La chambre d’appel de la Cour pénale internationale -CPI- tient ce vendredi 8 juin 2018 une audience publique sur le prononcé des jugements concernant les appels à l’encontre du verdict et de la peine dans l’affaire opposant le Procureur général de la CPI à Jean-Pierre Bemba Gombo. Cette audience est décisive du fait qu’elle déterminera le sort définitif de l’ancien vice-président de la RD-Congo déclaré coupable depuis le 21 mars 2016, en tant que chef militaire, de deux chefs de crimes contre l’humanité, meurtre et viol, ainsi que de trois chefs de crimes de guerre, à savoir meurtre, viol et pillage, commis en République centrafricaine entre octobre 2002 et mars 2003 par l’Armée pour la libération du Congo -ALC- devenue plus tard le Mouvement de libération du Congo -MLC- comme parti politique. Cette branche armée est intervenue en RCA à l’appel de l’ancien président de la République Ange Félix Patassé. Le 21 juin 2016, la chambre de première instance III a condamné Jean-Pierre Bemba à 18 ans d’emprisonnement, verdict et peine dont le patron du MLC avait fait appel. A Kinshasa, capitale de la RD-Congo, les fidèles et sympathisants de Bemba se sont réunis jeudi 07 juin à la paroisse catholique Notre Dame de Fatima dans la commune de la Gombe pour un long moment de prières. Dans la foulée, le Secrétaire général adjoint du parti cher à JP Bemba, le député Fidèle Babala, promet la surprise depuis la Haye. Avant lui, l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain Herman Cohen a carrément plaidé pour la libération du chairman du MLC. D’autres voix de soutien se lèvent aussi de partout à travers les réseaux sociaux. Par ailleurs, au cours d’une interview sur RFI, Karine Bonneau, directrice du bureau Justice internationale à la FIDH, a dit ne pas exclure la libération de Jean- Pierre Bemba, mais à quelques conditions…
C’est le jour «J». Jean-Pierre Bemba retient son souffle. «Si les juges ne confirment pas la culpabilité pour crime contre l’humanité et crime de guerre, c’est effectivement envisageable. Si les juges confirment la décision de première instance, Jean-Pierre Bemba restera plus longtemps en détention, parce que des crimes de viol, de meurtre, de pillage, c’est une condamnation plus forte. Et puis il y a une autre étape qui est aussi celle des réparations. Les juges, après l’appel de vendredi, vont devoir décider des mesures de réparation pour les victimes. Et il serait assez choquant que Jean-Pierre Bemba puisse sortir de prison avant même que des formes de réparation soient définies pour les victimes», a expliqué Karine Bonneau sur Radio France Internationale -RFI.
Entretemps, des pressions, des séances de prières, des déclarations de soutien ont été au rendez-vous jusqu’à quelques heures de l’audience. Depuis les Etats-Unis d’Amérique, l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain Herman Jay Cohen a demandé la libération de Jean-Pierre Bemba. Il a soulevé le fait qu’il n’a jamais été prouvé que Bemba ait été personnellement impliqué dans les atrocités de Bangui. Plus récemment, l’ancien Premier ministre RD-congolais, Adolphe Muzito, de passage à la Haye, a lui aussi évoqué la libération éventuelle de Jean-Pierre Bemba. Chose, selon lui, qui pourrait contribuer à mieux préparer la présidentielle de décembre prochain en RD-Congo. Dans la journée de jeudi 07 juin 2018, les militants du MLC et proches du chairman se sont réunis à Notre Dame de Fatima pour des séances de prières en faveur de son élargissement. Depuis La Haye, le Secrétaire général adjoint du MLC, Fidèle Babala, promet de surprises, annonçant dans la foulée la candidature de Jean-Pierre Bemba à la présidentielle de décembre 2018. De quoi redonner du baume au cœur des Bembistes qui attendent stoïquement depuis dix ans cet heureux événement.Toutes ces formes de pressions peuvent-elles avoir un impact significatif sur les juges de la CPI dans leur intime conviction au point de faire basculer la donne dans ce verdict tant attendu? De passage sur les ondes de RFI, la responsable de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme -FIDH- a éclairé l’opinion sur cette question: «Non, je ne pense pas. Je pense que le procès de Jean-Pierre Bemba en première instance a quand même duré près de 6 ans et s’est soldé par un très grand nombre de témoignages, des témoignages des experts. On attend des juges de la CPI qu’ils jugent en fonction de ce qu’ils auront eu devant eux pendant les audiences et pas en fonction des appels des uns et des autres, en dehors des salles d’audience. On peut espérer quand même qu’ils soient un peu plus sourds à ce genre d’appels».
Pour elle, les messages des hommes politiques ne sont que des arguments purement politiques. «Maintenant, je pense qu’on n’est vraiment pas du tout dans la même démarche. Je pense que les juges de la CPI ne vont pas déterminer d’une libération anticipée pour participer à des élections en RDC. Donc, non. Je pense qu’il faut raison garder et espérer déjà que la Cour puisse condamner – puisqu’on espère à la FIDH, qu’il sera à nouveau condamné – Jean-Pierre Bemba en appel, à la hauteur de la gravité des crimes pour lesquels il est poursuivi devant la CPI», a-t-elle martelé.
Intervenant dans le même ordre d’idées, Patrick Tshibuyi, chargé de la sensibilisation au bureau de la Cour pénale internationale/RD-Congo, a témoigné lui aussi de l’indépendance des juges de la CPI. «Les juges vont rendre cet arrêt conformément au Statut de Rome, après avoir entendu les arguments de chacune des parties qui ont interjeté appel. Mais il n’y a aucune influence qui peut être exercée sur les juges de la Cour pénale internationale, libre à chacun de faire des déclarations, d’émettre des opinions. Mais l’arrêt que nous attendons ce 8 juin sera rendu par la Cour en toute indépendance, sans aucune interférence», a-t-il précisé.
L’ancien vice-Président de la RD-Congo est incarcéré depuis près de 10 ans pour crime de guerre et crime contre l’humanité commis en République centrafricaine par ses troupes en 2002. Il est aussi poursuivi et condamné pour subornation des témoins. Ce vendredi, il sera fixé définitivement sur son avenir. Les chaînes de télévision de cet acteur politique, en l’occurrence CKTV et CCTV vont retransmettre le prononcé du verdict en prenant le relais de la Haye à partir de 16 heures locales, 15 heures GMT.
Olitho KAHUNGU