Guy Loando Mboyo, sénateur, avocat d’affaires,… l’homme a, dans la capitale RD-congolaise, une réputation de philanthrope grâce notamment des actions humanitaires menées à travers sa fondation «Widal». Ses critiques lui reprochent, presque tous, de se servir de sa fortune pour se tailler surtout une place de choix dans la sphère politique.
Certains trouvent que sa manière de faire se rapproche de celle de Moïse Katumbi Chapwe, le richissime politicien et patron du TP Mazembe. Cependant, lorsqu’on s’intéresser un peu plus à ce jeune sénateur et à ce qu’il fait, on découvre que le profil qu’on dresse généralement de lui dans les médias et les réseaux sociaux, ne lui rend pas exactement justice. Sur le plan politique et intellectuel, ce fils du Grand Équateur semble avoir davantage à donner.
Un coup d’œil attentif aux pages de «Le Congo d’après/Nécessité d’un changement de cap post-Covid-19», essai qu’il a publié aux éditions l’Harmattan en 2020, nous offre un bel aperçu de sa pensée. Cet ouvrage au titre interpellateur a, pour son auteur, comme objectif de faire comprendre que «c’est au tour de notre génération -Ndlr: les jeunes-, dans ce contexte d’après Covid-19, de saisir cette opportunité exceptionnelle pour repenser l’ordre de nos priorités, changer des paradigmes et de transformer en profondeur la RD-Congo». Dans le chapitre 3 de ce livre, Guy Loando invite clairement à «réinventer l’économie RD-congolaise». Car, pour lui, sa structuration actuelle laisse augurer des lendemains sombres. «Les impacts de la pandémie vont entraîner de fortes pertes d’exportation couplée à une chute vertigineuse du prix des matières premières», prédit-il. Guy Loando propose donc une série de solutions à même de permettre la transformation de l’économie RD-congolaise.
Primo: «Désiniser» l’économie RD-congolaise
Tenez. Avec 80% d’exportations minières, plus de 10 milliards d’investissement, plus de 80.000 emplois locaux créés, la Chine est un partenaire important de la RD-Congo. «Cette relation privilégiée est à maintenir à tout prix. Cependant, la forte dépendance à Pékin rend notre économie très vulnérable en cas de ralentissement de l’économie chinoise», signale Loando. D’où, argue-t-il, la nécessité de réduire cette dépendance. «Il faudrait mettre en œuvre des transformations structurelles de l’économie RD-congolaise afin d’augmenter la résilience économique et sociale des populations aux chocs extérieurs, tant du côté de la demande sociale en matière de santé, d’éducation, de formation et d’emplois que du côté de l’offre en biens et services, supposant la hausse des capacités productives dans leur ensemble», propose-t-il.
Secundo: Protéger et encadrer le secteur informel
Le secteur informel intervient à 70% dans les opérations économiques en RD-Congo. Avec la Covid-19, le secteur a été l’un des secteurs les plus touchés. Le sénateur Guy Loando pense que comprendre les dynamiques de l’informel est important pour les politiques afin de réaliser la transformation structurelle des économies et créer les activités plus productives et génératrices de croissance. «Même s’il présente certains aspects négatifs, le secteur informel est un levier de croissance en RD-Congo, une clé de développement», soutient-il. A l’en croire, il faut mieux maîtriser le secteur informel afin de réussir à l’intégrer dans l’économie formelle.
Tertio: Encourager les investissements directs de la Diaspora RD-congolaise
Cet avocat d’affaires juge également qu’il faudra contourner le déficit des investissements directs étrangers -IDE. Estimée à 10% en 2019, la baisse des IDE était déjà projetée de 25 à 40% pour l’année 2020. Pour pallier cette faiblesse, Guy Loando pense qu’il faut encourager les investissements directs de la Diaspora. «Les entrepreneurs de la Diaspora ont l’avantage de disposer d’une variété d’expériences et de savoir-faire, y compris en matière de gouvernance, acquis dans leurs pays d’accueil», lit-on dans son livre. Il y a cependant un grand travail à faire. Car, à ce jour, moins de 5% des transferts d’argent de la Diaspora RD-congolaise sont dédiés à l’investissement.
Il s’avère important d’«organiser les acteurs économiques de la Diaspora en une force d’action». «Le moment est venu pour la RD-Congo de rehausser sa relation avec sa Diaspora avec autant d’investisseurs, entrepreneurs et influenceurs potentiels qui peuvent aider à amortir les chocs actuels et à venir», couche-t-il. L’Agence nationale de promotion de l’investissement -ANAPI- y jouerait un rôle capital. Le sénateur lui donne davantage du grain à moudre. «Cela doit être une des stratégies primordiales de l’ANAPI et de la Cellule de climat des affaires de la Présidence de la République», écrit-il. Ce sénateur est convaincu que cette nouvelle approche passe par une connaissance plus élaborée et ciblée. Ce, du fait que la Diaspora est un monde à part avec ses opportunités, ses barrières et ses codes».
Quarto: Développer l’agriculture
Guy Loando considère le développement de l’agriculture comme une des solutions pour la transformation structurelle de l’économie. «Les mines ne sont pas éternelles. Un jour, il n’y en aura plus assez. Ainsi, il y a une impérieuse nécessité de penser à l’après mines, un après qui ne peut être qu’agricole au vu des enjeux de souveraineté et de sécurité alimentaire qui s’imposent», alerte-t-il. Le sénateur propose donc l’institutionnalisation d’un Campus agricole de la jeunesse -CAJ. C’est le moyen par excellence d’impliquer la jeunesse RD-congolaise dans le secteur agricole, croit-il. En effet, le CAJ serait un peu pareil au service militaire obligatoire mis en place dans certains pays. Il permettra d’assurer la disponibilité d’une main d’œuvre jeune et dynamique. «Ce qui est un levier efficace pour atteindre l’objectif d’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2025», fait-il remarquer.
Quinto: Industrialisation made in DRC
En plus de ces quatre propositions, Guy Loanda pense aussi qu’il faut non seulement bâtir un système financier viable mais également considérer l’urgence de l’industrialisation made in DRC. A ce jour, la contribution de l’industrie manufacturière dans le Produit intérieur brut -PIB- est inférieure à 20%. «L’objectif est de transformer la structure de l’économie en augmentant à terme le poids de l’industrie à plus de 25% du PIB pour créer de la richesse, des emplois et du savoir-faire», cogne-t-il. Si ce n’est pas un chef d’œuvre de la littérature moderne, «Le Congo d’après/Nécessité d’un changement de cap post-Covid-19» a au moins le mérite de mener une réflexion sur les impacts de la Covid-19 sur la vie économique de la RD-Congo, la gouvernance, etc. et de proposer des solutions pertinentes.Le sénateur Guy Loando, dont le livre s’adresse particulièrement à la jeune génération, ferait œuvre utile en ramenant cette réflexion dans les universités. Beaucoup estiment qu’il a plus à donner dans ce sens-là également.
Tino MABADA