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RDC – Covid-19: Prof Tcheta appelle à l’abandon du programme avec le FMI

La RD-Congo a conclu le 28 octobre 2019 un Programme de référence avec le Fonds monétaire international -FMI- dont l’évaluation est prévue fin mai 2020. Ce programme test est un préalable à la conclusion du programme formel triennal avec cette institution de Bretton Woods prévu au second semestre 2020. Voici que la crise sanitaire de Covid-19  est en train de terrasser toutes les économies du monde y compris, bien évidemment celle de la RD-Congo. Dès lors, il semble difficile à Kinshasa d’atteindre les objectifs quantitatifs et les repères structurels convenus dans ce programme test. Selon le Professeur Albert Tcheta-Bampa, il est difficile d’envisager l’avenir de ce Programme de référence dès lors qu’on ne sait pas dans quel état la crise sanitaire actuelle va laisser l’économie du pays. Ce spécialiste en Économie reste surtout sceptique quant au gain que la RD-Congo peut tirer en implémentant des politiques d’austérité budgétaire comme c’est le cas avec ce Programme de référence du FMI. Lisez plutôt la thèse du Professeur Tcheta-Bampa.

Exclusif. Le professeur à l’Université de Moyen Lualaba et chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne-Université Paris1, dévoile sa démonstration sur les mesures du gouvernement visant à soutenir  l’économie RD-congolaise en cette période où le monde fait face aux chocs dus au Covid-19.

Depuis hier, en effet, la politique économique du gouvernement ressemble à ce que Albert Tcheta décrit comme «politique proactive, politique contra-cyclique: Ces mesures constituent une politique fiscale contra-cyclique parce qu’il augmente les déficits publics en période de récession, tout en s’engageant à appuyer sur la pédale de frein en période d’expansion» Et l’économiste d’ajouter: «de même, la Banque centrale du Congo complète la politique fiscale contra-cyclique du gouvernement avec une politique monétaire contra-cyclique en réduisant son taux d’intérêt à 7% parce l’économie va mal, pour aider les ménages et les entreprise à emprunter sur le marché du crédit, mais les augmente lorsque l’économie redémarre». L’économiste félicite alors l’annonce de mesures massives de l’Etat «afin de limiter l’ampleur de la récession». Le Coronavirus plonge déjà la RD-Congo dans une récession qui se manifestera par une baisse de la consommation réelle, de l’investissement réel, de l’emploi et du PIB réel et par une augmentation du chômage. Les mesures mises en place par le gouvernement atténueront l’ampleur de la récession. En mettant en place des mesures fiscales, les entreprises mises en difficulté par le Coronavirus vont pouvoir demander le report des charges sociales et l’exonération pour une durée de six mois de tout impôt, droit, taxe et redevance sur l’importation et la vente de produits pharmaceutiques et d’équipements médicaux. Le gouvernement a également demandé à ce que les charges fiscales puissent être reportées de la manière la plus simplifiée possible: la suspension pour une période de trois mois de l’application des pénalités en cas de retard dans le dédouanement des marchandises et des produits de première nécessité. Il a également évoqué des mesures plus drastiques: la suspension pour une période de trois mois de paiement de l’impôt sur les revenus locatifs à charge des entreprises ainsi que de certaines missions de contrôle fiscal, parafiscal et économique dans les entreprises. Ces mesures spéciales soutiennent aussi la trésorerie des entreprises. Dans un  communiqué officiel de la Primature, le gouvernement avait annoncé le soutien à taux zéro pour relancer les activités des entreprises au moyen d’un financement du Fonds pour la promotion industrielle -FPI. Ces dépenses publiques et transferts ciblés sont nécessaires en cette période de récession. Une entreprise aux capacités d’emprunt limitées se trouve typiquement dans l’obligation de réduire ses investissements de long terme, notamment en recherche et développement, en technologies de l’information ou en formation, afin d’éviter le défaut de paiement et la faillite. Plus, le Coronavirus entrainera une récession forte et plus les contraintes de crédit seront serrées, plus l’entreprise devra réduire ses investissements «de croissance» durant cette période. Or, ces investissements ne génèrent de la croissance de long terme que s’ils sont maintenus tout au long du cycle économique: un effort en recherche et développement ou en formation qui est interrompu est souvent un effort perdu. Voilà pourquoi ces mesures du gouvernement sont utiles et constituent une politique budgétaire contra-cycliques. Elles sont conçues pour permettre aux dépenses d’investissement de se poursuivre en dépit de la conjoncture. Albert Tcheta estime de plus, qu’au-delà de cet aspect conjoncturel, le Coronavirus va par ailleurs, à la fois, favoriser une manière dont l’Etat RD-congolais peut protéger dans l’avenir les individus et les entreprises contre des fortes fluctuations de l’activité économique et accélérer une mise en place des composantes contra-cycliques automatiques ou stabilisateurs automatiques -telles que des paiements de transfert du gouvernement, l’assurance emploi, aide sociale et formation professionnelle. C’est une opportunité de créer les minimas sociaux à ne pas manquer, afin que l’Etat RD-congolais soit capable d’assurer contre les risques macroéconomiques en particulier, de renforcer les fonctions protectrices pour les populations les plus défavorisées et de concilier la protection des travailleurs et l’efficacité économique. Une fois mises en place, ces composantes contra-cycliques automatiques ne nécessitent aucune action délibérée de la part du gouvernement. Enfin, Albert Tcheta note que même si elles ne sont pas suffisantes pour freiner la baisse significative de la croissance RD-congolaise vue l’ampleur de la crise économique que provoque le Coronavirus, «plus que l’accumulation de mesures, ces mesures montrent la cohérence. Cohérence des politiques macroéconomiques et des politiques structurelles, cohérence des mesures macro et des mesures sectorielles ou micro. Ceci permettra aux mesures macroéconomiques ou de court terme à financer les réformes structurelles, les mesures macro financent les mesures micro ou sectorielle». C’est le cas par exemple des exonérations d’impôts, droits, taxes et redevances accordées aux secteurs pharmaceutique et agricole -c’est du côté l’offre- et la fourniture gratuite de l’eau et de l’électricité aux ménages durant 2 mois ou encore la suppression de l’IPR  -c’est le côté demande. Un autre exemple de cohérence des mesures macro et des mesures sectorielles, c’est la suppression durant 3 mois de la perception de la TVA à l’importation sur la production et la vente des produits de première nécessité -produits de consommation de masse. Au total, il est donc nécessaire de laisser s’accroître la dépense publique et d’accepter que le déficit public se creuse pour faire face à la crise sanitaire. Un large consensus émerge des derniers travaux théoriques et empiriques existants dans la littérature économique: un choc sur la dépense publique a un plus important sur l’activité s’il se réalise en basse conjoncture -c’est le cas présent- plutôt qu’en haut de cycle économique -pendant l’expansion. Les multiplicateurs sont donc supérieurs en récession qu’en phase d’expansion. La taille du multiplicateur sera grande en RD-Congo, particulièrement pour les dépenses publiques et les transferts ciblés que le gouvernement est en train d’effectuer.

YA KAKESA

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