L’affaire «congolité» prend des allures incendiaires. A l’approche des élections, programmées en décembre 2023, des membres du gouvernement versent dans les antivaleurs, en tenant des discours identitaires, racistes, séparatistes, provocateurs et clivants, condamnés par diverses personnalités et organisations de la société civile. Ça craint!
Lors d’un meeting au Sud-Ubangi, le ministre du Commerce extérieur, Jean-Lucien Bussa Tongba, s’est particulièrement illustré avec des propos de haine: «Tout celui dont le père n’est pas Congolais est notre ennemi». Par cette déclaration, Bussa, en voulant s’en prendre à un candidat président de la République qui quitté l’Union sacrée, Moïse Katumbi, selon certains, a lancé, à en croire d’autres, des flèches empoisonnées contre un des leaders de l’espace Equateur. En l’occurrence Jean-Pierre Bemba Gombo qui a des origines portugaises par son père.
Voici comment Bussa a craché sur son ancien patron et leader du MLC, JP Bemba, qui a aussi été vice-président de la République en charge des questions économiques et financières dans le gouvernement de transition -dit 1+4- entre juin 2003 et décembre 2006. Bussa s’en prendre au métis Bemba pour ses origines? Vraiment? S’agit-il de ce même Bemba Gombo fils de Bemba Saolona qui a créé des entreprises dans l’ex-Equateur et dans la capitale, donnant des centaines d’emplois à des compatriotes, jusqu’à devenir patron des patrons? Ces attaques visent-ils l’autre métis, Katumbi, devenu lui aussi un puissant homme d’affaires, à la tête d’un empire financier avec à son actif des entreprises et des employés qui prennent en charge leurs nombreuses familles, ciblé pour s’être voué un destin national, donc pour ses ambitions politiques?
Qu’il s’agisse de Bemba Saolona ou de Moïse Katumbi ou encore d’un autre compatriote à la peau blanche, Bussa semble avoir poussé loin le bouchon avec pareil discours identitaire. Nombre d’observateurs sont d’avis que le pays n’a jamais été aussi proche de l’explosion, ainsi que le témoignent les réactions enregistrées. En Côte d’Ivoire, pour avoir joué avec pareil feu et avoir contribué à la guerre civile, Charles Blé Goudé a fait l’objet de sanctions de la part de l’ONU pour avoir notamment participé à des actes de violences et d’avoir incité à la haine.
Puis, la Cour pénale internationale -CPI- l’a arrêté, détenu, jugé et condamné pour crimes contre l’humanité.
En République Démocratique du Congo, les propos incendiaires de Bussa qui charrient les antivaleurs ont indigné plus d’un, révoltés que des membres du gouvernement, des ministres en fonction, officialisent la haine, en violation de la Constitution, de son article 30 qui interdit la xénophobie, la haine ou l’aversion raciale, infraction réprimée par l’article premier de l’Ordonnance-Loi 66-342, avec une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de servitude pénale, alors que toutes les institutions paraissent avoir choisi de se faire dans toutes les langues.
En attendant la réaction de toute sa famille et de son aîné Jean-Pierre, Jean-Jacques Bemba, cadre du CDER, parti de Bussa, a claqué la porte en signe de protestation, selon les informations abondamment relayées sur la toile jeudi.
«Honte à ceux qui pour cacher leur mauvais bilan réveillent les bas instincts du vieil homme qui sommeille en chacun. Aujourd’hui en RD-Congo, le racisme porte le nom et le visage hideux d’un régime qui garde silence et cautionne le discours haineux et discriminatoire de ses ministres», a tweeté le même jour Olivier Kamitatu Etsu, haut cadre d’Ensemble pour la République.
Sur les pas de Kamitatu, la Fondation katangaise a, elle aussi, déploré des propos injurieux, insensés, tribalistes, racistes proférés par un autre membre du gouvernement. Allusion faite à Didier Budimbu, ministre des Hydrocarbures, qui, lors de son séjour dans le Haut-Katanga, a qualifié de «chauve-souris» tout candidat président né d’un parent à la peau blanche. Cette structure a mis en garde «ce membre du gouvernement et tous ses parrains pour qu’ils cessent de s’en prendre aux enfants du Katanga et de les insulter».
Dans sa mise au point, faite à Lubumbashi le 12 janvier 2023, et signée par son président national, Raphael Mututa Mistala, la Fondation katangaise a lancé un avertissement sévère à destination des auteurs de ces propos condamnables. «S’ils réitéraient leurs actions perverses, calomnieuses et diaboliques, ils en payeront les frais», a-t-elle avisé. La Fondation katangaise a appelé ces fauteurs en eau trouble ou mieux à ces ennemis de l’unité à ne pas réveiller les vieux démons de la division en cette année électorale et de grands enjeux. Elle a dit tenir à la tenue des élections libres, paisibles, transparentes, démocratiques, inclusives et dans le délai constitutionnel. «Pas plus d’un jour, ni moins d’un jour. Y procéder autrement pourrait avoir des conséquences incalculables», a lancé la Fondation katangaise.
Parce que des ministres de la République ont marché sur la Constitution et l’Ordonnance-Loi précitée, l’opinion attend logiquement voir comment va devoir se comporter le Procureur général près la Cour de Cassation, seul habiliter à agir dans pareil cas.