C’en est trop. Alors que le pays célèbre les 54 ans de son indépendance, la famille de feu révérend père Boka di Mpasi Londi, l’auteur de Debout Congolais, l’hymne national
de la RD-Congo, a décidé de monter au créneau: l’Exécutif, et particulièrement le ministère en charge de la Culture, devra répondre à une imminente plainte portée contre lui par la succession pour non paiement des droits d’auteur
La succession Boka est désemparée. Au delà de son devoir citoyen, elle a décidé de faire valoir ses droits jusque-là violés par la République Démocratique du Congo, acquéreuse de «Debout Congolais», l’hymne national du pays, une œuvre littéraire et d’esprit de feu révérend père Simon Pierre Boka di Mpasi Londi, dûment enregistrée à l’ex-SONECA et protégée par les dispositions pertinentes de l’article 4 de l’Ordonnance-loi n°86-033 du 5 avril 1986 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins en vigueur en RD-Congo et qui relève du domaine de souveraineté de par son caractère officiel.
Le lourd dossier de la créance due par l’Etat RD-congolais aux artistes et écrivains, au titre des droits d’auteurs et des droits voisins a déjà été traité et transmis au Premier ministre par le ministre de la Jeunesse, Sports, Culture et Arts, Baudouin Banza Mukalay Nsungu, qui l’a chiffrée à USD 110.241.983 au gouvernement mais serait bloqué dans les tiroirs d’un conseiller zélé.
Lasse de subir les humeurs de ce conseiller et dépitée face à l’ignorance ou l’oubli de la redevance de droit d’auteur à lui payer à ce jour pour l’exécution de Debout Congolais, estimée à USD 7.152.204,05 suivant une note d’avis technique de l’ex-SONECA, la succession Boka a juré de passer à la vitesse supérieure après plusieurs années de longue attente et de vaines sommations à l’endroit du gouvernement. Son avocat conseil s’apprête à saisir les juridictions internationales via une plainte qui, assure-t-on, ne subira pas la loi du politique. Attention, danger, il y a de l’eau dans le gaz… l’hymne national est menacé de ne plus retentir.
Le 30 juin 2014, à la faveur de la célébration du 54ème anniversaire de l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale, Joseph Kabila a présidé un imposant défilé de l’Armée et de la Police nationales, en présence des corps constitués et des ambassadeurs accrédités à Kinshasa. Côté Opposition, on a reconnu Joseph Olenghankoy bien assis sur une des places d’honneur. C’était une démonstration. Le pays a exposé sa nouvelle puissance de feu. Mais tous ne savent pas que ce défilé s’est déroulé sur fond d’une sérieuse menace d’extinction de l’hymne national, Debout Congolais, pourtant fièrement exécuté au début et à la fin de la cérémonie.
C’est peut-être l’une des dernières fois que cette œuvre retentit à une cérémonie officielle car, la famille de feu révérend père Boka Di Mpasi Londi, l’auteur de Debout Congolais, l’hymne national de la RD-Congo, a décidé de monter au créneau: l’Exécutif, et particulièrement le ministère en charge de la Culture, devra répondre à une imminente plainte portée contre lui par la succession pour rétention des droits d’auteur, a appris AfricaNews! En effet, l’avocat, Me Luvumbu M’Bota, s’active pour saisir une juridiction internationale afin de réclamer les droits d’auteur et droits voisins de ses clients, quasi inexistants au pays et jamais payés entre 1960 et 1973 et depuis 1997 à ce jour. La fiche technique de paiement de redevances à titre de droits d’auteurs établie fin 2011 par l’ex-SONECA chiffre la valeur marchande de Debout Congolais à USD 40 millions. Elle précise qu’à cette date, il a été exécuté pendant 5.760 heures, exploité pendant 9.885 jours et tiré en 3 millions d’exemplaires. Tous calculs faits à cette date, le droit d’exécution publique s’évaluait à USD 6.134.268,08 et le droit de reproduction mécanique à USD 1.017.935,97, soit une redevance globale d’USD 7.152.204,05.
Toutes les démarches menées par la succession pour rentrer dans ses droits se sont avérées vaines. La requête en obtention d’une rétribution équitable en droit d’auteur introduite le 12 mars 2010 au cabinet du ministre de la Culture et des Arts est restée lettre morte. Même les arguments massues contenus dans la note d’avis technique transmise en son temps au gouvernement n’y ont rien fait.
Il y a de l’orage dans l’air!
Pourtant, l’ex-SONECA, experte de l’Exécutif en la matière, était tranchante. «L’œuvre de l’esprit musicale ‘Debout Congolais’ constitue une œuvre littéraire et artistique protégée par les dispositions pertinentes de l’article 4 de l’Ordonnance-loi n°86-033 du 05 avril 1986 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins en vigueur en République Démocratique du Congo. Elle relève du domaine de souveraineté de par son caractère officiel. Ce patrimoine immatériel protégé, porteur de l’image de marque de la nation RD-congolaise, souffre de non paiement de redevances des droits d’auteur datant de son début d’exploitation par l’Etat RD-congolais depuis 1960…», avise la note.
Puis: «Cette expression matérielle est l’œuvre du révérend père Boka di Mpasi, fait partie du répertoire social de la SONECA en liquidation pour avoir rempli les conditions légales d’originalité et d’antériorité et conformément aux dispositions pertinentes de l’article 5 de l’Ordonnance loi susdite… Les œuvres intellectuelles relevant du domaine de souveraineté, tel le cas de l’œuvre supra citée, sont celles qui revêtent un caractère d’ordre public et seul l’Etat a le monopole d’exploitation de ces types d’œuvres. La qualité de l’Etat sur ces œuvres est d’acquéreur. Il acquiert cette qualité soit par la commande faite par lui ou par d’autres moyens légaux».
Puis encore: «Par rapport à la réglementation du droit qui sous-tend l’utilisation de l’œuvre de l’esprit, la jurisprudence de la protection et de la gestion de droits d’auteur relève dans son approche fondamentale un caractère de souveraineté, selon lequel les droits d’auteur sont exclusifs, inaliénables, perpétuels et opposables à tous. Cela implique le titulaire de l’œuvre est le seul maître de son œuvre et décide librement de son utilisation. Toute utilisation ou exploitation de cette œuvre doit faire l’objet d’autorisation préalable».
Puis enfin: «Cependant, qu’en contrepartie de ce renoncement, l’Etat RD-congolais est tenu de remplir les obligations ci-après en faveur de ses auteurs ou de ses ayants droits: 1. Verser les redevances de droits d’auteur pour l’utilisation publique de cette œuvre en faveur de l’auteur ou par ses ayants droits; 2. Négocier un montant en termes de rente à vie en faveur de l’auteur ou ses ayants droits. Par rapport à la seconde obligation, il y a lieu de faire observer ‘la durée d’une œuvre de l’esprit s’étend à la vie de l’auteur et cinquante années civiles suivant l’année de son décès’. Sur base de cette prescription légale, l’Etat RD-congolais, à l’instar de versement d’une redevance unique négociera avec l’auteur par l’entremise de la SONECA, un montant en termes de rente à vie qui sera versé chaque année pour le compte de l’auteur. Le montant de la rente trouve sur le ¼ du montant global de la redevance». Et l’expertise technique de l’ex-SONECA a fixé cette redevance à USD 7,1 millions.
Des explications claires comme l’eau de roche, de l’avis des experts. Mais le gouvernement, lui, bloque et risque de préjudicier le pays. A la Primature où un abondant courrier a été transmis, un conseiller zélé se serait assis sur le dossier. Parce qu’il y a péril en la demeure, les ayants droits sont déterminés de se faire entendre devant les instances internationales. Il y a de l’orage dans l’air.
KISUNGU KAS
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