Pour Serge Kadima, cadre du PPRD et communicateur de la MP, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu et donc le problème de délai ne se pose pas. Ce que contredit Me Michel Eboma, conseil juridique d’Etienne Tshisekedi, qui affirme que le délai dont il est question dans la constitution est de 3 mois qui précèdent la fin du mandat du président actuel et ne doit plus être dépassé
Entre l’Union pour la démocratie et le progrès sociale -UDPS- et le Parti du peuple pour la reconstruction et le développement -PPRD-, parti phare de la Majorité présidentielle -MP, les violons sont loin de s’accorder. Les deux camps n’ont pas la même interprétation de quelques articles de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour. La pomme de discorde reste l’explication et la compréhension des articles qui parlent de mandat présidentiel. Selon l’UDPS Michel Eboma, nul n’a le pouvoir d’être au dessus de la Constitution de la République même s’il s’appelle la Cour constitutionnelle. «Donc, comme la Constitution stipule que le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois, dépasser ce délai c’est tomber dans l’illégalité et l’inconstitutionnalité», a-t-il fait savoir au cours de l’émission Deux sons de cloche, vendredi sur le plateau de la Radiotélévision nationale congolaise -RTNC. Selon ce cadre de l’UDPS, ne pas organiser les élections dans les délais impartis constitue une violation de la Constitution. Serge Kadima, cadre du PPRD et communicateur de la MP ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’investiture du président qui sera élu. Une façon de dire qu’au cas où l’élection présidentielle ne serait pas organisée par la Commission électorale nationale indépendante -CENI, le chef de l’Etat actuel continuera à diriger le pays, cela ne constitue pas une violation de la constitution.
A cette époque cruciale où le peuple RD-congolais est en attente de l’organisation des élections à tous les niveaux, le débat politique intéresse tout le monde tant qu’il est vrai que la population doit être non seulement informée de ce qui se passe mais aussi amenée à connaitre et comprendre comment les lois de la République sont soit foulées aux pieds, soit appliquées à la lettre. Et la presse est mieux indiquée pour assurer la communication des acteurs politiques au peuple qui doit les sanctionner au moment opportun.
La tâche incombe aux partis politiques, appelés à concourir à la conquête du pouvoir politique en vue de le conserver le plus longtemps possible, dans le but du développement et du mieux-être de la population.
Dans cette optique, l’UPDS, fille ainée de l’Opposition RD-congolaise, et la Majorité présidentielle, actuellement détentrice du pouvoir d’Etat, se font une guerre des idéologies à travers les médias. Qui croire? «Celui qui défend la Constitution et qui l’applique à la lettre et non celui qui foule aux pieds les lois du pays», répondent les analystes politiques.
L’organisation des élections présidentielle et législatives nationales en 2016 dans les délais constitutionnels, la question fait débat et les leaders politiques se battent bec et ongle pour obtenir l’adhésion de la population à leur cause.
Invités sur le plateau de la télévision nationale le vendredi 1er avril dans l’émission Deux sons de cloche animée par notre consœur Nancy Odia Nyango, Me Michel Eboma, conseiller juridique d’Etienne Tshisekedi, et Serge Kadima, communicateur de la Majorité présidentielle, se sont livrés la dure bataille d’interprétation de quelques articles de la Constitution. Chacun a tenté de tirer la couverture de son côté et de faire triompher sa thèse.
Le premier paragraphe de l’exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006 est clair: «Depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des Institutions et de leurs animateurs. Cette contestation a pris un relief particulier avec les guerres qui ont déchiré le pays de 1996 à 2003».
Et de poursuivre au 2ème paragraphe: «En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique et de la Société civile, forces vives de la Nation, réunis en Dialogue intercongolais, ont convenu, dans l’Accord Global Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle Constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles».
Oui, en 2006 et 2011, ces élections ont eu partiellement lieu bien qu’émaillées par quelques couacs. Si au niveau des élections présidentielle et législatives le défi a été relevé en 2011, au niveau des élections provinciales, à savoir députés provinciaux et gouverneurs ainsi qu’au niveau du Sénat, ces élections ont été étouffées et au niveau local, aucune élection n’a été organisée depuis 2006 à ce jour.
Selon Me Michel Eboma, «nul n’a le pouvoir d’être au dessus de la Constitution de la République même s’il s’appelle la Cour constitutionnelle». Le conseiller de Tshisekedi pense que la question du délai Constitution est déjà résolue par la Constitution dont l’article 70 dispose: «Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu».
Commentant cet article, Me Eboma note que le délai évoqué à l’alinéa 2 est de 3 mois étant donné qu’à l’article 73, il est dit: «Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice».
Ce qui fait dire à ce haut cadre de l’UDPS que ce délai de 3 mois est appelé délai domestique et protocolaire. «Ce délai va aider le Président élu et celui sortant à harmoniser les dossiers de passation de pouvoir et de regroupement familial. Dans le cas d’espèce, la prochaine élection présidentielle devait avoir lieu en septembre 2016 pour être conforme à la constitution», souligne Eboma, précisant qu’aller au delà de ce délai, c’est violer tout simplement la Constitution de la République. «Nous devons aimer notre pays et dire la vérité au peuple congolais», insiste-t-il.
Serge Kadima, cadre du PPRD et communicateur de la MP, n’est pas de cet avis. Pour lui, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’investiture du nouveau président qui sera élu. Une façon de dire qu’au cas où l’élection présidentielle ne serait pas organisée par la Commission électorale nationale indépendante -CENI, le chef de l’Etat actuel continuera à diriger le pays même si le délai constitutionnel serait dépassé. Il puise son argumentaire du 2ème alinéa de l’article 70 qui stipule: «A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu». La MP en est déjà expérimentée avec les membres des Assemblées provinciales, les gouverneurs de provinces ainsi que des Sénateurs élus en 2006 et dont les mandats avaient pris fin en 2011, mais qui ont continué à exercer leurs fonctions jusqu’à ce jour tout simplement parce que la CENI n’avait pas organisé des élections.
La MP va-t-elle rééditer cet exploit de dépassement des délais constitutionnels pour les élections présidentielles et législatives 2016 au motif que la CENI se propose de saisir la Cour constitutionnelle pour obtenir la prolongation? Du côté de l’Opposition, la pression monte pour le respect du délai constitutionnel. Peut-être, le dialogue tant réclamé reste la seule voie de sortie à la crise politique actuelle en RD-Congo.
Octave MUKENDI
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