C’est une affaire, pour de moins, très surprenante. Richard Muyej Mangez Mans, gouverneur du Lualaba jusqu’à vendredi 10 septembre 2021, jour où il a été adopté la motion de défiance le visant, votée par 11 sur les 16 députés présents, n’a toujours pas été notifié de sa déchéance… voilà maintenant 5 jours. Au 4ème jour, deux déclarations, outre les analyses pertinentes de certains juristes, ont éclairé l’opinion sur la réelle motivation de l’Assemblée provinciale du Lualaba en privant Muyej de ses droits.
Le premier, d’une longue liste sûrement, c’est le droit à la défense. A ce sujet, c’est l’Association congolaise pour l’accès à la justice -ACAJ- qui donne le ton mardi matin sur Twitter, se disant «vivement préoccupée par les circonstances ayant entouré la déchéance du gouverneur Muyej par l’Assemblée provinciale du Lualaba». L’ONG de Georges Kapiamba est allée jusqu’à dénoncer «la célérité de cette procédure inique qui n’a pas déféré à l’article 19 de la Constitution qui garantit à tout citoyen la jouissance du droit à la défense dans tout dossier où il est mis en cause».
En effet, déjà retenu à Kinshasa depuis plus de 10 mois pour des «motifs obscures» alors qu’il retournait d’un contrôle médical en Afrique du Sud, Richard Muyej, selon ses avocats, n’a jamais été notifié de la motion de défiance initiée à son encontre sur base d’un rapport de l’Inspection générale des finances -IGF-, l’accusant d’avoir détourné plus d’USD 369 millions. Il n’a par conséquent pas eu le temps de présenter ses moyens de défense. Pire, Muyej, affirment ses conseils, n’a jamais été approché par l’IGF en marge de sa mission de contrôle de gestion des fonds de la province du Lualaba, dont le rapport a servi de soubassement à l’Assemblée provinciale pour lui retirer sa confiance.
De là, le sens de la dénonciation de l’ACAJ de Kapiamba, avant que le Collectif des avocats de Muyej n’enfonce le clou dans la matinée du même mardi 14 septembre 2021. Ces hommes en toge ont, via une déclaration, exprimé leur stupéfaction face à la lenteur dont fait preuve l’Assemblée provinciale du Lualaba pour notifier leur client de sa déchéance alors qu’elle «paraissait pressée d’en découdre avec le gouverneur Richard Muyej et ce, sans respect ni de la procédure en la matière ni de son droit de défense». Ils dénoncent le fait que cette institution «traine les pas en usant des manœuvres dilatoires pour transmettre et/ou lui notifier la résolution de retrait de confiance et de mise en accusation».
«Le Collectif fustige cette façon d’agir d’une institution censée être responsable de ses actes qui enfreint davantage le droit de l’incriminé -injustement- à se défendre en justice et se réserve donc le droit de saisir les instances judiciaires pour dénoncer cela», préviennent les avocats de Muyej.
Pendant ce temps, des juristes aux esprits lucides décèlent derrière cette démarche de l’Assemblée provinciale, des manœuvres pour empêcher l’ancien ministre de l’Intérieur de l’ester en justice pour irrégularités autour de sa déchéance. Ils expliquent que la Chambre législative du Lualaba refuse de notifier le gouv’ Muyej de sa destitution jusqu’à l’expiration du délai de forclusion pour ainsi éviter de lui transmettre des documents devant lui permettre de saisir la justice.
Pourtant, Muyej, dans l’hypothèse où il envisage d’aller en justice contre l’Assemblée provinciale du Lualaba au sujet de sa déchéance «inique», n’a que 8 jours. Mieux, à partir de ce samedi, il sera forclos du droit d’attaquer en justice l’Assemblée provinciale.
Une autre opinion est d’avis que l’objectif est de continuer à éloigner Richard Muyej de la gestion de la province. Point n’est besoin de rappeler, une fois de plus, qu’il y a de cela 10 mois depuis que Muyej est tenu à l’écart de la gestion quotidienne du Lualaba. Fifi Masuka qui a rallié l’Union sacrée dans l’entre-temps, a pris les commandes de la province. Et ce n’est pas le retour de Muyej, après des soins en Afrique du Sud, qui a changé la situation.
Laurent OMBA