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Le SMS ou texto, un jargon désignant le message écrit envoyé via un téléphone cellulaire serait-il en train de menacer l’orthographe et la grammaire française? A ce jour, jeunes comme adultes y recourent pour communiquer en écrivant peu de mots avec plus de célérité. «T où? -tu es où-, J s8 dsl -pour dire je suis désolé»-nombreux sont ces messages écrits dans un français approximatif difficile à comprendre. Pour expliquer ce phénomène, «AfricaNews» a rencontré Madame Adèle Mbuyi Mutombo, chef des travaux de l’Expression orale et écrite à l’Institut supérieur pédagogique -ISP.
Avec la montée des nouvelles technologies de l’information et de la communication, surtout la téléphonie portable, est née une nouvelle forme d’écriture. Les Short messager service -SMS-, appelés également textos, traduisent, selon certains, une créativité provoquée par une nécessité d’écrire rapidement et brièvement. D’autres soutiennent que, dans un contexte marqué par une baisse générale du niveau de l’usage correct de la langue française par les RD-Congolais, ces SMS constituent une véritable menace pour la langue de Voltaire. L’usage de ce court message est ainsi en vogue surtout chez les jeunes qui, pour communiquer par écrit, n’ont plus besoin de recourir au français classique, avec tout ce que cela comporte comme rigueur.
Ils usent de leur imagination pour créer un nouveau vocabulaire dérivé du français. Vocabulaire alliant l’abréviation des mots ou des chiffres pour traduire leurs pensées. Ainsi, les messages deviennent courts et ne tiennent compte ni des règles grammaticales, ni d’orthographe, ni de conjugaison, etc. Tous les moyens sont bons pour se faire comprendre, quitte à tordre les règles élémentaires de la langue. Certaines personnes affirment que ce nouveau code d’orthographe, pure invention des jeunes sous d’autres cieux où le français est très usité, procure des gains d’espace, de temps et de crédits. Sony Renedi Tshiyuka, élève de 5ème Math-physique, affirme utiliser fréquemment les SMS pour communiquer avec ses amis. «C’est une forme d’orthographe très pratique entre jeunes. J’utilise des abréviations propres aux jeunes branchés pour dialoguer avec mes amis», confirme-t-il dit.
Destruction de la formation des étudiants
Adèle Mbuyi Mutombo, chef des travaux à l’ISP, estime que ce nouveau langage est dangereux pour les jeunes. «Ces abréviations sapent les capacités de bien écrire des étudiants. Déjà, ils éprouvent de graves difficultés d’orthographe», s’inquiète le chef des travaux qui ajoute qu’il est, à ce jour, malheureux de constater que les étudiants et mêmes ceux qui dispensent les cours à des degrés divers, s’accommodent avec ce nouveau code d’orthographe avec le téléphone cellulaire. «Cette dérive langagière fait que la formation des étudiants soit détruite. Beaucoup d’étudiants qui prétendent être détenteurs de master, sont en fait analphabètes. Lorsqu’on ne maitrise pas la grammaire, l’orthographe pose problème», martèle l’intéressée.
Au niveau de l’enseignement supérieur, le programme a prévu en premier graduat des cours sur l’expression orale et écrite, dans le but de ramener tous les étudiants à des niveaux compatibles avec la bonne expression de la langue française. S’agissant du jargon, Adèle Mbuyi Mutombo considère qu’il n’y a pas de code universel ou standard. «Chacun écrit à sa façon», commente-t-elle. De plus, trois éléments essentiels sont pris en compte dans le jugement de la norme d’une langue, poursuit-elle. D’abord sur le plan syntagmatique, c’est-à-dire le respect de la structure de la phrase; ensuite au niveau du lexique avec l’utilisation des mots usuels, enfin sur le plan sémantique avec la cohérence du discours. Toutefois, les non-initiés se perdent facilement devant le langage SMS codé. Surtout la plupart de parents qui restent dubitatifs devant ces conversations incompréhensibles.
Des SMS à la sténographie en écrasant les abréviations conventionnelles
Avec cette nouvelle forme d’orthographe, beaucoup de jeunes font preuve de créativité. Toutes les fantaisies sont permises. L’essentiel, c’est de se faire comprendre. «Les SMS, c’est la langue parlée transcrite. Je ne respecte pas le vocabulaire. L’écran d’un portable n’est pas une feuille de lettre, en termes d’espace. Un SMS, ce sont juste quelques phrases. Donc, il faut trouver des astuces qui permettent de s’adapter au portable», confie Sony Renedi Tshiyuka. Écrire les SMS de cette façon permet selon certains de gagner de l’espace, du temps, mais aussi du crédit.
Christelle Benzuka, une adepte des SMS, fait remarquer que «lorsque le message est long, il est facturé pour le prix de deux messages ou même trois. Des fois, un message très long n’arrive pas à destination». Lynn Samba, étudiante à l’Université de Kinshasa, avoue que lorsqu’elle veut écrire un texte, elle utilise des abréviations. Un moyen pratique et rapide de transmettre un message. Le problème est sérieux. Les professeurs des cours de français ont en horreur ces raccourcis pris par la plupart de jeunes dans leurs communications. C’est à croire que la sténographie où il est conseillé d’écrire ce que l’on entend sans tenir compte de l’orthographe serait revenue en force sous une autre forme, écrasant même les abréviations conventionnelles utilisées dans les télégrammes d’antan. Le débat reste ouvert.
Frezia KABAMBA
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