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Comment Matata a chiffonné Mbuji-Mayi

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Alors qu’il a foulé pour la toute première fois le sol de Mbuji-Mayi depuis sa nomination au poste de Premier ministre, Matata Ponyo n’aurait fait que deux heures dans la ville diamantifère avant de reprendre son avion pour Kindu, suscitant consternation et indignation de la population locale, confient des témoins
Que représente vraiment le «Congo profond» pour le Premier ministre Matata? Il se résume à la ville de Kindu, ironisait un compatriote samedi dans l’avant-midi sur Twitter, faisant ainsi allusion à une absence totale du Chef du gouvernement dans le reste du pays, hormis ses visites régulières, presque tous les weekends à Kindu, chef-lieu de la province du Maniema dont il est originaire. En effet, ce Twitto ne croyait pas avoir aussi bien dit les choses car, pendant ce temps, le PM se trouvait à Mbuji-Mayi, invité par le diocèse de cette ville qui fêtait son cinquantenaire.
Seulement, le Premier ministre qui foulait pour la première fois le sol de Bakwanga après près de 5 ans à la Primature s’est juste contenté de quitter l’aéroport de Bipemba jusqu’à la cathédrale de Bonzola -lieu de la messe- puis deux heures plus tard, reprendre le chemin de l’aéroport afin de regagner la ville de Kindu. Incompréhensible pour les notables ainsi que la population locale qui attendaient cette occasion afin d’échanger avec leur hôte sur les grands maux dont souffre leur province. Un grand rendez-vous manqué, car le PM avait choisi de filer à l’anglaise…que mettre son séjour de quelques heures seulement à écouter les doléances d’une ville pour laquelle il ne semble éprouver aucune sympathie.
Comment peut-on être Premier ministre de 80 millions de RD-Congolais éparpillés dans 26 provinces étendues sur 2.345.000 km2 et prétendre appliquer la politique du gouvernement uniquement à partir de Kinshasa, sans palper du doigt les réalités du «Congo profond»? La réponse se trouve sans nul doute dans l’inadéquation entre le choix des politiques sociales et économiques du gouvernement et les attentes réelles de la population, conséquence logique d’une gestion comparable à un pilotage automatique. Quand le Premier ministre parle stabilité du cadre macroéconomique et croissance à deux chiffres, à Mbuji-Mayi, c’est une crise aiguë et la population crie la famine.
La ville est asséchée comme jamais auparavant, manquant d’infrastructures viables avec un pouvoir d’achat quasi inexistant, l’unique principale source de revenus, la MIBA, considérée jadis comme une vache à lait ou la poule aux œufs d’or, étant aujourd’hui en lambeaux, abandonnée à son triste sort. Une situation qui pousse certains à croire en une thèse de complot qui viserait à anéantir totalement la province d’origine d’Étienne Tshisekedi, réputée opposante au Président Kabila. Vraiment? C’est peut-être exagéré. Mais est-il que la province diamantifère n’a pas bénéficié d’une attention particulière durant ces dernières années, alors qu’il y a peu, elle était parmi les deux plus grands contributeurs au budget de l’Etat.
Malheureusement, lorsqu’elle a enfin l’occasion de rencontrer Matata Ponyo, l’homme qui pilote et exécute le projet de gouvernance sur base duquel les Est-Kasaiens et Mbuji-Mayiens ont élu le Président Kabila, ce dernier préfère filer à l’anglaise, refusant tout contact formel avec les forces vives, qui l’attendaient avec impatience.
Selon des témoins, l’allocution du Premier ministre au cours de la messe qu’il a d’ailleurs quittée sans qu’elle n’arrive à son terme n’a même pas duré 3 minutes. L’homme était visiblement très pressé, regard figé sur sa montre. Pressé de quitter cette ville qui lutte pour sa survie parce que fortement menacée de disparition par des terribles érosions qui la rongent depuis plusieurs années. Pressé de regagner Kindu reconstruite et relookée à vue d’œil durant ces 4 dernières années comme elle ne l’avait jamais été depuis sa création, et attire plus que la crasseuse Mbuji-Mayi.
«Pendant que toutes les autres provinces sont privées de la rétrocession, le Maniema reçoit mensuellement et indûment l’enveloppe d’USD 25.000 millions», accusait un élu de l’Equateur. Une supercherie qui porte la signature de Matata. Mais on comprend vite pourquoi! A cette allure, le Kasaï Oriental ainsi que toutes les autres provinces oubliées ou marginalisées devraient attendre que l’un de leurs soit à la tête du gouvernement afin qu’elles soient, elles aussi, dans les bonnes grâces.
Un PM accro à ses luxueux bureaux
Depuis sa nomination à la tête du gouvernement, Matata Ponyo vient de vivre sa plus longue tournée en provinces, loin de ses luxueux bureaux de la Primature, non sans peine. Au bout de 5 jours passés à Lubumbashi dans le Haut-Katanga où il était dans la suite du Président de la République en attendant un déplacement à Kalemie, le Premier ministre s’agaçait déjà. Il aurait même confié à un proche qu’il s’ennuyait grave de passer autant de jours loin de la gestion réelle et directe à Kinshasa. A voir dans quel cadre travaille le PM à Kinshasa, on comprend tout de suite pourquoi il s’en fout d’aller mordre de la poussière en provinces comme le fait pourtant régulièrement le Président de la République.
Logique que Kabila le fasse peut-être, parce qu’il a un mandat populaire et est donc redevable vis-à-vis de ceux qui ont voté pour lui, ce qui est loin d’être le cas pour le Premier ministre. Un bémol qui n’a pas empêché les réactions de se multiplier. Sur place à Mbuji-Mayi, la tonalité a oscillé entre consternation et indignation. «Chacun a le droit d’aller où il veut et y passer autant de temps qu’il veut. Mais un Premier ministre de la République ne se rend pas dans une ville, dans une province, pour la première fois pour y passer deux heures et ignorer superbement la population. Cela frise le mépris», s’indigne un syndicaliste de la MIBA. «Le Premier ministre Matata donne l’impression que toutes les provinces ne sont pas logées à la même enseigne», lance un enseignant chiffonné. Deux heures à Mbuji-Mayi et aucune visite à la MIBA ni dans les installations de la SNEL ou de la REGIDESO alors que la ville a des problèmes d’eau et d’électricité, l’attitude de Matata a endolori, froissé les populations locales.
Sur Twitter, le débat de l’absence du Premier ministre dans l’arrière-pays a pourtant été lancé sans savoir ce qui se passait au même moment à Mbuji-Mayi. @bensum_2012 écrivait: «un bon PM devrait circuler dans tous les chefs-lieux des provinces lors de ses premiers 6 mois à la primature @Mapon_Matata». Voilà qui a suscité une avalanche de réactions de compatriotes désireux de voir Mapon plus sur le terrain que camper dans ses bureaux de la Primature, y chantant stabilité aujourd’hui aléatoire du cadre macroéconomique. «…lui -le Premier ministre, NDLR- circule dans le jardin de l’@PrimatureRDC», renchérit @onassismutombo, avant d’être appuyé par @Bensum_2012: «…il -le Premier ministre, NDLR- doit circuler pour s’imprégner du quotidien de sa population». Et d’ajouter: «il est triste de constater que Mbuji-Mayi, sur les 20Km de routes prévus par les chinois, rien qu’un seul petit kilomètre a été construit…l’aéroport de Mbuji-Mayi, beaucoup fréquenté mais négligé par rapport à celui de Kindu. Le PM ne devait même pas y aller par respect». Une amertume bien exprimée, que le Premier ministre doit avoir lue, même s’il a presque déserté Twitter peu après le lancement de la 4ème édition du tour cycliste à Kisangani, que Matata a dû visiter pour la circonstance.
Henry Mbuyi

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