Deux rapports concomitants d’une mission d’évaluation des besoins du processus électoral des Nations unies et des experts du Programme des Nations unies pour le développement -PNUD- convergent dans leurs conclusions. La RD-Congo évolue vers une période de crise électorale extrême, a révélé mercredi le «Magazine Africa Intelligence».
Les Nations unies s’inquiètent de la capacité de la RD-Congo à organiser des élections présidentielle et législatives prévues en décembre 2023, selon les deux rapports confidentiels consultés par «Africa Intelligence». A la demande de la Commission électorale nationale indépendante -CENI-, la Mission d’évaluation des besoins électoraux de l’ONU a été déployée en début d’année et a finalisé son rapport en mai 2022.
Pendant ce temps, deux experts électoraux mandatés par le Programme des Nations unies pour le développement -PNUD- ont cartographié «les risques de conflits avant, pendant, et après les élections de 2023». Dans ce document de 88 pages daté de juin s’égrène un inventaire des menaces pesant sur le scrutin de décembre 2023 avec notamment un énorme risque de glissement de calendrier. Les deux missions épinglent entre autres la situation sécuritaire ‘’préoccupante’’ dans l’Est du pays, où opèrent toujours une centaine de groupes armés, dont le M23 et les Allied Democratic Forces -ADF.
Les troupes des Forces armées de la République démocratique du Congo -FARDC-, les Casques bleus de la Mission des Nations unies en RD-Congo -MONUSCO- et les Uganda People’s Defence Forces -UPDF- poursuivent leurs opérations dans l’Ituri et le Nord-Kivu. Imbroglio auquel il convient d’ajouter le déploiement d’une force régionale de l’East African Community -EAC- dont l’effectivité part du 15 août avec l’arrivée d’un premier contingent burundais dans le Sud-Kivu. L’état de siège, toujours en vigueur dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où toute activité politique reste théoriquement suspendue, laisse craindre des obstacles majeurs pour l’organisation et la tenue du scrutin, avertissent les deux rapports.
Le glissement électoral se chuchote
Les consultants du PNUD font le constat qu’un glissement du calendrier est «un scénario désormais probable». Pour cause: en séquençant les différentes opérations nécessaires à la tenue du scrutin, «les experts estiment qu’il faudra environ 640 jours à compter de la promulgation de la nouvelle loi électorale pour une tenue régulière des élections». Ainsi, de fin 2023, l’élection pourrait «glisser» au premier semestre 2024, «et ce, à condition que tout se passe sans difficulté d’ici là». Cette perspective est d’ores et déjà murmurée dans les coulisses du pouvoir à Kinshasa, certains misant sur un report de deux à trois mois, les moins optimistes -notamment les diplomates occidentaux- évoquant même un an.
900 millions de dollars pour les élections de 2023
Il s’observe un grand déficit de confiance dans certaines institutions impliquées dans le processus électoral, notamment la CENI et la Cour constitutionnelle, relève l’équipe d’évaluation des Nations unies. Celle-ci souligne dans son rapport que «de nombreuses inquiétudes subsistent quant à la capacité de la CENI à respecter le calendrier électoral au regard des défis et des contraintes techniques et financières». Le financement des élections dont le coût est estimé à 900 millions de dollars, alimente également les tensions. Ce qui a donné lieu, en début d’année, à de virulentes passes d’armes entre Denis Kadima, le président de la CENI et le ministre des Finances Nicolas Kazadi.
Au nom d’une certaine orthodoxie budgétaire, le grand argentier congolais a choisi de séquencer les décaissements au risque, selon le PNUD, «d’affecter directement l’autonomie administrative et financière de la CENI ainsi que sa capacité à avancer selon son propre calendrier d’activités».
Si les tensions entre les deux hommes sont virtuellement apaisées, la CENI est encore loin d’avoir récupéré les 640 millions de dollars sollicités pour l’année 2022. Or, ceux-ci sont indispensables à l’achat des matériels électoraux, notamment les kits d’enregistrement et les machines à voter, ainsi que le lancement de l’opération d’inscription des électeurs sur les listes électorales. Selon les informations d’Africa Intelligence, Denis Kadima ne pourra pas non plus compter sur l’appui des Occidentaux et plus particulièrement celui des États-Unis de Joe Biden et de l’Union européenne -UE. Un temps espéré par le patron de la centrale électorale, «ce soutien devrait rester fortement limité, de l’ordre d’ailleurs de quelques milliers de dollars et ne concernera pas directement les opérations menées par la CENI».
Ainsi, les Nations unies prévoient de plaider auprès des partenaires financiers pour mobiliser les ressources en vue d’appuyer la CENI «de manière ciblée et ponctuelle» et ainsi «combler d’éventuels déficits budgétaires de la part du gouvernement».
Avec ouragan.cd