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RDC : La recette Kamerhe pour guérir l’économie nationale

Journée pleine d’émotions pour Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, qui a refoulé, jeudi 20 juin, le sol de l’Université de Kinshasa -UNIKIN- afin d’animer une conférence-débat autour de la «problématique du développement économique de la RD-Congo». Assistant à la Faculté des sciences économiques et de gestion -FASEG- entre la fin des années 80 et le début des années 90, Kamerhe, devenu professeur associé dans «son» alma mater, a, le temps d’une conférence, ressassé ses vieilles amours à la colline inspirée dans ses nouveaux habits avec, cette fois-ci, la toge professorale.

Après les émotions, le professeur Kamerhe a repris ses esprits, devant une assistance composée entre autres des politiques, scientifiques et étudiants visiblement admiratifs, afin de «lancer une véritable révolution scientifique». D’entrée de jeu, ce docteur en philosophie linguistique appliquée a invité son auditoire, échantillon représentatif des 100 millions de RD-Congolais, à ne jamais avoir peur de «commencer une nouvelle ère» dans un pays qui «a longtemps été déconnecté du savoir et du savoir-faire, de l’intelligence tout court». Dotée des ressources inimaginables, la RD-Congo croupit paradoxalement dans une pauvreté éloquente, contrastant avec des pays comme le Japon, qui ne possède aucune ressource naturelle. La donne peut changer, selon Kamerhe, à condition de dénicher les causes de cette disparité et de les résoudre, notamment en arrêtant de «chanter les richesses potentielles» de la RD-Congo. «Cherchons plutôt à savoir pourquoi autant de richesses et une telle pauvreté», a exhorté le professeur Kamerhe, rappelant les prouesses réalisées par Léopold II sans véritable effort mais seulement en assignant à la population des quantités de production des produits.

Une discordance vieille de 1960

Si le modèle colonial a produit des résultats satisfaisants, la RD-Congo n’a véritablement pas progressé économiquement depuis l’indépendance. Faute, selon Vital Kamerhe, à une indépendance incomplète. «En 1960, nous avons eu effectivement l’indépendance mais cette indépendance était politique. Nous avons oublié de faire la remise et reprise économique avec la Belgique. Notre pays avait des réserves importantes et était premier dans beaucoup de cultures et de productions minières. -La Belgique- nous a laissé dans l’illusion d’une embellie qui continue alors que le mal de l’économie avait déjà ses racines dans le modèle léopoldien», a-t-il diagnostiqué. Plus de 60 ans après, la RD-Congo doit trouver et penser un modèle économique qui lui soit propre afin d’assurer «l’accumulation du capital» en lieu et place d’augmenter la consommation.

En plus de cette mauvaise entame économique, la RD-Congo a également payé le lourd tribut de «l’instabilité au niveau des institutions suivie de nombreuses rébellion». «A chaque fin d’une élection, il y a toujours des rébellions. Après la dernière élection, il y a eu le M23. Nous devons prendre courage et dire que c’en est trop. On ne peut pas continuer à enterrer des RD-Congolais dans des minerais», a tonné le speaker de l’Assemblée nationale, non sans évoquer les méfaits de la zaïrianisation, cette politique de nationalisation de l’économie initiée au début des années 1970 par le président Mobutu. Pour Kamerhe, la zaïrianisation a «encore enfoncé le pays avec des mesures de radicalisation, de rétrocession».

Un mal profond et structurel

Pourtant, ce spécialiste en économie rurale est convaincu que ce ne sont pas les hommes qui manquent pour développer la RD-Congo. Bien au contraire, il a cité ces éminents professeurs qui ont eu un temps le privilège de tenir le gouvernail de la nation, à l’instar du professeur Mabi Mulumba. «En réalité, même si aujourd’hui on prenait Einstein ou Obama pour gérer la RD-Congo, ils vont échouer parce que le mal est d’abord structurel et le système n’est pas fait pour développer le pays», a tranché Kamerhe, convaincu que les richesses minières ne sont en rien une malédiction pour la RD-Congo. Bien au contraire, il s’est montré très optimiste quant au développement économique du pays, à condition de faire preuve «d’intelligence, de bonne gouvernance et d’organisation».

Appel à une «Union sacrée des intelligences»

En bon scientifique, l’orateur a, dans la foulée du diagnostic posé, proposé une thérapie au problème RD-congolais qui, pour lui, est tout sauf une fatalité. «La grande richesse c’est le savoir. L’université ne peut être déconnectée de la cité. Nous devons faire confiance à nous-mêmes pour résoudre nos problèmes, nous devons réfléchir pour avoir notre modèle de développement comme ailleurs», a-t-il exhorté. Citant Patrice-Emery Lumumba, fervent défenseur d’un «avenir beau et prometteur» pour la RD-Congo, Vital Kamerhe a sorti sa recette pour guérir l’économie nationale, appelant à la fédérations des énergies et des cerveaux, dans le cadre d’une «Union sacrée des intelligences».

Appel qui a trouvé du répondant auprès des autres panelistes dont les ministres Mutshail de l’Agriculture, Muhindo du Développement rural, Paluku du Commerce extéieur, Bussa du Portefeuille et Lwamba des Ressources hydrauliques mais aussi de l’ancien Premier ministre Matata et de l’ancien ministre du Numérique, Eberande Kolongele. Attentif à l’exposé du professeur Kamerhe, le recteur de l’UNIKIN, le professeur Jean-Marie Kayembe, n’a pas caché sa joie de voir un produit de la «Colline inspirée» venir partager un cocktail de connaissances théoriques acquises sur les bancs de cet alma mater saupoudrées de son expérience et de son expertise pratique. Le recteur de l’UNKIN s’est également réjoui du baptême de feu du désormais «professeur» Kamerhe dans le ministère professoral, insistant sur la caractère apolitique de cette «haute et grande conférence».

Après l’exposé du professeur Kamerhe, quatre panels ont été organisés autour des thématiques suivants: «Analyse des modèles de développement historiques de la RD-Congo», «Place de la rhétorique politique et perspectives du modèle économique RD-congolais», «Stratégies pour une diversification économique inclusive» et «Stratégies de création d’une classe moyenne, de chaine de valeur agricole pour une autosuffisance alimentaire».

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