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Kambinga: ses félicitations à Sama et son appel à Fatshi

Le leader du regroupement politique Le Centre a jeté des fleurs au Premier ministre pour l’embellie budgétaire assorties d’une proposition des priorités. Face aux tensions récurrentes dans l’Est et maintenant dans l’Ouest, il appelle à des consultations électorales sans toutefois bouleverser l’ordre institutionnel qui pourrait conduire à un glissement…

Germain Kambinga a déballé son carquois jamais vide. Dans un long entretien accordé à «AfricaNews», le leader du regroupement politique Le Centre a commenté sans gants l’actualité politique de l’heure. De la situation sécuritaire tendue ici et là sur l’étendue du territoire national à l’hypothétique tenue des élections dans les délais constitutionnels, le député honoraire de la Lukunga a tout passé au peigne fin, mettant un point d’orgue sur les prouesses du gouvernement Sama Lukonde. Pour lui, le projet de loi des finances record déposé à l’Assemblée nationale et chiffré à USD 14,6 milliards n’est pas le fruit d’un hasard. «Il ne s’agit jamais d’une génération spontanée. Il s’agit toujours d’un effort de gouvernance et de rigueur dans la mise en œuvre d’un certain nombre de politiques publiques en matière économique et financière pour atteindre ce type de résultats. La DGI a excellemment fait bien son travail, la DGDA aussi. Le ministère des Finances a assuré un bon encadrement sous l’encadrement du Premier ministre», a-t-il insisté.

Pour lui, ce budget est loin d’être un leurre politicien. Il ne voit que du concret, proposant dans la foulée d’accorder plus de crédit budgétaire à la sécurité. «Il faut sérier nos priorités. Le Congo est un grand pays, nous avons un budget en croissance et cela doit se traduire une force militaire conséquente», a-t-il suggéré. De son avis, les autres priorités sont le social et le processus électoral. Pour cette dernière priorité, Kambinga appelle les élections de tous ses vœux. Mais avant cela, il a évoqué la modification de la Loi sur la CENI en vue d’intégrer les groupes politiques laissés pour compte. Au Président de la République, Kambinga a conseillé une nouvelle consultation des forces socio-politiques. «Il l’avait déjà fait pour l’Union sacrée. Pourquoi ne pas le refaire pour un objectif encore plus sublime: apaiser le climat socio-politique, préalable à une cohésion nationale», a-t-il lancé. Enfin, Germain Kambinga a averti sur le danger de vouloir aller dans un nouveau dialogue. «Il faut aussi éviter toute initiative tendant à justifier un étirement du délai de l’organisation des élections. Nous voulons des élections en 2023, il faut trouver un juste milieu entre les consultations du Président et le maintien de l’exécutif gouvernemental tout en établissant un climat de confiance, indispensable à l’organisation d’un scrutin réellement démocratique et transparent», a souligné Germain Kambinga. Entretien.

Depuis quelques jours, l’accalmie observée sur le théâtre d’opérations a cédé place aux affrontements entre les FARDC et le M23 et consorts. Que vous inspire ce regain de tension alors que la main du Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi demeure tendue, conformément au processus de Nairobi et de Luanda?

Les affrontements dans la partie Est de notre pays ont effectivement repris. Il faut noter un nouveau commandement militaire mis en place. Ces opérations, quelles que soient les responsabilités que chacun voudrait dégager par communiqués interposés, confortent la position de tous les patriotes de voir Bunagana revenir sous l’entier contrôle du gouvernement de la République qui a, de par la Constitution, le maintien de l’intégrité territoriale. En tant que patriote, nous ne pouvons qu’encourager nos forces armées à faire preuve de courage et d’abnégation et pour qu’effectivement la force soit à la République. Que la République gagne ce combat qui lui est imposé par le Rwanda, à travers le M23 interposé.

Les FARDC promettent de défendre la souveraineté nationale jusqu’au bout. Est-ce qu’elles  ont les moyens nécessaires pour neutraliser toutes ces forces négatives?

Dès le départ, le Centre, son point de vue a été tout à fait clair. Nous avons proposé un Plan de salut national dans lequel nous mettons en articulation une stratégie pour permettre à la RD-Congo de se mettre au diapason de la problématique. A ce niveau, nous avons dit qu’il faut mettre à la disposition de nos forces armées un milliard de dollars par an. Aujourd’hui avec ce budget de 14,6 milliards, nous avons les moyens d’être à la hauteur de la problématique. Cette enveloppe devrait se poser sur un tabouret à 3 pieds: le renforcement des capacités opérationnelles -le recrutement et les ressources humaines-, le renseignement militaire ainsi que la diplomatie et la communication en situation de guerre.

Il faut renforcer les capacités opérationnelles et financières de notre diplomatie visible et secrète, il faut également renforcer les capacités de notre communication de guerre. C’est à cette seule condition que notre armée, dont nous ne pouvons nullement douter de sa volonté patriotique de défendre le territoire, sera à la hauteur de la problématique. Faut-il le rappeler qu’hypocritement ces groupes armés sont soutenus par nos voisins qui sont envieux de nos richesses et pour qui une RD-Congo faible est une option vitale. Une RD-Congo forte, c’est le rétablissement des équilibres géopolitiques et géoéconomiques qui les handicapent. Ça fait plus de 20 qu’ils sont, par des raccordements frauduleux, attachés à la RD-Congo et qu’ils nourrissent leur économie souterraine.

Dans le Plan de salut national proposé par Le Centre il y a quelques temps, lorsque nous disions 1 milliard comme enveloppe à allouer à la sécurité, il y avait un volet lié à la diplomatie et à la communication, ce sont des moyens pacifiques. Mais cette diplomatie doit s’accompagner de véritables moyens de négociation et une présence permanente dans toutes les instances et partout où il y a ce type de débats. Nous devons pouvoir affronter les yeux dans les yeux les diplomates des autres nations pour leur présenter par tous les mécanismes diplomatiques universels leur intérêt d’avoir une RD-Congo débout et forte, une diplomatie qui présente une nation en avant-garde de tous les enjeux avenirs: la révolution numérique, la transition énergétique et la guerre de l’eau. Voilà la RD-Congo de demain, voilà ce qui peut constituer une stratégie diplomatique d’isolement de l’économie maffieuse et souterraine structurée depuis 20 ans autour des richesses de la RD-Congo. Pour y arriver, c’est un travail de fond, un travail diplomatique professionnel. D’aucuns parleront d’une négociation directe avec les rebelles ou avec les pays voisins, mais tout cela ne peut être que subordonné à un équilibre et un rapport de forces qui doit être en notre faveur militairement et géo économiquement. Si nous arrivons à avoir ce rapport de forces en notre faveur, nous pouvons être sûrs que toute discussion qui pourra être entamée aurait pour conclusion un avantage établi pour la RD-Congo. C’est cela la vision de «Le Centre».

Cette escalade de la violence à l’Est, plus précisément au Nord et Sud-Kivu, persiste également en Ituri et, même, à Kwamouth, aux portes de Kinshasa. En tant qu’acteur politique majeur, leader du Regroupement Le Centre, quelles sont les pistes de solutions pour parvenir à la paix durable? Dialogue, négociations, remaniement du gouvernement, réformes de l’armée?

Le climat décrit est tout à fait éruptif. Tout cela plante le décor d’une situation qui nécessite un regard attentif de la part de ceux qui nous dirigent. Au niveau de «Le Centre», nous pensons que le Président de la République doit tendre la main pour rétablir un climat de confiance. Deux, nous pensons qu’il ne serait pas opportun d’opérer un changement de gouvernement. Un débat sur le changement du Premier ministre va nous entrainer dans un étirement en termes de temps pour la résolution des problématiques, nous savons comment ça fonctionne en RD-Congo.

Entre les deux extrêmes, il y a un juste milieu qu’il faut trouver pour pouvoir préserver les différentes obligations qui incombent aujourd’hui à ceux qui nous dirigent, notamment la nécessité de la protection de la partie Est de notre pays et la nécessité de l’organisation de prochaines élections idéalement dans les délais constitutionnels. Il faut certes que le Président de la République tende la main, mais il faut aussi éviter toute initiative tendant à justifier un étirement du délai de l’organisation des élections. S’il faut entrer dans ce débat, il faut au préalable accepter tous qu’il n’y aura pas élection en 2023. Comme nous voulons des élections en 2023, il faut donc trouver un juste milieu entre la main tendue du Président et la maintien de l’exécutif gouvernemental parce qu’il n’est pas question du «Ôte-toi que je m’y mette» mais la nécessité d’établir un climat de confiance et l’organisation d’un scrutin réellement démocratique et transparent.

Sous ce climat sécuritaire maussade, les jours passent et l’exigence constitutionnelle d’organiser les nouvelles  échéances électorales s’impose. Denis Kadima promet un calendrier au mois de novembre prochain. Est-ce un trompe-l’œil ou une fuite en avant? Quels sont les préalables pour la tenue des élections crédibles, transparentes et démocratiques?

Il est très difficile de trouver une alternative crédible à Denis Kadima, ne serait-ce que du point de vue de la technicité. Le président de la CENI est une référence internationale. Il suffit de faire le tour de certains pays de l’Afrique australe et de l’Afrique de l’Ouest pour vous rendre du niveau de la technicité qui lui est reconnu, donc c’est un bon président de la CENI. Maintenant, ce qu’il faut, c’est créer un climat de confiance. La proposition de «Le Centre» est simple: maintenir l’équipe Kadima déjà cooptée par les différentes composantes, ensuite modifier urgemment la Loi pour intégrer les forces politiques absentes, notamment les camps Fayulu, Kabila et Katumbi mais aussi des forces périphériques qui apporteraient leur contribution en termes de vigilance. 12, 13 ou 20 membres, ça ne changera rien au fonctionnement de la CENI.

Nous pensons que ce processus ne processus ne peut aboutir que s’il y a un échange direct entre les forces politico-sociales et le Président de la République. Si le Chef de l’Etat consultait, ce ne sera pas une nouveauté pour ce mandat. Il l’avait déjà fait pour ce qu’ils ont appelé Union sacrée, ce qui a abouti à la verticalisation de la gestion de la République, en rapport avec les attributs du Chef de l’Etat. Si on a pu le faire pour cet objectif-là, pourquoi ne pas le refaire pour cet objectif qui est encore plus sublime, celui de l’apaisement du climat socio-politique, préalable à une cohésion nationale. Notre recette est le maintien du boarding de la CENI et y ajouter les groupes politiques parmi les plus significatifs qui manquent à l’appel. Ensuite, la nécessité pour le Président de consulter les forces socio-politiques pour baliser les divergences.

Le Premier Ministre présente un budget de 14,6 milliards USD au Parlement. Quelle est votre grille de lecture en qu’économiste?

Le Premier ministre Sama Lukonde mérite nos sincères félicitations en tant qu’économiste. Lorsqu’un budget augmente à ce niveau-là, quelles que soient les explications que l’on voudrait rendre naturelles les choses, il ne s’agit jamais d’une génération spontanée. Il s’agit toujours d’un effort de gouvernance et de rigueur dans la mise en œuvre d’un certain nombre de politiques publiques en matière économique et financière pour atteindre ce type de résultats, ne serait-ce qu’au niveau de la collecte. La DGI a excellemment fait bien son travail, la DGDA aussi certainement et le ministère des Finances a assuré un bon encadrement sous l’encadrement du Premier ministre.

Pour cela, le gouvernement Sama Lukonde doit être félicité. Il ne s’agit pas de débats politiciens mais des chiffres et ils sont clairs. Nous avons 14,6 milliards. Nous avons un pays fort et puissant. Une partie de ce budget doit en priorité, au-delà de toutes les urgences, être affectée à la sécurisation de la partie Est de notre pays et à la résolution de ce conflit. Un groupe armé rebelle stipendié par des voisins ne peut pas être plus fort qu’une nation qui fait ce type de records sur les plans économique et financier. Je suis réconforté lorsque je vois un budget de ce niveau-là.

J’encourage donc le Premier ministre qui est le dépositaire de la vision du Président de la République à accompagner les forces armées par un financement régulier et la mise en œuvre d’une véritable stratégie de défense qui correspond aux enjeux. Il y a la Loi de programmation militaire qui est en train de terminer son parcours de mise en œuvre. Nous avons de l’autre côté des moyens disponibles. Il faut sérier donc les priorités et faire en sorte que nos félicitations vis-à-vis du gouvernement Sama Lukonde dans le cadre de l’augmentation de ce budget se traduisent par des actes de pouvoir avec en premier lieu la dotation conséquente de nos forces armées pour la mise en minorité des capacités nocives de toutes ces forces stipendiées par l’étranger. Le Congo est un grand pays, nous avons un budget en croissance et cela doit se traduire une force militaire conséquente.

Gonflement des chiffres ou performances réalistes et réalisables?

Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’un gonflement des chiffres. Très peu de gens savent que la RD-Congo est en programme avec les institutions de Breton-Wood, sur le volet social avec la Banque mondiale et sur l’encadrement économique et financier avec le FMI. Ils suivent de très peu la construction du Budget ou l’énoncé des chiffres de la croissance. Les paramètres présentés par le gouvernement sont contrevérifiés par ces institutions. Je ne vois pas le gouvernement prendre le risque de maquiller les chiffres juste par propagande politique.

Nous félicitons à haute voix le Premier ministre pour ces prouesses. Nous souhaitons une application objective de ce budget avec comme priorités: la sécurité, le social et bien entendu le processus électoral. Un bilan politique sans résultats économiques étant la démagogie, les chiffres qui nous sont présentés doivent désormais alimenter les débats tant à l’Opposition, comme nous, ou à la majorité. Peut-être si nous continuons sur cette lancée, nous pouvons atteindre dans les années futures un budget de 50 à 60 milliards, ce qui correspondrait, on ne peut plus aux besoins réels de notre population et de notre économie.

Avez-vous un message fort à adresser à la nation RD-congolaise et la Communauté internationale pour sortir la RD-Congo du bourbier?

En tant que patriote, nous nous arrêtons sur la bonne nouvelle: le budget. Notre pays a longtemps été cité pour de mauvaises nouvelles. Aujourd’hui, malgré l’attaque de nos voisins, nous avons une situation économique qui s’améliore. La problématique dorénavant est de chercher à tirer meilleure partie de cette augmentation budgétaire et de cette amélioration économique pour qu’à terme, les populations puissent reconnaitre qu’il y a une stricte symétrie entre l’amélioration économique et l’amélioration de leur propre niveau de vie.

Quantitativement, ce sont des infrastructures sociales en proportion raisonnable du nombre de la population. Qualitativement, c’est l’amélioration d’une manière générale des services rendus à la population et de leur pouvoir d’achat. Si nous arrêtons à une présentation chiffrée des choses, le schisme entre la classe politique et les populations va s’accentuer et ouvrir les portes à tous les extrémismes.

En tant que groupe centriste, notre analyse modérée consiste à la présentation de la situation avec objectivité, les points positifs et les limites. Ici, le point positif c’est l’augmentation du budget. Il reste la qualité de la dépense publique et la qualité de la redistribution qui doivent être non pas égalitaire mais équitable. C’est à cet exercice difficile qu’est attendu le gouvernement Sama Lukonde pour l’année 2023. Nous espérons, dans l’intérêt supérieur de la Nation, que notre message sera entendu et qu’au sortir de l’exercice budgétaire, la reddition des comptes atteste d’une redistribution plus équitable.

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