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Désignation du prochain président de la CENI : les religieux déchirés

Les hommes de Dieu ont le choix entre l’objectivité et les considérations subjectives 

Dans quelques jours, le nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante -CENI- sera désigné. Les Confessions religieuses, le dernier rempart moral de la société RD-congolaise, tiennent entre leurs «saintes mains» une véritable patate chaude. Il suffirait de peu pour qu’une fois encore elles occasionnent des tensions dans le pays. Elles avaient annoncé le consensus comme mode privilégié du choix à faire afin de s’éviter les erreurs de juin 2020. Cela n’exclurait pas le recours au vote, le cas échéant. Mais, peu importe le mode choisi, un esprit de compromis et un sens élevé de responsabilité s’imposent. Le consensus n’est pas forcément l’unanimité. Parfois, il faut savoir s’incliner sur le choix des autres. C’est la démocratie. D’autre part, les Confessions religieuses qui ont tenu autant de réunions préparatoires, ne devraient s’en tenir qu’aux critères objectifs qu’ils avaient soulignés dans leur communiqué conjoint appelant les candidatures. Il s’agit de la technicité avérée et la maîtrise des questions électorales, l’éthique et la bonne moralité. Les mêmes critères exigés dans la loi organique de la CENI. Cependant, comme le soulignait, à la Conférence nationale souveraine -CNS-, le regretté Cardinal Monsengwo d’heureuse mémoire, les traités, les conventions et les chartes, aussi élaborés soient-ils, ne tiennent qu’à la bonne volonté des parties. Tout un défi à relever pour les chefs des Confessions religieuses. Au pays de Malula, pour exorciser tout jusqu’auboutisme, les bonzes auront forcément besoin du concours du Saint-Esprit. Des discussions dans les couloirs des quartiers généraux des Confessions religieuses, quelques noms reviennent régulièrement. Notamment celui de Paul Nsapu, Daniel Kawata, Hervé Diakese, Cyril Ebotoko, Ronsard Malonda et Denis Kadima. 

Paul Nsapu, activiste des droits de l’homme

Paul Nsapu Mukulu, président de la Ligue des électeurs, a longuement travaillé dans la lutte pour les droits de l’homme. Il a été secrétaire général de la Fédération internationale pour les Droits de l’homme -FIDH- pour l’Afrique. Le théologien Paul Nsapu a fait ses premiers pas dans la promotion de la démocratie et de l’observation électorale. Sa faiblesse principale est d’avoir été absent des trois processus électoraux du pays au profit des droits de l’homme qu’il a servi au niveau international.

Pasteur Daniel Kawata, l’intellectuel RD-congolais tout achevé

Daniel Kawata est un pasteur protestant bien connu en RD-Congo. Intellectuel RD-congolais tout achevé, l’homme aligne plusieurs titres académiques prestigieux qui font de lui l’un des poids lourds dans la course pour la présidence de la CENI. L’homme a le soutien total de l’Eglise du Christ au Congo -ECC. Ancien patron de CONADER, il a une expérience avérée de la gestion. Seul bémol, l’homme de Dieu n’a aucune expérience en matière électorale, domaine dans lequel la seule bonne volonté et l’intelligence ne suffisent pas. Surtout dans le contexte actuel de la RD-Congo où les acteurs en présence ne se font nullement confiance. Bien plus, comme le Révérend Eyale en 2020, le Pasteur Daniel Kawata risque d’être victime du peu de considération affichée par l’Eglise du Christ au Congo à d’autres Confessions religieuses.

Hervé Diakese un autre activiste des droits de l’homme

Hervé Diakese est le porte-parole du Comité laïc de coordination -CLC. Cet ancien secrétaire exécutif provincial de la CENI, alors CEI, dans la province du Kongo central, est bien connu des mouvements citoyens et des organisations de défense des droits de l’homme. Il a notamment œuvré dans ‘’Les Congolais débout’’ de feu Sindika Dokolo. Il est cependant peu probable que sa candidature soit portée au premier plan par les Confessions religieuses, lui dont la carrière a été interrompue à la CEI par le très tolérant Abbé Malumalu pour malversation financière et qui a été blâmé puis suspendu par la CPI pour faute grave.

Cyril Ebotoko: la pupille du Cardinal qui doit développer sa carrure

Cadre de la CENI, lors du processus électoral 2003-2006, Cyril Ebotoko Longomba a une bonne connaissance de la matière électorale. A la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO-, il travaille depuis des années à la Commission justice et paix où il s’occupe de l’éducation civique électorale. Candidat en 2020, Cyril Ebotoko s’est vu retiré de la course par la CENCO au profit du Révérend Eale Bosela de l’ECC au motif qu’il n’avait pas la carrure et le poids nécessaires pour diriger la CENI. Impossible que les prélats catholiques se dédisent et que l’homme de la CEJP revienne dans les critères, la faiblesse relevée dans son chef étant lié à sa nature intrinsèque.

Ronsard Malonda, le catholique vilipendé par son église

Ronsard Malonda, Secrétaire exécutif national de la Centrale électorale. Elément clé des élections de 2018. Elu président de la CENI par 6 des 8 Confessions religieuses en juin 2020, il a vu son choix entériné le 2 juillet de la même année à l’Assemblée nationale sous la présidence de Mabunda. Malgré son cursus électoral costaud -une maitrise en matière électorale, son parcours échelon par échelon au sein de la CENI, son expertise exportée dans plusieurs pays africains, Malonda a essuyé une fougueuse opposition de l’Eglise du Christ au Congo et surtout de l’Eglise catholique dont il est pourtant fervent fidèle. Conséquence: les politiques et les mouvements citoyens ont suivi le pas et organisé des marches pour boycotter cette désignation. Aujourd’hui, Ronsard Malonda revient porté, ironie du sort, par l’Eglise de Rome. Hier accusé par les catholiques d’avoir fabriqué les résultats qui ont porté Félix Tshisekedi au pouvoir, Malonda, un vrai poids lourd dans la compétition, traine avec lui un gros handicap. Les prélats ne sauraient logiquement prendre fait et cause pour sa candidature aujourd’hui sans se discréditer eux-mêmes. 

Denis Kadima, victime de ses origines kasaïennes

Au seuil de la soixantaine, Denis Kadima avait fait l’unanimité dans les milieux des religieux sur un point: son expertise. L’on dit de son CV que c’est le seul qui rivalise avec celui de Malonda. Riche d’une longue expérience de gestion des élections à travers l’Afrique, il est présent à tous les rendez-vous électoraux sur le continent noir. Responsable de NDI en Namibie puis au Lesotho, Directeur général d’EISA de 2002 à 2010 puis de 2011 à ce jour, Directeur de la Division référendaire et électorale de l’ONU au Soudan, Conseiller technique principal du PNUD en Tunisie, Denis Kadima a participé à une soixantaine de processus électoraux à travers le monde. Denis Kadima a une faiblesse -insurmontable?: il est Kasaïen. Raison pour laquelle, selon des témoignages recoupés, son nom aurait été balayé sans autre forme de procès lors de la désignation de juin 2020 et continue à inspirer des publications pleines de haine et de calomnie. Pourtant, il n’y a pas mieux que ce candidat qui a bâti sa renommée dans la promotion des processus électoraux intègres à travers le monde. Lui au moins il a une réputation à préserver dans l’organisation des élections transparentes, intègres et apaisées dans son propre pays. Question cependant, dans une plateforme des Confessions religieuses gagnées par la subjectivité et les sentiments tribaux, qui amènera les chefs religieux à comprendre que nul ne saurait répondre des origines qu’il n’a pas choisi?

Tino MABADA

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