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RDC : Fatwa injustifiée contre Kamerhe après le lancement du PCR

Le mardi 23 janvier dernier, il a été procédé au lancement du Pacte pour un Congo retrouvé -PCR-, plateforme politique composée des regroupements Alliance des alliés de l’Union pour la nation congolaise -A/A-UNC- de Vital Kamerhe, de l’Alliance des acteurs attachés au peuple -AAAP- de Tony Kanku, de l’Alliance Bloc 50 -A/B50- de Julien Paluku et de la Coalition des démocrates -CODE- de Jean-Lucien Busa.

En tout, cette plateforme compte plus de 230 députés nationaux et provinciaux. Au lendemain de la sortie du PCR, ce fut au tour du Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde de lancer la plateforme Dynamique Agissons et bâtissons -DAB. Parmi les leaders de la DAB, on retrouve des personnalités de renom telles que Guy Loando de l’Agissons pour la République -AREP-, Muhindo Zangi de l’Alliance des valeurs pour la République et la démocratie -AVRP-, Mayobo du Parti lumumbiste unifié -PALU-, Dany Banza de l’Alliance des Congolais unis -ACO-, Jean-Claude Kabongo, ancien conseiller du PR05, ainsi que Tibasima, Bialosuka et le ministre Modeste Mutinga.

Depuis lors, c’est le remue-ménage dans le microcosme politique RD-congolais, particulièrement au sein de la majorité Union sacrée au pouvoir où certains y voient une action visant la déstabilisation du pouvoir du frais réélu à la Présidence de la République Félix Tshisekedi. Certains ont même déterré la hache de guerre et lancé la fatwa contre Vital Kamerhe, accusé de tous les péchés d’Israël, et présenté comme le Iscariot de la famille. Décidément, les RD-Congolais, même ceux qui soutiennent s’être battu pour la démocratie, ainsi que ceux qui ont vécu des décennies dans des pays démocratiques ont du mal à se départir des tares du monolithisme mobutien.

Sensibilités différentes

A l’analyse, nombreux RD-Congolais ne savent pas comment fonctionne un régime politique comme celui de la RD-Congo, semi-présidentiel calqué essentiellement sur le modèle français. Il est très fréquent de voir, en effet, des personnalités se revendiquant d’une même proximité idéologique ou de tempérament se réunir au sein des courants ou mouvements au sein d’une même coalition, voire d’un parti politique. Pour prendre quelques exemples de la France, pays dont -rappelons-le- la RD-Congo s’est inspiré dans la confection de son modèle institutionnel, il s’agit d’un phénomène courant.

Le parti socialiste français nous en donne le plus grand nombre d’illustrations. Comme son prédécesseur, la Section française de l’internationale ouvrière -SFIO-, il a toujours hébergé des sensibilités différentes du socialisme français, organisées en courants. Sous l’ère Mitterrand, on se rappelle encore des courants animés par ceux que l’on avait coutume d’appeler les ‘‘éléphants’’: Lionel Jospin, Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Michel Rocard, Jean Pierre Chevènement, etc.

Ces courants, puissamment organisés, embrigadaient des militants qui votaient au canon dans les batailles de congrès. Ceci n’était en rien nocif au parti, car 10 ans après sa naissance, le parti remporta la présidentielle de 1981 avec son candidat François Mitterrand. En tant qu’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste, le nouveau Chef de l’Etat était astreint de faire l’équilibre entre les diverses tendances de sa formation politique lors de la formation des différents gouvernements.

Ainsi, par exemple, dès sa première année de pouvoir, Pierre Mauroy est nommé Premier ministre, alors que Michel Rocard et Jean Pierre Chevènement sont ministres d’Etat, le premier en charge du Plan et Aménagement du territoire, et le second à la Recherche scientifique, pendant que le jeune Fabius est nommé au Budget, et que Jospin est élu à la tête du PS. Fabius remplacera Mauroy à la Primature en 1986. Même si Mitterrand ne l’aimait pas beaucoup, Rocard, chantre du courant ‘‘Nouvelle gauche’’ héritera à son tour de Matignon à l’issue de la victoire de Mitterrand de 1988, et fera de Jospin ministre d’Etat et ministre de l’Education nationale, deuxième personnage du gouvernement.

Légitimes ambitions

Les cartes étaient ainsi distribuées, car c’est ainsi que l’on gère les poids lourds qui font vivre la famille politique et, surtout, concourent à la victoire commune. En effet, les poids lourds d’une famille politique n’ont pas vocation à être ravalés au rang de garçons de course dont on se sert lors des élections, et qui ne doivent développer aucune ambition après la victoire, sous peine d’être injuriés, conspués, voire traités d’étrangers.

Cette réalité n’est pas caractéristique de de la gauche seule. On se rappellera que, au sein de la coalition de la droite et du centre soutenant le président Valéry Giscard d’Estaing, plusieurs partis d’inspiration centriste, libérale et démocrate-chrétienne -Parti républicain, Centre des démocrates sociaux, Parti radical, Centre national des indépendants et paysans, Mouvement démocrate socialiste de France- se réunirent pour former un grand parti de centre droit, l’Union pour la démocratie française -UDF- afin de créer l’équilibre avec le RPR de Jacques Chirac au sein de la majorité.

Plus près de nous, on se souvient encore du congrès de l’UMP, le grand parti de la droite française, tenu en 2010, lors duquel de nombreux leaders avaient fait s’affronter leurs différents courants: la Droite sociale de Laurent Wauquiez, la Droite forte de Guillaume Peltier, la France moderne et humaniste de Jean Leonetti, Gaullistes en mouvement de Michelle Aliot-Marie, la Droite populaire de Thierry Mariani. Certains de ces courants se sont même mués en clubs de réflexion, associations politiques ou encore en collectif parlementaire. Cependant, tous restent membres de l’UMP et n’ont qu’un seul objectif: faire bouillonner les idées en vue de la victoire de leur parti.

Clarifier le jeu politique

Il n’a donc jamais été question ici de sacquer des gens, de les humilier, de les traiter de tous les noms d’oiseaux, de les vouer aux gémonies et de les livrer à la vindicte populaire simplement parce qu’ils se sont regroupés au sein d’un courant, d’une plateforme, d’une sensibilité pour mieux y développer leurs idées, défendre leurs exigences sur la gouvernance du pays, travailler à l’enrichissement du programme commun, voire même exprimer leurs légitimes ambitions.

En effet, l’éclosion des courants au sein du parti majoritaire ne vise pas son explosion a priori, mais peut bien concourir à son enrichissement. Et dans le cas de la RD-Congo, avec plus de 700 partis et regroupements politiques, dont 42 seront représentés à l’Assemblée nationale, pourquoi ne pas encourager le regroupement en grands blocs des groupes politiques que nul ne connaît et qu’on voit seulement aux élections et aux noms pour le moins étranges -AAAB, BBBA, B52, AK47, A32C, ABCD-4, BCBG, Tonya-Tonya, etc.- afin de former des grands partis et d’organiser les élections sous le scrutin majoritaire, ce qui aura le mérite de rendre les élections plus claires pour le peuple? Tout bien considéré, la création des plateformes au sein d’une large coalition comme l’Union sacrée est une chose à saluer, car elle tend à clarifier le jeu politique autour des soutiens du Chef de l’Etat, et dans le pays tout entier.

Connaissant la sensibilité et le poids politique de chacun de ses proches, le président de la République saura faire les arbitrages nécessaires, d’abord par les grands blocs de sa famille politique, ensuite en fonction des personnalités en présence.

Belhar MBUYI

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