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Quand les règlements de compte à la Présidence hypothèquent la légitimité du régime (Tribune de Pierre Emmanuel Mulumba)

  1. L’investiture de Félix Tshisekedi comme Président de la République a été perçue par la population comme celle qui l’a conduite à la liberté en se libérant du joug «égyptien». Cela a pesé ensuite dans la rupture de l’alliance FCC-CACH. La population a frénétiquement applaudi ce symbolique retour aux valeurs et principes de la démocratie si longtemps confisquée avec intelligence par les opportunistes. Mais en réalité sa légitimité est bien antérieure au 18 décembre 2018. En effet, les élections ne sont venues que confirmer le succès de ce processus de légitimation incarnée par la longue et douloureuse épopée de Tshisekedi père ayant à ses côtés son fils. L’enjeu est donc dans la capacité de ce dernier de préserver cet héritage historique en bénéficiant des atouts d’autres pôles du pouvoir.
  2. Malheureusement, il se bouscule trop d’enjeux rivaux autour du Chef de l’Etat que les conflits d’intérêt trop divergents le plongent dans des arbitrages stériles pour la Nation en proie à plusieurs assauts et pas des moindres. Le trop plein de règlements de compte ont pour seul argument l’éthno-tribalo-clanicité. Ainsi hermétiquement fermé, l’espace présidentiel n’offre que très peu d’ouvertures à l’alternative d’idées et de compétences imposées et par la légitimité et la légalité du régime Tshisekedi. Pour preuve, la grand-messe de l’UDPS à Kisangani n’a été teintée que d’un spontané engagement patriotique à l’endroit de son Président du parti et du pays par une population dégraissée de tout chauvinisme et orgueil. Le tsunami UDPS est la combinaison de diversités locales de la Province Orientale démembrée rassemblées sous une seule et unique bannière du combat politique du Président de la République.
  3. L’heure est déjà aux préparatifs de transformation de la légalité institutionnelle en légitimité électorale. Surtout que la partie ne s’avère pas simple. Ce ne sont pas les règlements de compte au sein du carré présidentiel qui en constituent le gage. Le climat de peur et d’insécurité que déclinent ces conflits ont atteint leur point culminant en égratignant l’image de l’Institution Président et en écorchant régulièrement la sérénité de travail de son principal animateur, le Président de la République.
  4. Cette guerre tribale propre à la Présidence de la République alimente grassement le phénomène de dissidence au sein de parti politique présidentiel. Les auteurs de ce chaos institutionnel sont en fait les férus d’un régime autoritaire, voire autocratique, qu’ils veulent instaurer et/ou soutenir à travers un système de disqualification à coups de coudes et de pied dans ce qui les gênent.  Or il n’est pas alors trop tard pour qu’une seconde alternance s’affirme en 2023 avec le même Félix.
  5. Aussi, cette prochaine victoire électorale doit être la traduction des légitimités acquises aujourd’hui avec une équipe soudée solidement à diverses provenances tribales et ethniques. Les préparatifs de cette victoire certaine doivent se garder de mettre en œuvre ces anciens et actuels tripatouilleurs distributeurs automatiques de cartons jaunes et rouges. Construire la légitimité électorale est primordiale car inclusive. Sans quoi, cette nouvelle légitimité au pouvoir, acquise par les urnes, apparaîtra toujours plus éphémère, car entachée de l’empreinte de ceux qui sapent au quotidien l’action de consolidation des acquis de la Révolution Tshisekedi.
  6. L’histoire contemporaine de l’Afrique renseigne de riches expériences sur comment les victoires électorales se sont effritées du fait que peu à peu la confiance des électeurs s’est refroidie à la suite des lenteurs des changements à charge des mêmes anges gardiens. Les récents successifs coups d’Etat en Afrique ne sont rien d’autre que la traduction du risque de glissement faute d’avoir trop bien promis au peuple friand de résultats.
  7. C’est donc dire que l’expérience d’une présence soutenue sur la scène politique des dénicheurs de traîtres réels ou présumés, mais tout de même taxés d’opposants au Chef de l’Etat, car non originaires. Ils sont conscients de la fragilité de leur action. Pour cette raison, ils s’évertuent à se trouver une autre source de légitimité: celle de l’argument de protecteur d’un pouvoir fort à des fins de préservation d’un patrimoine. Lequel? Il est de quelle nature?
  8. Certes, à charge de n’importe proche collaborateur, des erreurs peuvent être constatées et enregistrées ici et là. Cela ne mérite pas l’échafaud par rapport au volume d’affaires dénoncées jusqu’ici à charge au clan d’inquisiteurs à la poutre dans l’œil raillant la paille dans l’œil de l’autre parce originaire d’une province autre que celle du Chef de l’Etat. Le plus chagrinant, c’est le fait de bénéficier d’un large champ de manœuvre, fruit d’un système qui insécurise davantage le pays déjà en proie à une instabilité.

Félix Tshisekedi est Président d’un Congo à vocation panafricaine. Cela doit se comprendre ainsi et tel quel. Il n’est pas réductible à un espace culturel.

Pierre Emmanuel MULUMBA

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