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Affaire double assassinat de l’ONU : Clément Kanku brise le silence

C’est une guerre des médias qui commence dans l’affaire de l’assassinat de deux experts de l’ONU au Kasaï Central sans oublier les massacres des populations et la mort du chef coutumier Kamuina Nsapu. Le journal américain «New York Times» a mis en cause le député national élu de Dibaya, Clément Kanku Bukasa wa Tshibuabua, le présentant comme le suspect principal dans l’assassinat de deux experts de l’ONU survenu en mars 2017. Dans sa livraison, le quotidien américain faisait mention d’un enregistrement sonore entre Clément Kanku et un certain Tshiboko, non autrement identifié, mais qui serait lié aux milices Kamwuina Nsapu. Immédiatement, la justice RD-congolaise a ouvert une enquête sur ce dossier. A Kinshasa, l’élu de Dibaya a tenté d’animer un point de presse, mais c’était trop tard, car la justice était déjà entrée en jeu et il en avait été empêché. Au vu de l’ampleur que prend le dossier, il a finalement décidé de briser le silence en se confiant à «La Libre Afrique».
D’entrée de jeu, l’ancien ministre de la Coopération réfute toutes les accusations portées contre lui par «New York Times» qu’il affirme avoir assigné en justice. Visiblement affecté, Kanku dénonce une cabale montée contre sa personne et assure vouloir défendre chère sa peau. Aussi, fait-il savoir, il ne comprend pas le buzz créé autour de cet enregistrement qui lui avait été déjà opposé au mois d’août 2016 devant le Conseil national de sécurité -CNS- réuni dans la ville de Kananga. Pour Kanku donc, l’enregistrement dont fait mention NYT n’était d’aucune importance, car connu de toutes les autorités mais jamais authentifié. Quand à l’assassinat de deux experts des Nations unies, le député qui réclame à haute voix une enquête internationale jure main sur le coeur n’être pas impliqué dans cette entreprise criminelle. Bien plus, l’élu de Dibaya affirme avoir lancé plusieurs fois l’alerte sur les massacres qui se préparaient dans sa circonscription, mais n’avait jamais été écouté par les autorités compétentes. Aujourd’hui, il exige une enquête internationale afin que les responsabilités soient établies. Ci-dessous l’extrait de l’interview de Clément Kanku accordé à «La Libre Afrique».

  1. Clément Kankou, pouvez-vous nous éclairer sur l’échange téléphonique qui fait débat et qui aurait été retrouvé sur l’ordinateur de Mme Catalan?

D’entrée de jeu, je tiens à préciser que je conteste de façon formelle l’intégrité et l’authenticité de la pièce audio brandie par le New York Time. J’ai été confronté à l’existence d’un élément sonore brandi par Monsieur Evariste Boshab, alors ministre de l’Intérieur, en présence d’une vingtaine de personnes lors du Conseil national de sécurité réuni à Kananga au mois d’août 2016, quelques jours avant l’assassinat du chef Kamuina Nsapu. Cet élément sonore n’a jamais été authentifié. Toutes les autorités disposaient de cet enregistrement. Rien n’est donc nouveau. Il s’en suivra, après échange et vérification par les services spécialisés que cet enregistrement ne présentait aucun intérêt et ne me mettait nullement en cause. Par conséquent, l’affaire avait été classée sans suite car il était clairement apparu que cet élément sonore était sans pertinence. Je déplore le fait que NYT ait utilisé des éléments manipulés dont l’authenticité n’a pas été établie et dont la retranscription a été falsifiée, travestie à des fins inavouées.
Avec qui conversez-vous?
Je suppose que vous faites allusion à l’élément sonore du New York Times du 20 mai. Comme je l’ai dit précédemment, je conteste l’authenticité et l’intégrité de cette pièce audio et tant qu’aucune expertise en acoustique n’aura eu lieu, je me garde de tout commentaire sur un élément sonore qui a manifestement été manipulé, tronqué, falsifié.
Avez-vous été entendu par la justice RD-congolaise sur le contenu de cet enregistrement en août 2016?
Non. La justice RD-congolaise en tant que telle ne m’a jamais entendu sur un quelconque enregistrement mais en revanche j’avais été entendu en août 2016 à Kananga par le Conseil national de sécurité -CNS. Un représentant de la justice y siège. Celui-ci était donc au courant d’un enregistrement même si ce dernier n’avait pas fait l’objet d’une expertise qui considérerait sa force probante. J’en déduis donc que la justice RD-congolaise avait jugé cet enregistrement sans pertinence puisque aucune suite n’y avait été réservée. Je pense que si, à l’époque, la justice avait été convaincue de la pertinence de l’enregistrement sonore, elle aurait dû ouvrir une enquête à ma charge. Or, cela n’a pas été le cas. En août, nous étions en vacances parlementaires, elle pouvait se limiter à une procédure simplifiée nécessaire à l’ouverture d’une enquête en vertu de laquelle seul le bureau de l’Assemblée nationale décide de l’autorisation des poursuites judiciaires contre un député national. Tandis que durant une session parlementaire, ce sont les députés qui doivent statuer sur cette question à travers une plénière. C’est à la justice de fixer l’opinion sur l’absence de l’ouverture d’une enquête lorsqu’il y a eu une confrontation au sein du CNS en août 2016 et pourquoi seulement maintenant. Il n’est pas sans intérêt de préciser également qu’en ce moment-là, le chef Kamuina Nsapu était encore en vie et que nul ne parlait des experts des Nations unies. Que l’opinion publique retienne donc bien qu’il n’y a pas de lien possible entre cet enregistrement non expertisé et la mort du grand Chef Kamuina Nsapu le 12 août 2016 d’une part et, d’autre part, l’assassinat odieux des experts des Nations unies en mars 2017.
Comment expliquez-vous que tout ceci ressorte maintenant?
On va dire que c’est perturbant. La justice RD-congolaise ne bouge pas pendant sept mois et, curieusement, lorsque les Nations unies, l’Union européenne, les organisations des droits de l’homme exigent que la lumière soit faite sur les violences meurtrières qui se sont propagées dans le Kasaï entrainant la mort de milliers de RD-Congolais et de deux experts des Nations unies dont les images de la prise en otage et de la mise à mort et la décapitation ont été rendues public, cette justice se réveille soudain pour ouvrir une enquête à ma charge en rapport avec tous les faits énumérés ci-haut. De manière générale, j’aimerais qu’on m’explique à partir de quel moment j’aurais été lié aux violences dans le Kasaï et à la mort des experts, rien que sur base de l’article du NYT alors qu’il n’y a rien de neuf. En peu de mots, lorsque le CNS brandit un certain enregistrement «non expertisé» il n’y avait pas lieu d’ouvrir une enquête tandis que lorsque 8 mois plus tard le NYT publie un certain enregistrement sonore «non expertisé» du coup pour la justice RD-congolaise il y a lieu d’ouvrir une enquête.
On est en droit de se demander ce qui motiverait un tel revirement des autorités judiciaires? Qui aura répondu à cette question arrivera à dénouer le piège derrière cette triste histoire. Enfin, si vous faites allusion à la justice, en vous renvoyant au point de presse de l’auditeur militaire supérieur de Kananga, je peux vous dire que je n’ai pas fait l’objet d’une enquête ouverte par la justice. A toutes fins utiles, je me dois de préciser que, contrairement à ce qu’une certaine opinion voudrait faire croire, mon entrée au gouvernement Badibanga est consécutive à l’Accord de la Cité de l’UA du 18 octobre 2016, dans le quota de l’Opposition. Bien avant d’être en responsabilité au sein du gouvernement d’union nationale, et longtemps après que les autorités RD-congolaises m’aient brandi ce fameux enregistrement sonore, j’ai continué à exercer mon mandat d’élu du peuple, mandat que j’ai recouvré après la fin de ma participation au gouvernement. Il n’y a donc pas de lien à établir entre cet enregistrement et mon entrée au gouvernement.
Mme Catalan, l’experte de l’ONU assassinée au Kasaï, vous a-t-elle contacté?
Malgré les multiples appels que je reçois, je ne me souviens pas avoir été contacté par cette dame. En revanche, je me souviens avoir été contacté par Monsieur Michael Sharp, l’autre expert assassiné. Je l’ai rencontré en compagnie de trois de mes collaborateurs. Et à l’occasion, il était accompagné, non pas de Mme Catalan, mais d’un collègue masculin. Ensemble, nous nous sommes entretenus de la situation sécuritaire au Kasaï en ma qualité d’élu local.
Selon vous, ces experts étaient-ils en possession d’informations sensibles sur les massacres au Kasaï?
Je n’ai aucun moyen de le savoir.
Avez-vous donné l’ordre d’exécuter ces experts de l’ONU?
Absolument pas. Je suis un élu, un défenseur d’opinion. Dans mon parcours, je n’ai jamais été ni soupçonné ni mis en relation avec une entreprise de nature criminelle dont les actes sont tout à fait, étrangers à notre éducation, à notre culture et à nos valeurs. Par conséquent, il n’est donc simplement pas sérieux ni crédible de vouloir faire croire à l’opinion ce genre de thèse. Je voudrais dire de la manière la plus formelle que je ne peux être tenu responsable des violences survenues au Kasaï, ni de la mort des experts des Nations unies et encore moins de celle du chef Kamuina Nsapu. Il n y a aucun intérêt pour ma personne et pour mon mandat de participer à des telles entreprises.
Disposez-vous, vous qui êtes originaire et élu de cette région touchée par le mouvement Kamuina Nsapu, d’informations sur les auteurs de ces massacres de civils?
Comment pourrais-je connaître les auteurs si une enquête indépendante et crédible ne se met pas en place pour établir les responsabilités. En revanche, comme tout le monde, bien évidemment, j’étais au courant des violences qui y régnaient. Et en ma qualité d’élu, vous pensez bien qu’à plusieurs reprises j’ai pris le soin d’avertir les autorités gouvernementales sur les risques qu’encourraient nos populations si rien n’était fait.
Et alors. Certains ont-ils réagi?
Non.
On parle de plus de 40 fosses communes? Un autre élu de la région, M. Sessanga, a chiffré à plus de 3300, le nombre de victimes de cette rébellion? Que pensez-vous de ce chiffre?
Un mort, c’est déjà de trop. Plus de 3300 c’est une horreur et un drame humain. A mon humble avis, au vu de l’extrême gravité des horreurs subies par les pauvres gens de cette partie du pays dont je suis originaire, il est impérieux d’imposer d’urgence la mise en place d’une enquête indépendante. Il faut établir les responsabilités. La justice doit savoir. Les familles des victimes doivent savoir. Les responsables doivent être punis.
Pensez-vous que vous pourrez être entendu en RD-Congo?
Je pense sincèrement que la vérité doit être établie non seulement en RD-Congo mais aussi en dehors. Pour être franc avec vous, au regard de la dimension prise par cette affaire et de l’intérêt qu’elle représente pour tout le monde, des Nations unies aux familles des victimes en passant par les organisations des droits de l’homme ou l’Union européenne, il me semble indispensable d’associer les experts des Nations unies à cette enquête. L’implication, voire la direction de cette enquête par ces experts aura le mérite de donner plus de crédibilité et d’offrir un gage d’indépendance. Moi aussi j’ai soif de vérité et de justice. Je suis triplement victime dans ce dossier. Ma circonscription électorale a été terriblement touchée par ces violences, mon chef coutumier a été assassiné et je suis pointé du doigt comme le responsable de tout. Ma famille en souffre. Le nom de ma famille a été souillé dans cette macabre affaire. Il y a une volonté de me faire endosser une responsabilité qui n’est pas la mienne. Je ne l’accepterai jamais. C’est pour cette raison aussi que j’appelle les experts des Nations unies à jouer un rôle primordial dans cette enquête. Toute la lumière doit être faite. Les coupables doivent être confondus.
afrique.lalibre.be
*Le titre et le chapeau sont d’AfricaNews
 

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