Le sénateur Augustin Matata Ponyo a animé, dans la matinée du mercredi 21 juin, une conférence de presse à Kinshasa au cours de laquelle il a dénoncé un «acharnement» du duo Bahati-Mukolo contre lui, quelques jours après la lettre du premier cité, Procureur général près la Cour constitutionnelle, au second, président du Sénat pour solliciter l’autorisation de poursuivre l’ancien Premier ministre dans le cadre de l’affaire Bukanga-Lonzo. «Le dossier est vide et clos», s’est justifié le sénateur Matata Ponyo qui a révélé n’avoir d’ailleurs jamais été gestionnaire du projet Bukanga-Lonzo.
«Ce projet n’était géré ni par le Primature, ni par les ministres d’Agriculture ou des Finances. Tous les fonds destinés à ce projet ont été payés directement à l’entreprise African Congolity», a-t-il éclairé prenant l’Inspection générale des finances -IGF- à témoin.
Se basant sur un témoignage de Goblair, patron d’African Congolity, certifié par la Police sud-africaine, Matata a juré qu’aucun dollar n’a été versé à la Primature. «Sur le plateau de Bosembe, Goblair avait clairement dit m’avoir rencontré qu’à deux reprises: d’abord, le jour de la signature du contrat puis sur le site. Il a aussi confirmé ne m’avoir jamais remis de l’argent», a-t-il poursuivi.
Selon Matata Ponyo, Bukanga-Lonzo, projet pilote de construction de 24 parcs agroindustriels en RD-Congo, a été victime des importateurs qui se sont sentis menacés. «Les importateurs ont soudoyé des RD-Congolais pour bloqués le projet. Si le projet était bon mais qu’il y a eu simplement détournement pourquoi cela s’est arrêté définitivement?», s’est-il interrogé. Puis: «Nous avions 10 ans d’avance sur les autres pays quant aux recommandations faites par l’UA. J’ai même été invité par plusieurs Présidents africains pour les accompagner dans la construction des parcs agroindustriels en calquant le modèle RD-congolais».
Affronter la justice oui, mais selon les règles
De bonne foi, il a rappelé être «le seul jusqu’aujourd’hui» à avoir fait appel à l’IGF pour inspecter sur sa gestion depuis le BCECO jusqu’à la Primature. Pour démontrer le caractère machiavélique de la démarche entamée contre lui le 16 juin, soit moins de 24 heures après la clôture de la session ordinaire de mars au Sénat, Matata Ponyo a rappelé la genèse de ses ennuis. «Quand le PG Mukolo a envoyé son premier réquisitoire, j’étais en Guinée Conakry. 99,99% de messages que j’ai reçus me conseillaient de ne pas revenir. J’ai pris le courage de rentrer tout en sachant que le projet était de m’arrêter, ne me reprochant rien, pour affronter la justice. Je n’ai pas peur de comparaître mais je dois comparaître selon les exigences de la loi», a-t-il confié. En homme respectueux de la Loi et des procédures, l’ancien Premier ministre a dit vouloir démontrer qu’on peut gérer sans détourner. «Le droit a été fait pour protéger les intérêts de tout le monde, y compris des citoyens lambda», a-t-il expliqué avant d’annoncer avoir déjà saisi les institutions internationales à Genève et Arusha. «Si on le fait à un député, ou un sénateur, qu’en serait-il d’un citoyen lambda?», s’est-t-il interrogé plein de regret.
«Eliminer un candidat concurrent»
Pour Matata Ponyo, il est clair que l’objectif du «tout-puissant» duo Bahati-Mukolo est d’avoir sa tête sur un plat. «La hantise, c’est de chercher comment éliminer Matata de la course à la présidentielle», a-t-il révélé. Et d’affirmer: «si aujourd’hui je décide de me retirer de la course à la présidentielle, toutes les procédures seront arrêtées. Ils m’ont voulu plusieurs fois à l’Union sacrée».
Ainsi, le candidat Matata s’estime être victime de son refus d’adhérer à l’Union sacrée. Toutefois et malgré cet acharnement, Matata continue à croire au triomphe de la vérité tout en ayant un conseil pour le régime: «ceux qui sont au pouvoir doivent savoir que la vie ne s’arrête pas dès qu’on quitte les fonctions. Seront-ils contents de voir les autres contourner la Constitution contre eux?». Il est donc clair pour Matata Ponyo que le constituant n’a prévu aucun mécanisme pour juger un ancien Premier ministre.
«C’est justement pour éviter ce genre de règlement des comptes», a-t-il estimé, dénonçant au passage le silence de la justice face aux dossiers récents pourtant flagrants: RAM, Tshilejelu, Congo Hold-up… «Le président du Sénat a reçu plusieurs autres réquisitoires qu’il a classés sans suite», a fustigé Matata Ponyo.
«La DGM a menti»
Abordant le climat politique délétère dans le pays, l’opposant Matata a réaffirmé sa position contre le processus électoral «chaotique», tout en refusant d’opter pour la chaise vide. «La situation actuelle n’aide pas le pouvoir, ils sont sur la mauvaise voie. On a attribué une arme à Salomon qui appartenait pourtant à mon garde du corps», a-t-il constaté, faisant notamment allusion à ces démêlées avec la DGM la semaine passée à l’Aéroport international de N’Djili.
«Lorsque je sais que je suis poursuivi par le pouvoir, est-ce l’occasion de venir en retard? Je suis arrivé à l’aéroport 3 heures avant, comme à mes habitudes. J’étais déjà à la salle d’attente avec Jean Elongo de la BCC et le député Elvis Mutiri. L’embarquement n’avait même pas commencé. Ils sont incapables de me retourner la carte d’embarquement. On m’a même retiré la carte d’identité de sénateur qui a été restituée à mon retour de Bunia», a-t-il recadré, contestant ainsi la version de la DGM et de la Présidence de la République.
«C’est dramatique, on dirait une République bananière», a-t-il déploré. En dépit de ces ennuis, Matata Ponyo persiste et signe: «LGD -son parti politique, NDLR- reste dans le processus électoral. Il va continuer à dénoncer le chaos électoral préparé par la CENI, la non-inclusivité de la CENI, le fichier électoral non conforme et son audit ainsi que les agissements de la Cour constitutionnelle».