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Kabila: le décor des adieux

On peut se tromper d’analyse. Cependant, les événements se succèdent à un rythme endiablé et sont porteurs des signes annonciateurs: le Président de la République Joseph Kabila lance une série de travaux et d’inaugurations de nouveaux bâtiments et infrastructures… Sur la scène diplomatique, la pression monte: quelques semaines après la double Troïka de Luanda, l’Angolais Joao Lourenço et le Rwandais Paul Kagame font successivement le déplacement de Paris et de Bruxelles, où la question RD-congolaise est au menu. Les Russes se rendent à leur tour Kigali et viennent dans la capitale de la RD-Congo. Belges et Sudaf sont admis au Conseil de sécurité. Quelque chose se prépare. L’évolution de la situation politique à Kinshasa est donc suivie de très près. Tous parlent, font des déclarations publiques, sauf le Président de la République Démocratique du Congo, vraisemblablement préoccupé ces derniers jours par les séances de retraite du gouvernement dans sa ferme Kingakati. Résultat: l’annonce de la création d’une méga plateforme électorale, le Front commun pour le Congo -FCC. Les opposants membres du gouvernement font partie de cette mégastructure dont Kabila est chef de file ou autorité morale. Afin que nul n’en ignore, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende est chargé d’en faire l’annonce officielle à la télévision nationale. Moralité: on assume, on s’assume.
Même si l’acquittement vendredi 8 juin de Jean-Pierre Bemba vient ajouter une couche de pression, l’interprétation, à en croire un diplomate occidental en poste à Kinshasa, parait simple: le Président Kabila s’apprête à faire ses adieux! Vraiment? «Les signes l’indiquent. Le président pense que les conditions sont réunies pour sa sortie par la grande porte. Tout porte à croire qu’il voulait s’assurer que son camp politique, désormais renforcé par les ralliements des opposants membres du gouvernement, remporterait les prochaines élections. Il compte certainement sur les ennuis judiciaires de Katumbi, qui risque d’être définitivement écarté au regard de la Loi électorale, pendant que ses analystes paraissent ne pas craindre l’effet Bemba. Sur le continent, il a perdu ses principaux alliés. Certaines capitales proches lui suggèrent clairement de passer la main et je présume qu’il doit avoir bien capté le message», raisonne le diplomate. Pendant ce temps, la date du dépôt des candidatures approche.
 
Dernier virage
Le 9 juin, le président de la Commission électorale nationale indépendante -CENI-, Corneille Nangaa, a signé, avant de s’envoler pour les Etats-Unis, un communiqué faisant part aux partis et regroupements politiques de la réunion du Comité de liaison prévue le 12 juin. Ordre du jour: annonce de l’ouverture des bureaux de réception et traitement des candidatures -BRTC-, annonce de la liste des partis politiques et regroupements politiques légalement reconnus en République Démocratique du Congo.
La rencontre sera aussi consacrée à l’échange sur les différents formulaires de dépôt des candidatures, au dépôt des versions physiques et électroniques des logos des partis politiques et regroupements politiques à la CENI, au rappel sur les dispositions du Code de bonne conduite des candidats, partis politiques et regroupements politiques ainsi que sur les mesures d’application de la Loi électorale. C’est la dernière ligne droite. Pour le diplomate, «s’il n’est pas lui-même candidat,  comme le soupçonnent certains opposants voire certaines capitales,  Kabila, qui s’est engagé à respecter la Constitution et l’Accord de la Saint-Sylvestre, devrait logiquement faire ses adieux. Et l’opportunité adaptée reste le message à la Nation à la faveur de la célébration de l’indépendance le 30 juin».
A en croire le même diplomate, les investissements à travers presque toutes les provinces prouvent que le Président Kabila, qui est aussi l’autorité morale des Armées dont il a façonné la renaissance, veut bien rester au pays pour continuer à servir et continuer son combat pour que la RD-Congo accède dans le giron des pays émergents, en dirigeant personnellement sa machine politique et comptant sur les suites bénéfiques du nouveau Code minier dont le Règlement adopté en Conseil des ministres est entré en vigueur depuis le 8 juin malgré la résistance et les menaces des majors du secteur. «L’alternance serait à ce prix. Pour lui succéder, le rassurer et le sécuriser, il lui faudrait bien quelqu’un de loyal, un fidèle des fidèles, susceptible de jouer le rôle de cordon entre l’Ouest et l’Est de la République», dit-il encore.
Si le bilan des 17 ans de Kabila au pouvoir pourrait faire débat, son plus grand bilan serait celui d’avoir remis le pays sur la voie démocratique et permis la première alternance politique. Ses partisans pourraient longtemps s’en servir. Alors, rendez-vous la veille du 30 juin? On touche du bois. Il est minuit moins.
 

AKM

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