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Congolité de Katumbi: une patate chaude

Comme en Côte d’Ivoire à l’heure Gbagbo où la candidature de Watara à la présidentielle avait suscité la question sur son ivoirité, et au finish l’homme a remporté cette élection, revoici l’histoire se reproduire cette fois-ci en RD-Congo avec Moïse Katumbi Chapwe. Sa candidature à la prochaine présidentielle de décembre 2018 sous le label «Ensemble pour le changement», plateforme politique de l’opposition, provoque, dans le camp de ses adversaires politiques, la question sur sa congolité. Il est reproché à l’homme qui a été élu député national en 2006, puis provincial avant d’être élu gouverneur de l’ex-Katanga en 2007 sur la liste PPRD, le fait d’avoir détenu par le passé la nationalité italienne. Pourtant, Katumbi y a déjà renoncé. Du coup, sur les réseaux sociaux, le cas Katumbi défraye la chronique. Les internautes se posent la question de savoir pourquoi avoir attendu si longtemps pour renier à Katumbi sa nationalité d’origine au moment où il postule à la magistrature suprême alors qu’en étant gouverneur de la province cuprifère, cette question n’avait empêché son élection? Tel est pris qui croyait prendre. En voulant s’attaquer à Katumbi pour recaler sa candidature à la présidentielle, ses détracteurs ont ouvert la voie à la suspicion. Tout acteur politique devient soupçonnable de détenir une nationalité étrangère. Et l’opinion veut savoir qui est Congolais et qui ne l’est pas. Des ministres, des députés nationaux et provinciaux, des gouverneurs des provinces, des mandataires publics, bref, plusieurs autorités RD-congolaises seraient dans le cas de Moïse Katumbi, pourtant ils ne sont pas inquiétées. Analyse sur les personnalités publiques RD-congolaises qui détiendraient la nationalité étrangère: belge, française, américaine, canadienne, allemande et autre soit-elle.  
 
«Moïse Katumbi s’est déclaré candidat depuis bientôt deux ans, dans la quasi indifférence de tout le monde. Mais, pourquoi cette levée de boucliers dans une ambiance d’alliance objective de la part de certains opposants et Kabilistes quand il concrétise ses ambitions?», écrivait le 13 mars sur son mur Facebook et son compte Twitter l’opposant Sam Bokolombe, l’un des soutiens à la candidature de Katumbi avant de poser la question de savoir si cette candidature n’avait pas été prise au sérieux auparavant et déduire que l’homme fait peur.
Bokolombe préjugeait peut-être de la suite. L’affaire des mercenaires pour laquelle Katumbi a été inculpé et ses collaborateurs emprisonnés a rebondi, coïncidant avec l’ouverture, par le Procureur général de la République, d’une information judiciaire à charge de l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga pour usurpation présumée de la nationalité congolaise. Cette information fait suite à la série de révélations sur la nationalité italienne que Katumbi aurait détenue concurremment avec celle congolaise, laquelle est une et exclusive.
Le débat fait rage. Selon les spécialistes du droit, s’il a renoncé à la nationalité le 13 janvier 2017, comme l’a affirmé Jeune Afrique dans son édition du 22 mars, Katumbi ne pourra pas concourir au scrutin prévu le 23 décembre 2018 tant qu’il n’a pas fait les démarches administratives pour recouvrer sa nationalité d’origine.
Dans le camp Katumbi, on crie à l’arbitraire, à une stratégie d’exclusion visant le candidat de la plateforme «Ensemble pour le changement», déjà condamné à 3 ans de prison dans une affaire de spoliation immobilière et contraint à l’exil pour échapper à l’emprisonnement. Secrétaire général de «Ensemble pour le changement», Delly Sessanga a laissé entendre le 28 mars sur les antennes de RFI que «l’évolution sur cette question de nationalité participe de cette stratégie d’exclusion».
Puis: «Cette affaire est montée par les gens de la Majorité dans le but d’éviter le débat sur l’absence de visions qu’ils ont aujourd’hui, l’absence de programmes, l’absence de candidat parce que nous sommes à 8 mois des élections bientôt et la majorité n’a toujours pas présenté de candidat».
Delly Sessanga a mis en garde «les uns et les autres sur le fait que ce dérapage sur la question de la nationalité est une pente glissante qui peut ramener le pays dans des souvenirs que nous ne voulons plus revivre», rappelant la «congolité» qui a été évoquée à l’endroit de Joseph Kabila lui-même et l’ivoirité utilisée en Côte d’Ivoire à l’origine de la guerre civile dans ce pays.
Delly Sessanga a jugé suspecte la position du Parquet, évoquant «un revirement inexpliqué en pareille matière», demandant pourquoi «le PGR n’a pas ouvert par le passé, le moindre dossier contre ceux qui, en connaissance de cause, ont nommé des étrangers à des postes de responsabilité en violation de la Constitution et la loi, ou contre ceux qui ont bénéficié de ces nominations».
Sur la toile, les Katumbistes citent les cas des «Belges» Samy Badibanga, nommé Premier ministre alors qu’il détenait encore la nationalité belge; de Tharcisse Loseke, qui a recouvré sa nationalité congolaise en 2017 après son entrée au gouvernement; de Oly Ilunga, actuel ministre de la Santé, ou de Gustave Beya Siku, ancien directeur de cabinet du Président Kabila nommé ambassadeur en Belgique mais recalé pour des raisons évidentes avant d’être casé à Luanda. Ils rappellent également le dossier Jean-Claude Baende, natif de Basankusu naturalisé belge en 2001 mais élu gouverneur de l’ex-Equateur et candidat défait aux législatives nationales de 2011 et disent ne pas avoir oublié comment l’ancien ministre 1+4 du Commerce extérieur et député élu de Mbuji-Mayi, Roger Lumbala Tshitenga, recherché à la suite de sa participation à la rébellion du M23, a été sauvé des griffes de Kinshasa grâce à l’intervention intéressée de l’ambassadeur de France en Ouganda. Les commentaires faits à ce sujet sont illustrés, pour les présumés belges, par des copies du Moniteur belge destinées à attester que ces membres des Institutions de la République étaient ou sont naturalisés belges. «Ce n’est donc pas maintenant que la Majorité au pouvoir peut lancer le débat sur la nationalité de Katumbi, élu tour à tour député national, député provincial et gouverneur de province sur la liste PPRD. Cela s’apparente à une pièce du Théâtre de chez nous», a tempêté un conseiller de Moïse Katumbi. On se demande de quoi ont l’air, ces derniers jours, les responsables de la Justice, quand les Katumbistes déterrent tous ces cas controversés. «Il semble que cette fois, c’est cette Justice qui a la patate et doit la trouver trop brûlante. Avec elle, tout le système qui n’est jamais revenu sur le moratoire institué par l’Assemblée nationale sous Vital Kamerhe», assène-t-on du côté des sociétaires de «Ensemble pour le changement».
 

KISUNGU KAS   

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