Le 15 février dernier, l’Inspection générale des finances -IGF- a rendu public un rapport-synthèse de 8 pages contenant ses «conclusions sur la convention de collaboration d’avril 2008 entre la RD-Congo et le groupement d’entreprises chinoises». Décliné en 31 points, ce rapport de l’IGF peint un tableau sombre sur cet accord estimé à plus d’USD 10 milliards d’exploitation minière par une société créée pour la cause: SICOMINES SA. Sauf que 15 ans plus tard, révèle le rapport de l’IGF, la partie RD-congolaise n’a bénéficié que d’USD 800 millions en termes d’infrastructures, du reste «difficilement retraçables sur le terrain». C’est l’épilogue d’un scandale portant sur le «contrat chinois».
Entre exonérations exorbitantes des droits de douanes pour près d’USD 3 milliards, non rapatriement des devises liées à l’exportation, et non-paiement des impôts, c’est une tonne de révélations que fait la patrouille financière sous la houlette de Jules Alingete. Saisi, le Président de la République se met au premier rang pour obtenir «réparation» et «rééquilibrage» de ce contrat. Il fait même un déplacement en Chine.
Six mois après la publication de ce rapport, où en est-on avec ce dossier? La question a fait l’objet d’une rencontre, jeudi 10 août, entre Jules Alingete, chef de service de l’IGF, et le professeur Florimond Muteba de l’Observatoire pour la dette publique -ODEP-, organisation de la Société civile, très impliquée dans la suite à réserver aux révélations de l’IGF. Dans ses bureaux de la commune de la Gombe, Alingete fait part à son hôte de l’évolution des «négociations pas faciles» mais «silencieuses» ouvertes depuis 3 mois entre les parties RD-congolaises et chinoises. «Les négociations se déroulent dans les meilleures conditions», affirme Alingete, assuré de l’implication de deux Chefs d’Etat, Félix Tshisekedi de la RD-Congo et Xi Jinping de la Chine, qui «ont donné des instructions fermes» à leurs délégations «pour des négociations amicales dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant».
L’élite intellectuelle comme frein au développement
Dans sa veste aux apparences d’un flic qui correspond parfaitement à sa mission incarnée par la «patrouille financière», Alingete ne manque de mentionner l’état initial du contrat, taillé en faveur de la Chine. «Le rééquilibrage est toujours une tâche extrêmement difficile», fait-il remarquer à l’aide d’une allégorie: «demander au partenaire qui avait un gros steak dans l’assiette de vous couper un morceau pour équilibrer n’a jamais été facile». Cependant, convaincu de la «bonne dynamique» impulsée par le Président Tshisekedi, arrivé au pouvoir en 2019, Alingete reste confiant. En témoigne, selon lui, la prise de conscience dans le camp chinois. «Hier, ils négociaient avec des marionnettes, des fils égarés qui ne défendaient pas l’intérêt de leur pays. Ce n’est plus le cas», dit-il.
Derrière cette sérénité, le flic financier en chef dissimule tout de même un profond regret. L’homme dit ne pas comprendre voir l’intelligence au service du mal en RD-Congo avec des intellectuels qui s’illustrent par la destruction du tissu économique du pays. «Les caisses de l’Etat n’étaient pas pillées par des illettrés. Les diplômes des intellectuels constituent aujourd’hui un frein pour le développement de notre pays», regrette-t-il. Et quand il mesure la vénération dont font l’objet ces intellectuels auprès de la jeunesse, Alingete semble dépité.
«Si vous analysez le contrat chinois, vous allez vous rendre compte que l’intellectuel RD-congolais est un obstacle au développement du pays. Par son stylo, il peut tuer. Quand il signe des contrats, il glisse des dispositions qui rendent la revisitation difficile», déplore-t-il. Les illustrations, Alingete les a en pile, notamment des contrats où il est clairement mentionné que les litiges dans l’exécution sont du ressort des tribunaux des pays étrangers. «Ça c’est condamner la République. C’est dégoutant de constater que la République a, à un moment donné, formé des intellectuels qui l’ont ensuite poignardée. C’est vraiment regrettable», s’exclame-t-il.
L’ODEP satisfait
La prise de conscience des intellectuels est ainsi appelée de tous vœux par Alingete. «Ils doivent être des lumières pour la société et non des éléments de destruction massive de la société», exhorte-t-il, convaincu cependant de la réussite de la démarche entamée pour revisiter le «contrat du siècle» afin de le voir enfin «répondre aux attentes». Pour une meilleure transparence, Alingete promet de rendre public l’avenant, une fois signé, pour «permettre à tous les RD-Congolais de voir ce qu’on a gagné, ce qui a été équilibré».
Fort des explications reçues, Florimond Muteba a promis de continuer à appuyer la «démarche» de l’IGF qui va «dans le sens de défendre les intérêts fondamentaux du peuple RD-congolais et de la nation». Le n°1 de l’ODEP, reconnaissant l’apport du secteur minier dans l’économie de la RD-Congo, avait un temps exigé la «nationalisation de la SICOMINES» puisque le «contrat a été très mal négocié». Désormais, il se dit «optimiste» après avoir été mis au parfum de l’avancement des négociations.