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Détails précieux et indices de surfacturation du marché des stations des forages d’eau : l’acte d’engagement de Mike Kasenga lève un coin de voile

2,5m3, 5m3 ou 10m3 par heure: peu importe sa capacité, chaque station de forage du Consortium Stever Construct – Sotrad Water facturée à 298.000 dollars! Beaucoup trop, même après la diminution de 34% tant vantée!

L’affaire fait grand bruit. Le ministère du Développement rural  et le Consortium Stever Construct – Sotrad Water ont signé, le 21 avril 2021, un contrat d’installation de 1.000 forages et de construction de stations mobiles de traitement d’eau dans 1.000 localités à travers le territoire national, pour un coût global de 398.982.383,41 de dollars soit 398.982 dollars en moyenne par station. Beaucoup trop pour le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, qui a estimé ce coût unitaire très élevé et demandé sa révision à la baisse. À en croire un communiqué du ministère des Finances daté du 11 avril 2024, le responsable du Consortium Stever Construct – Sotrad Water avait écrit le 7 avril 2023 au ministre du Développement rural pour lui notifier de l’augmentation du nombre de stations à livrer, passé désormais de 1000 à 1340, soit un prix unitaire réduit à environ 298.000 dollars ou encore une diminution de 34% du montant initial.

Pas toujours assez pour convaincre la Société civile dont trois organisations membres ont haussé le ton. D’abord à travers un communiqué conjoint publié le 12 avril 2024 par l’Observatoire de la dépense publique -ODEP- et la Ligue congolaise de lutte contre la corruption -LICOCO-, dans lequel ces deux organisations non gouvernementales ont demandé à l’Inspection générale des finances -IGF- de publier toutes les informations liées à ce contrat et exigé la publication des noms de tous les sites retenus pour l’installation des stations des forages puis l’évaluation des prix de chaque forage, affirmant que «les experts consultés estiment que les prix sont trop élevés».

Puis, par le truchement de l’Association congolaise pour l’accès à la justice -ACAJ- dont la lettre adressée le 15 avril 2024 au Procureur général près la Cour de Cassation plaide pour l’ouverture d’une enquête judiciaire sur ce marché, évoquant, pour sa part, «les informations fiables et vérifiables qui nous sont parvenues, selon lesquelles il y’aurait des irrégularités dans le processus de passation des marchés, telles que des pratiques frauduleuses, des conflits d’intérêts ou un favoritisme flagrant».

Le diable dans les détails

Plaidoyer entendu. Le Procureur général près la Cour de Cassation, Firmin Mvonde, a fait part de l’ouverture d’une instruction judiciaire dans la cause relative à l’installation des forages et la construction des stations mobiles de traitement d’eau. Il a également mandaté des équipes du Bureau technique de contrôle -BTC- de se rendre au siège du consortium Stever Construct-Sotrad Water, se faire communiquer les adresses où ont été installés et/ou construits, à travers le pays, les ouvrages vantés, en évaluer le coût au cas par cas, ou moyen dans l’ensemble, en commençant par la ville de Kinshasa.

Avant même le rapport du BTC, un important document signé le 15 avril par le manager du Groupement Stever Construct – Sotrad Water a l’avantage de lever le coin de voile et fournir des indices sérieux de surfacturation. Il s’agit de l’acte d’engagement pris par le Consortium, devant l’IGF, en date du 15 avril 2024, pour la livraison de 239 stations solaires de pompage et traitement de l’eau dans les localités de la République Démocratique du Congo. Signé de la main de Mike Etienne Kasenga Mulenga, en sa qualité de chef de file du Consortium, en présence de l’Inspecteur général des finances Kasongo Olenga, ce précieux document donne des détails nécessaires à l’instruction judiciaire en cours : la capacité de ces stations mobiles, élément clé dans la détermination du tarif. Il précise que le marché concerne les stations d’une puissance de 2,5, 5 et 10m3 par heure. Voici que le prix unitaire renseigné dans le courrier de Mike Kasenga adressé le 7 avril 2023 au ministre d’État en charge du Développement rural, François Rubota, et repris dans le communiqué du cabinet du ministre des Finances du 11 avril 2024 affiche 297.748 dollars. C’est désormais clair, chaque station de Stever Construct – Sotrad Water, peu importe sa capacité, coûte 298.000 dollars au Trésor public. Le diable s’était caché dans les détails. Voici que la Société civile, notamment l’ODEP, a dit douter du prix unitaire de chaque forage et entrepris de réclamer les documents attestant la véracité du coût rendu public par le cabinet du ministre des Finances. Prestataire, ministère du Développement rural, Autorité de régulation des marchés publics ou ministère des Finances, l’enquête du  Parquet général près la Cour de Cassation devra déterminer les responsabilités à chaque étape du traitement de ce dossier.

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