-Pierre Bemba! Le contrôle du MLC attise des rivalités politiques au parti. S’il a rapporté un précieux maroquin à l’ancien Secrétaire général, il n’est pas non plus loin de montrer le côté moqueur de cette personnalité qui, tout en étant un des éminents membres du gouvernement de la Majorité, a choisi son camp et son chouchou.
Faute politique? Amateurisme politique? Indélicatesse? Ça parait plutôt une moquerie contre la personne de Kabila à qui Luhaka a pourtant reconnu, avec un sourire goguenard, la tenue des élections, le redressement de l’économie…
Erreur de casting!
Peu à peu, ce que redoutaient certains analystes politiques se dessine: un climat de collision au sein de l’exécutif. Il y a lieu de se demander ce qui serait arrivé si jamais le Président de la République avait obéi aux caprices de certaines personnes qui suggéraient de confier la Primature à l’Opposition au nom de la cohésion nationale. Une chose est sûre, il y a eu erreur de casting quelque part. Des ministères à caractère économique ont été gracieusement offerts à des opposants fauchés…fraichement sortis du chômage.
Les PT-NTIC -deuxième secteur pourvoyeur des recettes non fiscales au Trésor public-, le Budget, le vice-ministère des Finances, le Ministère de l’Industrie, le Ministère de l’Energie et Ressources hydrauliques, le vice-ministère du Plan…sont tous coiffés aujourd’hui par des Opposants. Simple coïncidence ou fait intentionnel? Personne ne saurait juger les intentions! Mais le constat est là! En politique, a le pouvoir, celui qui contrôle les finances! C’est un principe! Kabila se retrouve donc piégé, seul face à des Opposants qui se remplissent aujourd’hui les poches au sein de son propre gouvernement et qui se préparent minutieusement à l’affronter demain au cas où… La RD-Congo n’est pas pourtant le premier pays à connaitre ces genres de situations.
Il y a peu, Nicolas Sarkozy, président de la République française, avait nommé au sein de son gouvernement, un socialiste, Bernard Kouchner. Jusqu’à sa sortie du gouvernement, alors que le PS s’apprêtait à affronter l’UMP à la présidentielle, ce dernier n’avait jamais osé critiquer l’action du gouvernement UMP dont il faisait partie. Ça s’appelle devoir de réserve. Ce n’est pas une invention kabiliste, moins encore RD-congolaise. Si Luhaka tient à rester cohérent, il devrait démissionner, au risque de se faire révoquer pour faute lourde et manque de loyauté. Jurisprudence: Nzanga Mobutu.
YA KAKESA

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