Culture

Carine Pala: «Pour le 8 mars, fêtons sagement, pensons à toutes les femmes mortes lors des guerres et victimes des violations sexuelles»

La RD-Congo a remonté sa pente à la mode grâce entre autres, à Carine Pala, nutritionniste de par son cursus, styliste et modéliste dotée de talent de comédienne. Cette couturière RD-congolaise de renom alignant derrière elle une expérience riche de plusieurs années marquées par des voyages à travers le monde, a participé à des grandes compétitions dans différents pays notamment l’Italie, le Cameroun, la Corée du Sud, la Chine et la Côte d’Ivoire. «La mode actuelle a évolué par rapport à celle de la deuxième République», a souligné Carine Pala lors d’une interview accordée à «AfricaNews». En ce mois dédié à la femme par les Nations unies, Carine Pala a estimé que les célébrations ne doivent pas se limiter seulement au port du pagne, mais les femmes doivent faire mieux pour apporter leur pierre à l’édifice qu’est la RD-Congo. Entretien.
Comment êtes-vous devenue modéliste?
Je dirai que ce métier est inné. C’est depuis mon enfance que j’ai toujours rêvé devenir modéliste de renom. Je suis passée à grande vitesse par faire les humanités nutritionnelles. Après avoir décroché mon diplôme d’Etat, pour accomplir le désir de mon cœur et réaliser mon rêve, je suis allée faire la Coupe et couture accélérée dans un centre de la place et, enfin, je suis allée perfectionner mon métier en Côte d’Ivoire et c’était parti.
Modéliste que vous êtes, pouvez-vous nous établir une différence entre la mode actuelle et celle de la deuxième République?
La mode a beaucoup évolué. Dans l’ancienne époque quand nos mamans partaient dans des lieux de deuil ou de fête, on constatait qu’elles s’habillaient souvent en pagne avec un modèle simple communément appelé «Popo» et ça ne donnait pas vraiment un aspect remarquable. Nos ainées lors de leurs mariages coutumiers, elles s’habillaient en camisole et deux pagnes. A cette époque, la mode n’était pas vraiment prise en considération comme aujourd’hui. Or, actuellement, la mode a pris un autre volet. Elle a évolué. Vous constaterez qu’aujourd’hui, quand nous nous rendons dans des fêtes ou aux deuils, les gens sapent comme pas possible. Les mêmes pagnes utilisés dans l’ancien temps pour des modèles simples sont aujourd’hui cousus en plusieurs façons quand ils passent entre les mains des modélistes ou stylistes qui en donnent une certaine forme. Aujourd’hui, le mariage coutumier n’est plus comme avant, on préfère remettre beaucoup d’argent au couturier pour que les mariés s’habillent bien. Donc, la grande différence est que, pendant la deuxième République, la mode n’était pas prise en considération comme aujourd’hui.
Quelle importance Carine Pala accorde-t-elle à la mode?
Personnellement, j’accorde beaucoup d’importance à la mode. En tant qu’êtres humains, nous sommes appelés à couvrir notre corps. Que tu sois papa, maman, enfant, riche ou pauvre, tout le monde doit s’habiller. C’est pourquoi je fais toujours de mon mieux pour valoriser mon travail. Je ne cesse de créer mes catalogues et d’aider les autres à émerger dans la couture.
Quelle place la mode occupe-t-elle en RD-Congo par rapport au développement social?
Je suis sûre et certaine que par rapport au développement social dans notre pays, il y a beaucoup à faire du coté de la mode. Nous constatons qu’il n’y a pas assez d’associations mises en place par rapport à la mode comme nous les trouvons ailleurs. Aujourd’hui, j’occupe une grande place dans le CMSCO qui est un collectif des modélistes et stylistes RD-congolais. Une bonne initiative, un grand collectif de grande vision mais qui manque d’appui voire des membres. J’ai comme l’impression que notre pays accorde moins d’importance à la couture pourtant les gens veulent être chics en s’habillant convenablement.
Quel est le secret de votre réussite dans le domaine de couture?
Mon premier secret, c’est la prière car, mon élévation n’est venue ni de l’Orient, non plus de l’Occident mais plutôt de Dieu. Ensuite, l’amour du travail, suivi du respect de mes clients et des rendez-vous. Et je vous conjure que je ne baisse jamais les bras pour mes créations.
Avez-vous une idole dans ce métier?
«Na bima na ndenge na nga». Je ne reconnais pas avoir une idole dans ce métier. Sincèrement parlant, j’ai toujours été impressionnée par le savoir-faire de Madame Zahuwi, la responsable ivoirienne du Festival YEHE. Cette dame est remplie de dynamisme, elle a l’amour de faire part aux autres de sa connaissance. A part elle, je ne vois personne d’autre.
Parmi vos réalisations, laquelle vous laisse jamais indifférente?
Celle qui m’a le plus marquée, c’est la robe que j’ai confectionnée lors des funérailles de ma défunte mère laquelle j’ai baptisée «Maman eeh» en souvenir de ma regrettée mère. C’est un modèle que j’ai eu à confectionner qu’une seule fois dans ma vie.
D’où tirez-vous vos inspirations?
Mes inspirations proviennent de tout ce qui m’entoure. La nature est tellement riche que je me contente d’y puiser, surtout sur ce qui a déjà existé tout en apposant une touche particulière dans un souci d’innovation constante. Mais laissez-moi vous dire que souvent, mes songes et mes rêves m’aident à concevoir des modèles extraordinaires.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous confrontez souvent dans l’exercice de votre métier?
Les difficultés sont de plusieurs ordres. Cependant, je citerai entre autres, les tracasseries des agents de l’Etat pour la paie des taxes, les coupures intempestives d’énergie électrique sans oublier les caprices des clients qui parfois rendent le climat du travail désagréable.
Quels avantages tirez-vous de ce métier?
Ce métier me permet de survivre, aider ma famille, faire fonctionner mon ONGD et autres. Avec le peu que je gagne, je paie mes travailleurs pour qu’ils puissent, eux aussi, prendre en charge leurs familles respectives. Un autre avantage, c’est qu’aujourd’hui, j’ai la chance de parcourir le monde entier pour participer à des grandes compétitions de la mode, qui me font également l’une des fiertés de la RD-Congo.
En ce mois de mars dédié à la femme par l’ONU, quel message pourriez-vous apporter aux femmes RD-congolaises?
Je leur dis que ce mois de mars ne se limite pas seulement au port de pagne. En tant que femmes, nous devons commencer par connaitre le thème de cette année, travaillons par rapport à ça, revendiquons nos droits, apportons une pierre à l’édifice pour que le monde reconnaisse notre valeur. Pour la journée du 8 mars, fêtons sagement, pensons à toutes les femmes qui sont mortes lors des guerres et victimes des violations sexuelles et pensons aussi à la situation politique de notre pays. Ensemble avec les hommes, nous allons bâtir notre nation.
Propos recueillis par Audrey BOZENE

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