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Procès 100 jours : Kamerhe évoque les annotations du Président

Le procès des 100 jours est arrivé à sa quatrième audience jeudi à Makala. Comme la veille, des témoins ont défilé à la barre jusque tard dans la nuit. L’opinion a vécu des joutes oratoires permettant de noter des contradictions, des éclairages, voire des pistes déterminantes. On a pu retenir que 57 millions de millions dollars ont été bel et bien payés à la société Samibo via la chaine de dépenses pour 1.500 maisons. On a pu également noter que la commande de 3.000 maisons à la société Husmal l’a été par la Présidence de la République en exécution d’un ordre  du Président de la République. Prié par la partie civile de prouver qu’il a agi bel et bien avec la bénédiction du Président de la République, le prévenu Vital Kamerhe a, pour la première fois, évoqué les annotations du Président de la République, promettant de les montrer au tribunal sous le sceau du secret mais assurant qu’il reste un homme d’Etat et préfère mourir avec les secrets d’Etat. L’arme tant redoutée a-t-elle été sortie? Le procès a-t-il basculé avec cette déclaration du Directeur du cabinet du Chef de l’État? La suite de l’instruction le dira. Mais seulement, Me Cyprien Katengo, analyste politique et expert en Droit, se demandait la veille, au regard des arguments avancés par les premiers témoins passés à la barre, si ce n’est pas le procès de la Présidence de la République, mieux de l’Institution Président de la République. Beaucoup d’actes le prouvent de l’avis de l’avocat. Premièrement, le gouvernement Tshibala a été réduit à sa plus simple expression. La Présidence lui ayant confisqué, très tôt, tous les pouvoirs, sans attendre la mise en place d’un nouvel Exécutif, censé gérer le pays au quotidien et porter le programme d’action du Président de la République. Ensuite, la lettre rappelant à tous les ministres de n’effectuer aucune dépense, sans se référer à la Présidence. Le communiqué du 25 janvier 2019 a été clair. Il constitue le deuxième acte de gouvernance posé par le régime Tshisekedi après la nomination de Vital Kamerhe comme Directeur de cabinet.

Me Cyprien Katengo a considéré que le Président Félix Tshisekedi lui-même a planté le décor de ce qui se passe aujourd’hui. Dans son analyse, le juriste a voulu démontrer l’empressement du nouveau chef à donner le ton, pour faire voir à la population qu’il y a eu bel et bien changement. Mais en allant dans ce sens, Fatshi a piétiné la loi, sans se rendre compte, s’est convaincu le juriste dans un article mis en ligne mercredi sur le site de «Ouragan Fm». Pour faire exécuter les 100 jours, la loi a été mise à l’écart. L’urgence s’est imposée. Via le Dircab du Président de la République, le Programme des 100 jours conçu en mode d’urgence, a été aussi exécuté en mode dépenses exceptionnelles, zappant certaines règles exigées. «La chaine financière du gouvernement était réduite à jouer le rôle d’exécutant. Moralité: la responsabilité tant administrative que politique incombe à la Présidence seule sinon à l’Institution Président», a hurlé Katengo, empruntant les propos utilisés par un twitosphère. D’après Me Cyprien Katengo, cela a été la volonté du Chef de l’État lui-même mais une volonté matérialisée par son Directeur de cabinet. Pour preuve, les ministres du secteur économico-financier du gouvernement Tshibala n’avaient été que de simples exécutants.

Paiement en procédure d’urgence couvert par la Présidence

Jeudi devant les juges, les anciens ministres du Budget et des Finances ainsi que le gouverneur de la Banque centrale du Congo ont tous décliné leurs responsabilités dans les paiements effectués. Cinquième témoin, l’ancien ministre des Finances, Yav Mulang, dont le public et même le prévenu Kamerhe ont apprécié le calme naturel, a reconnu avoir autorisé en procédure d’urgence le décaissement de 57 millions de dollars en faveur de Samibo et 2 millions de dollars au profit de Husmal mais sur base de différents documents reçus du Directeur de cabinet du Président de la République, qui  a rappelé avoir donné ces ordres de paiement sur instructions du Chef de l’Etat. C’est à la suite de l’intervention de l’ancien argentier que la partie civile a exigé des preuves à Kamerhe sur ses allégations d’avoir agi avec la bénédiction du Président de la République. Sa réponse est connue et sa promesse de présenter les annotations du Président de la République au tribunal seul et de mourir avec les secrets d’Etat faite devant les caméras de la télévision publique. Pour sa part, le gouverneur Deogratias Mutombo a avoué que «la BCC est intervenue dans le paiement», affirmant que c’est la tâche principale de la Banque centrale… Des dépositions qui tendent à renforcer la thèse du dysfonctionnement institutionnelle évoquée par Me Katengo. «Priés d’expédier les affaires courantes et de ne pas engager les dépenses, réduits à assister comme spectateurs à l’exécution du programme d’urgence du PR, les ministres Tshibala n’auront été que des simples exécutants donc irresponsables au moment des faits», a ajouté l’avocat. À dire vrai, a-t-il répété, la précipitation dans l’exécution du Programme d’urgence des 100 jours amène le pays aujourd’hui dans l’abîme. Si le gouvernement Tshibala avait été associé, on ne serait peut-être pas arrivé là. «…Sans dire qui a tort ou qui a raison, le fait pour Félix Tshisekedi d’avoir vite fait de déposséder le gouvernement de ses prérogatives avant la mise en place de la nouvelle équipe qui devait succéder à Tshibala, rend l’Institution Président ou la Présidence de la République coupables du procès des 100 jours», a insisté Me Katengo. Le manque de confiance au dernier gouvernement de Kabila et la détermination d’affirmer son pouvoir aux yeux du peuple et l’envie légitime de poser coûte que coûte des actions de visibilité ont éloigné le nouveau chef de la vraie réalité du pouvoir, a déclaré Me Cyprien Katengo soutenant que les conséquences se payent malheureusement cash avant d’ajouter que c’est l’image de la Présidence de la République qui est directement écornée dans ce procès, mieux le prestige de l’institution «Président». Ainsi, l’analyste politique a refusé qu’on parle du procès des 100 jours estimant que c’est la suite fâcheuse des actes posés par le chef lui-même. Faisant une sorte de résumé des dépositions des anciens ministres responsables de la chaine financière, du Directeur général ai de la Direction générale de Contrôle des marchés publics et du gouverneur de la BCC, la journaliste RFI Sonia Rolley a relevé dans un tweet publié jeudi ces dysfonctionnements déplorés par Me Katengo: «La DGCMP ne contrôle pas les sociétés, le Budget pas informé de dépenses d’urgence, les finances décaissent sur base d’une lettre et le BCC ne sait pas contrôler les opérations des banques privées». Le pays n’a pas besoin d’un tel bordel. Le garant du bon fonctionnement des Institutions est mis devant ses responsabilités.

Avec Ouragan Fm

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