Actualités

Smig: une manip signée Akwakwa

Le contour et le décor de l’annonce valent solennité. En RD-Congo, ce n’est pas chaque jour qu’un ministre se fait inviter pour s’exprimer dans une édition du journal télévisé. Jeudi 2 janvier, le «20 heures» de la télévision publique est spéciale, l’invité du journal n’est autre qu’Ephraïm Akwakwa, ministre de l’Emploi et travail, porteur, selon les mots du journaliste-présentateur, Gaëtan Magalano, d’une «bonne nouvelle pour les travailleurs RD-congolais». La bonne nouvelle concerne en fait le réajustement du Salaire minimum interprofessionnel garanti -SMIG. Ephraïm Akwakwa est heureux de livrer la primeur: le SMIG passe de 7.075 à 14.500 francs congolais.

Le ministre de l’Emploi affirme que la mesure a été prise après plus de 6 ans de plaintes et sur instruction du président de la République. «C’est un cadeau que le Chef de l’État offre au peuple RD-congolais et particulièrement à la masse laborieuse», explique-t-il, dans un contexte où les conditions de vie et de travail demeurent indignes dans le pays. En devise, cette hausse fait passé le SMIG de 2,48 à 5,08 dollars américains. Une augmentation au double, à première vue, qui, pourtant, ne l’est pas dans les faits. Avant l’arrêté n°24/012 de décembre 2024, le SMIG était régi par un décret datant de 2017 qui avait consacré une hause en trois étapes: 2358 francs au 1er janvier 2018, 4.716 francs au 1er juillet 2018 puis 7.075 francs au 1er janvier 2019. A l’époque où le décret a été pris, l’objectif était de ramener le SMIG à l’équivalent de 5 dollars américains, tel que voulu par l’Ordonnance n°08/040 du 30 avril 2008 portant fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti, des allocations familiales minima et de la contre-valeur du logement.

Le caractère pompeux de cette annonce, dont l’extrait a été posté sur les réseaux sociaux pourtant peu animés du ministère laissent sous-entendre un besoin de manipulation, suscitant ainsi des questionnements, alors que, pour plusieurs experts, ce réajustement n’est en rien une avancée mais bien une réadaptation au taux de change, prenant en compte la forte dépendance de l’économie RD-congolaise vis-à-vis de la devise américaine. Selon les calculs, les bénéficiaires de cet ajustement ne s’en tirent qu’avec un insignifiant avantage de 0,57 cents.

Conséquence, cette banale augmentation ne devrait en rien améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs, surtout ceux du secteur privé, dont la quasi-totalité est rémunérée en dollars américains. Le vrai débat, depuis 10 ans, dans les organisations de défense des droits des travailleurs consiste à majorer le SMIG pour avoisiner les 10 dollars américains, soit environ 250 dollars le mois. Une lutte qui tire son essence dans l’article 36 de la Constitution qui érige le travail en «un droit et un devoir sacrés» pour chaque RD-Congolais, obligeant l’État à garantir «une rémunération équitable et satisfaisante» pour assurer au travailleur et à sa famille «une existence conforme à la dignité humaine».

Aujourd’hui, la faiblesse du SMIG ne permet pas à la masse laborieuse de la RD-Congo, qui ne représente d’ailleurs que moins de 20% de la population active, selon des chiffres des organismes indépendants, d’assurer cette existence conforme à la dignité humaine. Des analyses qui réduisent l’annonce ronflante du ministre Akwakwa en un «mirage», une simple «mesure cosmétique», frisant la supercherie et le cynisme.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page