Dans un entretien accordé au journal «La Libre Belgique», l’acteur économique George Forrest, de nationalité belge, qui a choisi la RD-Congo comme sa seconde patrie depuis des lustres, est sorti de son silence pour faire plusieurs coups de gueule, dénonçant à haute voix la non protection, par la Belgique, des hommes d’affaires belges opérant sur le sol RD-congolais, et donnant son point de vue sur l’exode des Kasaïens au Katanga. Le businessman a estimé qu’en Afrique, l’Europe s’y prend mal. «La Belgique ne protège pas ses entrepreneurs en RD-Congo», a-t-il déploré.
Cet échange a permis à George Forrest de discuter de l’évolution de la RD-Congo, de ses divers projets et des élections en 2023. Sur ce dernier point, il n’a pas caché son optimisme. «Je le pense», a-t-il déclaré. À la question de savoir ce qu’il pense des accords signés par l’actuel régime pour récupérer des avoirs détenus par le businessman israélien Dan Gertler qui était proche de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila, et si Dan Gertler reste toujours puissant en RD-Congo, George Forrest a refusé de commenter sur les accords qu’il ne maitrise pas.
«ll a perdu beaucoup avec le départ de Kabila, mais je ne peux pas commenter des accords que je ne connais pas. Je pense que s’ils les ont faits, c’est qu’ils sont bons. Il y a actuellement de fortes tensions entre les Kasaïens et les Katangais», a souligné ce belge natif de l’ancienne province du Katanga. Ces tensions, a-t-il poursuivi, existent depuis toujours parce qu’il y a toujours eu beaucoup de Kasaïens aux positions clés, même au temps de la colonisation. «Maintenant, ils débarquent au Katanga en raison des problèmes actuels au Kasaï. Cela irrite la population qui juge qu’ils viennent prendre la place des Katangais», a expliqué ce richissime.
Pour mettre fin à cette situation, l’homme dont le nom est indissociable de la RD-Congo a fait savoir que le gouvernement de la République essaie de faire quelque chose dans le but de développer le Kasaï pour que les Kasaïens y restent. Il a, toutefois, reconnu que le gouvernement a peu de moyens et que sa tâche n’est pas facilitée par les conflits et les Chinois. Pour lui, les Chinois ne respectent rien du tout, ne paient pas des taxes de douane au point qu’ils ne font pas vivre l’économie locale.
L’Union européenne n’a de cesse d’insister sur sa volonté d’être un partenaire stratégique important de l’Afrique. Est-ce encore possible? A cette question de la Libre Belgique, George Forrest n’est pas allé dans le dos de la cuillère. «C’est limite. Il y a 25 ans déjà, j’avais dit, lors de la visite d’une mission économique belge, que si l’Europe ne venait pas, et les Belges en particulier, on allait perdre le Congo et l’Afrique. En fait, on a déjà perdu. Vous avez les Chinois, les Indo-Pakistanais dont on ne parle pas parce qu’ils viennent plus discrètement. Mais ils tiennent tout le commerce. Il faut aussi que les mentalités changent en Europe. Quand vous voyez comment les autres opèrent ici, nous sommes pénalisés», a-t-il indiqué.
Puis: «nous, nous respectons toutes les règles de l’Europe, nous avons un comité de compliance qui est très strict et en même temps nous jouons dans un jeu… Les banques, si vous êtes au Congo, elles vous ferment les comptes. Si on n’aide pas les changements et les gens prêts à investir, ils ne viendront pas».
À ce sujet, cet homme de grande influence a chargé et déchargé à la fois Kinshasa. Pour lui, le pouvoir est responsable parce qu’il y a eu une corruption généralisée. Il a encore dédouané le pouvoir parce qu’il a constaté que quand arrive un nouveau pouvoir qui essaie de mettre de l’ordre, il faut desserrer un peu la ceinture.
A George Forrest d’expliciter: «C’est-à-dire que les banques étrangères laissent les gens opérer. Ici, quand vous faites une transaction d’une banque à l’autre, ça prend une semaine, dix jours. On vous pose trente-six questions sur la provenance de l’argent avant de le débloquer, même 100 dollars… Ça, c’est la responsabilité des gouvernements européens et notamment du gouvernement belge qui ne protège pas ses entrepreneurs et agit ainsi sous la pression des ONG et de la presse».
Concernant son image controversée auprès de l’opinion suite aux nombreuses accusations dont celles faisant état de trafic d’armes et de pillage de minerais portées contre lui par diverses ONG et dans les médias, George Forrest a été très direct: «J’ai l’impression que c’est moindre et que les médias se sont rendu compte qu’ils étaient manipulés par les ONG qui étaient payées. On a prouvé dans Le Soir et dans La Libre Belgique qu’une ONG anglaise très influente avait reçu de l’argent, 250 000 dollars, d’un minier d’ici, Chemaf, pour les défendre et nous attaquer. Et comme les ONG s’écoutent l’une l’autre, c’était parti dans une attaque fulgurante, notamment orchestrée par le CNCD 11.11.11».
Dans tout ça, cet acteur économique de renom en Afrique reste très optimiste quant à l’avenir de ce pays qui l’a vu naitre. «C’est difficile de me décourager. Si on trouve plusieurs personnes comme nous et des Congolais qui sont entrepreneurs, on peut développer le pays. Mais pour cela, il y a les facteurs de la sécurité et de la justice. Ça, c’est le rôle de l’État congolais. Si vous commencez par ça, les gens vont venir investir. Moi, je mise sur l’agriculture, parce que le Congo est un pays agricole, pas un pays minier. Si vous refaites les routes, vous aurez de nouveau des produits locaux sur le marché. Puis, il y a l’éducation. Plus vous aurez de gens éduqués, plus le pays va fonctionner, moins les gens vont s’expatrier parce qu’ils pourront trouver de l’emploi chez eux», a rassuré l’homme d’affaire de 82 ans.
Dorian KISIMBA