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Moïse Moni Della répond à une question du président Tshisekedi: «Quelle serait la RD-Congo si on n’avait pas tué Lumumba?»

Au moment où la Belgique vient de remettre la relique de Patrice-Emery Lumumba, le tout premier Premier ministre de la République démocratique du Congo, avant son rapatriement en RD-Congo, la question du président de la République démocratique du Congo posée autrefois du haut de la tribune des Nations-Unies taraude mon esprit: «Quelle serait la RD-Congo si on n’avait pas tué Lumumba?».

Cette question vaut son pesant d’or. Elle mérite non seulement qu’on puisse y réfléchir mais aussi qu’on puisse surtout y répondre. Bien plus, elle est une interpellation pour les Congolais et même pour les Africains, eu égard au rayonnement et au leadership visionnaire panafricaniste de Lumumba. La mort brutale de cette icône était presque fatale pour l’émergence de la RD-Congo.

Avec ce grand esprit qu’était Lumumba, le Congo serait ce qu’il a dit dans son discours mémorable du 30 juin 1960, le jour de l’accession à l’indépendance: «Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté et nous allons faire du Congo le centre du rayonnement de l’Afrique toute entière. Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants…».

En effet, Patrice Lumumba voulait faire du Congo un pays réellement libre et indépendant. Une terre où les Congolais pouvaient jouir du fruit des leurs nombreuses richesses, un havre de paix, de justice et du travail. Un pays où il ferait beau de vivre. Un pays des repères, prospère, exemplaire et solidaire. Si on n’avait pas tué Lumumba, je ne doute pas que la RD-Congo serait comme voire plus que le Canada, l’Afrique du Sud, le Maroc. Ce n’est pas des richesses humaines et naturelles qui lui manquent. A la veille du retour d’une de ses dents récupérées auprès de la fille d’un officier belge, un des exécutants de ce crime crapuleux, nous avons le droit de nous poser plusieurs questions notamment:

  1. Pourquoi la Belgique a tué sauvagement Lumumba, découpé en petits morceaux avant de le liquéfier dans l’acide sulfurique et, enfin, a gardé cette dent comme trophée de guerre?
  2. La dent remise à la famille de Lumumba est réellement celle de notre héros national?
  3. Où se trouveraient d’autres trophées de cet assassinat?
  4. Pourquoi avoir attendu 61 ans?
  5. Où sont les reliques de Maurice Mpolo et de Joseph Okito compagnons de bagne?
  6. Après la restitution de la relique, qu’attendre de la Belgique ?
  7. Comment peut-on tuer une personnalité à la dimension africaine et même planétaire comme Lumumba sans donner la raison?
  8. Pourquoi la Belgique n’envisage pas réparation à la    dimension du crime?
  9. La Belgique donneuse des leçons des droits de l’homme ne sait pas que les circonstances de la mort de Lumumba et de ses compagnons, la répression, les guerres fratricides, les massacres que cela a occasionnés et autres conséquences de cette mort au Congo jusqu’à nos jours est un crime contre l’humanité et imprescriptible?
  10. N’est-ce pas qu’en Belgique même un animal a un droit et que sa vie est sacrée?
  11. Pourquoi les Congolais ont observé l’omerta pendant tout ce temps et n’ont pas exigé la condamnation de la Belgique dans les instances internationales -l’ONU, l’UA, UE, la haie…- suivie d’une réparation à la proportion du crime?
  12. Où, quand, comment, pourquoi et dans quelles circonstances a-t-il été tué? S’est interrogée sa fille, Juliana Lumumba, lors de la cérémonie de remise de cette relique à Bruxelles.

Le regret de la Belgique est light, timide, minime. Pas à la dimension du drame qu’elle a causé. Beaucoup d’Africains épris de paix et de justice ainsi que des défenseurs des droits de l’homme disséminés à travers le monde ne seraient pas contre l’idée d’un jugement de ce crime au niveau international.

Ce jugement aura une valeur pédagogique, juridique, politique et historique. Il donnerait la fin à l’impunité des États criminels et permettait aux Congolais et autres Africains d’écrire leur propre histoire comme l’avait prédit d’ailleurs Patrice Lumumba.

Ainsi, l’on dira plus jamais ça. Un peuple sans mémoire est un peuple sans histoire. J.P Sartre disait: «La seule façon d’exister pour la conscience est d’avoir conscience d’exister». Patrice Lumumba, même de son vivant, n’appartenait plus à sa famille biologique. Il avait dit lui-même qu’il n’avait pas de père ou de mère. Il n’avait pas de famille. Sa vraie famille c’était le Congo et les Congolais.

Lumumba est certes mort mais il vivra à jamais à travers ses idées encrées d’une manière indélébile dans la mémoire des millions de ses partisans dans le monde. La meilleure façon de tuer Lumumba pour la deuxième fois c’est le réduire à sa famille biologique, ethnique ou même politique. Lumumba c’est l’Afrique. Sa relique rentre au moment où le pays est agressé par ses voisins: le Rwanda et l’Ouganda. Pour honorer sa mémoire de champion de l’unité et de l’intégrité, les Congolais doivent se surpasser, oublier leurs appartenances politiques, éthiques. Et se mettre ensemble dans une réelle union sacrée pour soutenir nos FARDC afin de bouter dehors l’ennemi.

Moïse Moni DELLA

Porte-parole du peuple

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