«Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule». Ces mots, restés célèbres en France et à travers le monde, ont été prononcés par Jean-Pierre Chevènement quand il avait décidé de quitter le gouvernement en 1983, évoquant un sens de l’Etat, précisant que l’on ne peut pas rester dans un gouvernement si l’on ne partage plus la même vision avec celui qui en incarne le leadership. C’est à peu près le cas avec Jean-Lucien Bussa qui, en dépit de sa qualité de membre du gouvernement, a osé décrier un manque de leadership visionnaire qui fait défaut pour faire décoller la République démocratique du Congo et la sortir du gouffre de sous-développement.
A en croire Abraham Luakabuanga, membre de l’UDPS, parti au pouvoir, l’actuel ministre du Portefeuille a affirmé que le pays de Tshisekedi, depuis son accession à l’indépendance en 1960, manque de leadership visionnaire, de leadership stratège et de leadership gestionnaire. «Raison pour laquelle, depuis 1960, la RD-Congo marche toujours à reculons», a soutenu Bussa dont quelques extraits de l’intervention à une conférence-débat, récemment organisée à l’Université de Kinshasa, ont été relayés par Luakabuanga. Ce dernier est remonté par ces «déclarations au vitriol» de Bussa. A son instar, deux organisations de soutien aux actions du président Félix Tshisekedi, auteures d’une déclaration rendue publique mercredi 3 juillet 2024 et révoltées par les mêmes déclarations, ont condamné le «bicéphalisme» de l’ancien ministre du Commerce extérieur, non sans réclamer son départ du gouvernement.
La Nouvelle génération politique Fatshi et la Force du génie kongolais pour l’avenir, respectivement dirigée par Totchumani Kisombe et Génie Kande Mukendi, ont dénoncé un «comportement indigne» de Jean-Lucien Bussa, alignant le ministre du Portefeuille dans «le camp des potentiels complices des ennemis de la République» et remettant en cause sa «loyauté envers le régime qui l’embauche, le paie et le soigne aux frais du Trésor public». Ces deux organisations, en conséquence de ce qui précède, ont «exigé» la «démission pure et simple» de Jean-Lucien Bussa du gouvernement Suminwa, investi le mois dernier. «Le ministre Jean-Lucien Bussa doit démissionner», a aussi réclamé Abraham Luakabuanga, convaincu que l’ancien cadre du MLC de Bemba «roulerait déjà pour d’autres horizons politiques non encore élucidés».
«Comment un ministre membre de l’Union sacrée de la nation, famille politique censée fonctionner sur base de la vision de son fondateur qu’est le président Félix Tshisekedi, peut encore aller jusqu’à accuser ce dernier de manque de vision?», s’est interrogé Luakabuanga, accusant, dans la foulée, Jean-Lucien Bussa de faire partie de ces personnalités de l’entourage du président Tshisekedi qui, demain, «peuvent ourdir des complots contre lui tel que l’ont fait des brebis égarées parmi lesquelles les membres du M23». Ainsi, selon cet ancien membre du cabinet présidentiel, il n’y a plus que cette issue pour le ministre du Portefeuille: «démissionner ou être poussé à la démission».
Jean-Lucien Bussa, au gouvernement depuis l’époque Samy Badibanga, en 2016, réalise l’une des plus longues périodes ininterrompues en tant que membre de l’Exécutif national dans l’histoire de la RD-Congo. Après un très bref passage au Plan, cet ancien cadre du Mouvement de libération du Congo -MLC- de Jean-Pierre Bemba s’est éternisé au Commerce extérieur, qu’il a commandé durant sept années successives. En «décriant le leadership» du président Tshisekedi, Bussa a fait susciter des questions sur son propre bilan au Commerce extérieur.
«Depuis le régime Kabila jusqu’à ce jour, Jean-Lucien Bussa n’a laissé aucun bilan convaincant dans les secteurs qu’il a eu à diriger, et n’a donc aucune leçon de leadership à donner», ont soutenu les structures de Totchumani Kisombe et Génie Kande Mukendi, tout en poussant Bussa à quitter le navire Tshisekedi afin de pouvoir «bien mener ses actions d’opposant». Pas sûr que Jean-Lucien Bussa, confronté à cette tempête, ne jette l’éponge de son propre gré, à en croire sa réplique à ces différents appels à sa démission. Aux confrères de Scooprdc, le ministre du Portefeuille a confié que son exposé à cette conférence-débat, accueillie par l’UNIKIN, a été tiré de son travail de fin d’études approfondies -DEA-, rédigé en 2010. «Ça n’a rien à avoir avec le régime actuel de Félix Tshisekedi», a-t-il soutenu, tentant, sans vraiment convaincre, de faire mentir Luakabuanga, ces deux structures pro-Tshisekedi et ces différents cadres de l’Union sacrée de la nation qui le somment de rendre le tablier, faute pour lui d’avoir su ou pu «fermer sa gueule».