Alors que d’aucuns estiment que Me Lema s’est éclipsé de la scène artistique tant au pays qu’à l’extérieur, l’homme reste toujours attaché à son travail. Pinceaux, couteaux, toiles, peintures acryliques… Lema ne s’en sépare presque jamais
Enseignant à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, le peintre Lema Kusa puise son inspiration de l’observation de différentes scènes de la vie quotidienne. Partout où il est, il pense, observe et participe. Ces éléments lui permettent de réfléchir, d’enrichir ses idées, puis de les imprimer sur une toile. C’est cela sa démarche artistique. A la faveur d’un entretien, Lema affirme qu’une œuvre d’art n’est jamais totalement terminée. Tout artiste trouve toujours quelque chose à y ajouter. La liberté est là. A l’en croire, chacun se prononce et interprète à sa manière, soit en apportant même un regard contraire à celui de l’auteur parfois enrichissant. Il estime que les artistes RD-congolais, peu importe la discipline, devraient foncer davantage et bien faire afin de hisser encore plus haut l’étendard du pays.
Me Lema confie que dans ses créations, si l’idée est précise, il commence d’abord, comme tout peintre, par dessiner et préciser différents éléments. Au cas contraire, il passe son temps à rêver ou dormir devant sa toile avant de la salir par différentes couleurs -ce qui est son principe de prédilection- pour aboutir à une précision. Un peintre, faut-il le reconnaitre, part toujours de quelque part, soit d’une tache de couleurs, afin de recourir à certaines techniques. «Le monde artistique est extraordinaire, parce que chaque chose est vivante et elle vous parle en même temps. Ce dialogue vous permet d’enrichir ce que vous avez pensé au départ», se flatte-t-il. Les impressions et critiques des visiteurs qu’il accueille dans son atelier lui ouvre certaines voies à prendre dans l’enrichissement et l’amélioration de son œuvre. Méticuleux, Me Lema analyse toujours différents points de vue pour ne pas perdre les bonnes idées de l’artiste. Dialoguer avec le créateur est un crédo de Lema Kusa. Un peu surprenant. Il argumente: «Il n’y a qu’un seul créateur. Nous, les artistes, ne sommes que des interprètes. Souvent plusieurs images que nous traduisons dans nos toiles -personnage, arbre, les nuances de couleurs, etc.- ont été déjà créés. Rien n’est nouveau sur la terre. Erreur aux artistes… qui prétendent être des grands créateurs». Pour lui, l’artiste n’est qu’interprètes!
Alors que d’aucuns estiment que Me Lema s’est éclipsé de la scène artistique tant au pays qu’à l’extérieur, l’homme reste toujours attaché à ce travail malgré qu’il combine avec de multiples occupations. Pinceaux, couteaux, toiles, peintures acryliques… Lema ne s’en sépare presque jamais. Un tour chez lui suffit pour s’en rendre compte.
Après des décennies, le peintre Lema garde la même motivation, le même engagement, la même discipline, et surtout le même souci: celui de proposer au public, admirateurs du beau, des œuvres de qualité. «Je suis présent sur la scène. Au départ pour un jeune artiste, c’est tout à fait normal de faire du bruit dans le but de se faire connaitre. Ce qui n’est pas vraiment le cas pour nous. Lorsque les gens connaissent l’endroit où bien manger et calmement, ils n’attendent pas l’invitation. Ils viennent. C’est un peu notre cas», argue Me Lema Kusa, précisant qu’il lui arrive très souvent de vendre ses œuvres dans son atelier ou dans différentes expositions auxquelles il participe.
Art, une longue tradition en RD-Congo
Nostalgique, Lema remue la flamme d’un passé pas si lointain, l’époque de Mobutu, où les artistes occupaient une très bonne place. Leurs créations étaient reconnues et soutenues. Presque tout a changé aujourd’hui. Quelques rares de fois, signifie ce peintre, certains acteurs politiques apportent leurs regards. Il cite l’ancien Premier ministre Matata Ponyo qui a organisé des expositions dans les jardins de la Primature et commandé des œuvres pour orner l’hôtel du gouvernement. Lema Kusa s’en félicite, surtout que faire une exposition actuellement n’est pas très indiqué compte tenu du contexte sociopolitique. Qu’à cela ne tienne, Me Lema n’hésite pas à partager son expérience avec la génération montante. Il est fier du dynamisme dont certains jeunes artistes font preuve, occupant le devant de la scène au pays et ailleurs.
Pour le peintre Lema, en RD-Congo, l’art occupe une place de choix. C’est une longue tradition. La culture ancestrale en dit bien plus. «Au-delà des difficultés du moment, l’artiste RD-congolais ne mourra pas maintenant», avance-t-il. Et de poursuivre: «le RD-Congolais a une bonne et longue tradition culturelle peu importe la discipline artistique. La RD-Congo est parmi les pays d’avant-garde africain. Je crois que les artistes RD-congolais ont la chance d’avoir cette nationalité. Parce que ce grand pays est potentiellement riche en tout. L’homme RD-congolais est une richesse. L’artiste qui a compris son rôle ne meurt jamais de faim». Me Lema recommande aux artistes de foncer et de bien faire et surtout hisser plus haut encore l’étendard du pays. «L’artiste qui saura exécuter des œuvres nobles dans le but d’inspirer un idéal de grandeur à son peuple est l’homme qui répond, dans la mesure de ses dons, aux nécessités de son époque et aux problèmes qui se posent au sein de son peuple», dixit Cheikh Anta Diop. Me Lema partage totalement cette pensé en invitant ses paires à y réfléchir.
Patrick NZAZI
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