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RDC : Des officines numériques s’en prennent aux membres de la haute cour

Sur les réseaux sociaux, des fakenews mettent à rude épreuve l’honneur de la Haute Cour, faussement reliée à une prétendue démarche de libération de Vital Kamerhe, de reconnaissance de l’AFDC-A/ Bahati et de l’inconstitutionnalité de la coalition FCC-CACH

Qui en veulent aux juges de la Cour constitutionnelle? La question taraude les esprits de nombre de RD-Congolais. Une fois de plus, et sans preuves formelles, de folles rumeurs de corruption ont été collées à la peau des juges constitutionnels qui, pourtant, transcendent toute tendance partisane pour servir le pays conformément à leurs prérogatives.

Une fakenews, partie d’une publication de Serge Kankolongo sur Facebook, a tenté de faire avaler à l’opinion que les magistrats de la Cour constitutionnelle ont chacun touché USD 50.000 pour libérer Kamerhe, Jammal et Massaro. «Cet argent a été remis au juge Noël Kilomba le plus corrompu du pays», a affirmé Kankolongo, appelant à une mobilisation générale «pour faire échec à ce complot» et au soutien à «l’opération Toyebi ndako».

Des esprits lucides ont vite décelé un acharnement derrière cette publication, relayée par d’autres esprits moins avertis. Des commentaires accompagnant cette publication en disent long, en plus d’exiger à son initiateur des preuves de ses allégations.

«As-tu des preuves mon frère? Nous sommes dans un Etat de droit… sinon tu risquerais de tomber dans le cas de dénonciation calomnieuse», a évoqué Frakams Le Fils Juridique, avant qu’Emmanuel Tumba ne recadre l’auteur de la publication jetant de l’opprobre sur les juges de la Haute cour. «L’Affaire –Kamerhe et son co-accusé Jammal face au ministère public, NDLR- est au Tribunal de grande instance Kinshasa/ Gombe. Il faut lire l’OCJ et savoir que la compétence de la Cour constitutionnelle en matière répressive est d’exception. Cela ne concerne que le Président de la République et le Premier ministre. Donc faut pas venir nous mentir avec des propos incitant à la haine et surtout salir nos juges. Etat de droit égale aussi respect des magistrats».

Requête de Norbert Bisimwa, point de départ de la rumeur 

Il faut remonter au 27 avril 2020, date à laquelle le bureau de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu, via son vice-président Norbert Bisimwa Yabe Ntaitunda, a saisi la Cour constitutionnelle en interprétation de la Constitution, notamment ses articles 16 dernier alinéa, 17 alinéa 2, 107 et 110. Dans sa requête, le bureau de la Chambre législative du Sud-Kivu a posé une douzaine de questions aux juges constitutionnels dans l’optique de résoudre des «cas urgents qui se posent à notre Chambre législative provinciale».

Parmi ces questions: La suspension de l’exercice du mandat de député national ou de sénateur à la suite de l’acceptation d’une fonction politique incompatible prive-t-il au parlementaire concerné ses droits et autres privilèges alors que l’article 110 alinéa 2 de la Constitution reconnait au parlementaire concerné de récupérer l’exercice de son mandat sans autres formalités, après la cessation de la fonction politique incompatible? La fonction de Directeur de cabinet du Chef de l’Etat est-ce une fonction politique? Un parlementaire dont l’exercice de mandat est suspendu conserve-t-il le bénéfice de l’article 107 de la Constitution?Au point 8 du 1er alinéa de l’article 110 de la Constitution parle d’une fonction politique incompatible alors que la dérogation contenue dans l’alinéa 2 de la disposition constitutionnelle parle d’une fonction politique, peut-on conclure que seule la fonction politique incompatible avec l’exercice de mandat de parlementaire suspend l’exercice alors qu’une fonction non politique incompatible met fin au mandat parlementaire?

La réponse de la Haute cour

La requête du bureau de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu a figuré dans l’ordre du jour de la plénière du jeudi 21 mai 2020 à la Cour constitutionnelle. Après examen, la Haute cour a déclaré cette requête irrecevable pour défaut de qualité dans le chef du demandeur. «Le demandeur n’a pas produit la preuve de l’empêchement du Président de l’Assemblé provinciale du Sud-Kivu au dossier et par conséquent il n’a pas qualité d’agir en son nom pour saisir la Cour en interprétation de la Constitution», ont motivé les juges dans leur arrêt.

La décision de la cour a trouvé son soubassement légal dans la combinaison des dispositions des articles 161 alinéa 1 de la Constitution, 54 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant son organisation et son fonctionnement ainsi que de l’article 51 de son règlement intérieur. Suivant ces dispositions, la Haute cour ne connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des gouverneurs de provinceet des présidents des Assemblées provinciales.

Voici qui suscite les interrogations sur le lien entre la prétendue libération de Vital Kamerhe et compagnie et l’arrêt de la Cour constitutionnelle. En quoi Vital Kamerhe est-il concerné par l’arrêt de la Cour constitutionnelle, du reste postérieur à la circulation des rumeurs de corruption? Que gagnerait Kamerhe et ses co-accusés en corrompant les juges de la Cour constitutionnelle alors que leur sort est entre les mains des juges de la TGI/ Gombe? La Cour ne devrait-elle pas se prononcer sur la requête de l’Assemblée provinciale? Des interrogations fusent. Certains analystes estiment que cette rumeur résulte de l’agitation de certaines personnalités qui refusent que la vérité, dans l’Affaire Kamerhe, éclate au grand jour et les éclabousse.

Aucun arrêt dans le dossier AFDC-A, ni sur l’inconstitutionnalité de FCC-CACH

Comme si cela ne suffisait pas, les mêmes officines numériques ont été à la l’origine de deux autres mensonges toxiques. Elles ont répandu des faussetés au sujet de deux arrêts fantômes qu’aurait rendu la Haute cour. L’un est relatif au litige opposant les deux ailes de l’AFDC-A. Ces officines ont laissé entendre que la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt en faveur du camp Modeste Bahati et invalidant les députés  pro-Nene Nkulu. L’autre se rapporte à la prononciation de la Cour sur l’accord entre le CACH et le FCC, suivant laquelle cette coalition est inconstitutionnelle.

«Ce sont des faussetés, des fakenews, fomentées dans le seul objectif de nuire à l’image de la Haute cour et de distraire l’opinion», ont dénoncé des sources à la Cour constitutionnelle, stupéfaites de l’acharnement à outrance contre le juge Noël Kilomba, désigné rapporteur dans la cause portant requête de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu. Des sources à la Cour constitutionnelle ont rapporté qu’il a préparé, en un temps record, le rapport et la note juridique pour le débat en plénière, tenue le mercredi 21 mai 2020.

«Avant la tenue de la plénière, des attaques contre le juge Kilomba ont commencé sur les réseaux sociaux alors qu’en principe les notes du rapporteur sont sécrètes», ont-elles fustigé, martelant que l’homme en toge bleue est un bulldozer juridique dont le savoir-faire, la rapidité et l’efficacité, dans l’exécution des tâches lui confiées, n’enchantent pas les ennemis du travail bien fait.

Elles ont en outre rappelé qu’il a aussi été rapporteur dans la cause où la Cour avait déclaré conforme à la Constitution l’ordonnance du Président de la République portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire, mettant ainsi fin à la cacophonie inutilement crée à ce propos.

Alors que d’aucuns considèrent le mutisme des juges sur les rumeurs récurrentes de corruption comme un aveu de culpabilité, des sources à Cour constitutionnelle ont expliqué: «La loi impose aux juges constitutionnels l’obligation stricte de réserve. C’est pourquoi ils ne peuvent répondre à ces diatribes pour ne pas violer leur serment».

Laurent OMBA

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