Dossier à la UneNation

1994 : Macron tait la part de responsabilité de Paris

Autant la France a travaillé pour renouer avec Kigali, autant elle doit rassurer la République Démocratique du Congo en contribuant à toutes les solutions objectives susceptibles de mettre fin aux cycles de violences et de guerre en vogue depuis l’entrée dans l’ex-Zaïre des membres du régime Habyarimana en 1994 sur demande, entre autres, de Paris

Contre toute procédure communicationnelle en matière de conférence de presse qui voudrait que les animateurs répondent aux questions des journalistes pour fixer l’opinion publique sur des dossiers brûlants, le président français Emmanuel Macron et son homologue RD-congolais Félix Antoine Tshisekedi, ont transformé leur conférence de presse en ring de boxe verbale sans se toucher. Ils se sont donné des coups intellectuellement, chacun cherchant à l’emporter sur l’autre sous la barbe des journalistes.

Le duel verbal de deux chefs d’Etat s’est déroulé dans un amphithéâtre chargé d’histoire, à savoir le Palais de la Nation. C’est là que Patrice Lumumba, héros de l’indépendance, prononça son réquisitoire violent contre la colonisation belge, en présence du roi Baudouin, et que l’indépendance fut proclamée le 30 juin 1960. 63 ans après, le président Tshisekedi y règle les comptes à la France dont le président a vite réagi. «Regardez-nous autrement, sans regard paternaliste!», assène le président RD-congolais Félix Tshisekedi. Et Emmanuel Macron réplique: «On part d’un nouveau pas!».

Le président Tshisekedi enchaine: «Si la France veut être aujourd’hui en compétition avec tous les autres partenaires de l’Afrique, elle doit se mettre au diapason de la politique africaine et de la manière dont les peuples africains regardent désormais les partenaires de coopération». Son homologue français rétorque: «Depuis 1994, et ce n’est pas la faute de la France, pardon de le dire dans des termes aussi crus, vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté, ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative, de votre pays. C’est aussi une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur de cette affaire».  Clash! Emmanuel Macron a tenté de passer pour un donneur de leçons auprès de son hôte, mais il est rattrapé par l’histoire.

Lourde responsabilité historique de la France

Les propos de Macron ont remué le couteau dans la plaie. Des analystes et communicologues RD-congolais font remonter à la surface la responsabilité historique et la complicité de la France dans le drame qui endeuille la RD-Congo depuis plus de deux décennies.

Sur sa page Facebook, Didi Mitoveli, donne une piqûre à la France. «Paris soutient le régime d’Habyarimana; celui-ci est renversé plus tard par les hommes de Kagame… C’est la débandade sur fond de massacres des Tutsis et des Hutus modérés -on ne le dit pas assez», écrit-il. Nous sommes en 1994.

«Noyée au sein des populations fuyant ces atrocités, l’armée défaite d’Habyarimana se présente aux portes de Goma. Paris contraint le régime de Kinshasa de l’accueillir. Et depuis, la guerre n’a plus jamais quitté l’Est congolais.  Pour le nouveau pouvoir de Kigali, il faut à tout prix poursuivre les génocidaires pro-Habyarimana. C’est la version officielle. Pour les groupes d’auto-défense congolais, c’est un prétexte aux visées expansionnistes de Kagame qui veut garder la main sur les richesses du sol et du sous-sol congolais», rappelle Didi Mitoveli.

Selon lui, un safari d’un genre particulier prospère voilà un peu plus de deux décennies, attirant jusqu’aux multinationales occidentales, généraux sans foi ni loi de l’armée congolaise et seigneurs de guerre de la pire espèce. «Et Paris qui a longtemps souffert du syndrome de culpabilité dans le génocide rwandais, a finalement choisi de soutenir Kigali. C’est la realpolitik paraît-il! Entre-temps, des civils congolais sont massacrés par centaines de milliers depuis 1994 du fait d’une guerre venue d’ailleurs. Le silence de la Communauté Internationale est assourdissant», fustige-t-il.

Hypocrisie occidentale

Pour Didi Mitoveli, autant Kinshasa doit, en mettant en place une bonne gouvernance, quitter la zone du «non-État» ou de l’ «État néant» évoqué autrefois par ce ministre belge des Affaires étrangères parlant cash sous Kabila; autant Paris doit reconnaître son appui déclaré ou subtil aux tyrannies de l’Afrique francophone. Et ne pas à chaque fois s’en laver les mains comme Ponce Pilate! «C’est cette hypocrisie hexagonale qu’affichait déjà Charles de Gaulle au moment où son ténébreux conseiller Afrique commanditait coups d’État et assassinats sur le continent. D’où vient alors que les zones où l’on parle français sur le continent soient aujourd’hui caractérisées par la pauvreté, le hold-up électoral et les coups d’État à répétition?», se demande, t-on.

«Il est finalement un tas de choses que Kinshasa doit faire pour être prise au sérieux à travers le monde. Il est aussi des choses que Paris ne doit pas faire, même si l’on a hérité d’un vaste empire colonial», conclut Mitoveli.

L’opinion se souviendra que, Nicolas Sarkozy, prédécesseur d’Emmanuel Macron, avait lâché une phrase qui avait énervé les RD-congolais lors de sa visite en Afrique, à savoir: «La RDC doit accepter de partager ses richesses avec ses voisins». Aujourd’hui, la RD-Congo vit un génocide oublié, avec 12 millions de morts. Les rapports Mapping et autres le démontrent noir sur blanc. Aujourd’hui le Rwanda est pris la main dans le sac car les experts de l’ONU ont produit un rapport attestant la présence des troupes rwandaises aux cotés des terroristes du M23.

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