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Le contrôle de l’exploitation illégale des minerais alimente les conflits à l’Est

Sans froid aux yeux, l’Est de la RD-Congo ressemble non seulement à une mine d’or où les ressources naturelles du pays sont pillées et vendues illégalement mais également à une poudrière. Les groupes armés nationaux et étrangers qui se livrent à cette exploitation illégale font le carnage: ils tuent, violent, enrôlent des enfants dans leurs rangs provoquant ainsi désastre humain. Conséquences immédiates: déplacements massifs des populations et mort d’hommes chaque jour qui passe. Dans un récent rapport de Human Rights Watch -HRH-, les deux provinces du Nord et du Sud-Kivu comptent à elles seules 120 groupes armés. Au Sud-Kivu, les Mai-Mai Yakutumba mobilisent au moins 12 groupes armés et réactivent la coalition. Accusés de faciliter la fraude minière à l’Est du pays, certains responsables des FARDC seraient également responsables de tueries de 100 personnes au Sud-Kivu.
 
L’ONG américaine Human Right Watch -RHW- a publié le jeudi 7 décembre un baromètre de la situation sécuritaire prévoyant dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, dans l’Est de la RD-Congo. Cette ONG internationale affirme avoir enregistré 120 groupes armés actifs uniquement dans les deux provinces où des exactions sont commises en toute impunité, impliquant également des forces gouvernementales. «Le Baromètre enregistre les incidents violents perpétrés par des groupes armés et des membres des forces de sécurité congolaises, à la fois dans des conflits armés et des violences politiques. L’ensemble de données comprend des morts violentes, des affrontements entre groupes armés, des enlèvements, des kidnappings, des viols massifs -soit au moins cinq victimes lors d’une seule attaque-, la destruction de biens et la répression de manifestations politiques pacifiques. Près de 800 incidents ont été enregistrés au cours des six premiers mois de suivi», détaille HRW dans son rapport préparé avec l’aide du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New York -GEC. Les premiers éléments des enquêtes conjointes menées entre ces deux organisations internationales font état d’au moins 526 civils tués, entre juin et novembre 2017, 1087 autres ont été enlevées ou kidnappées pour obtenir une rançon, et 11 incidents de viols massifs dans les deux Kivu. Le Baromètre sécuritaire du grand Kivu est un projet conjoint mené par Human Rights Watch et le Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New York. Ce projet envisage de rendre compte des violences commises dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.
Les FARDC pointées du doigt accusateur
Dans le même rapport, les forces de défense et sécurité de la RD-Congo ont été rendus responsables de plus de 100 morts violentes au cours des six derniers mois, soit plus que n’importe quel groupe armé et environ un cinquième du nombre total d’homicides documentés. «L’un des pires incidents recensés a été le massacre d’au moins 39 réfugiés burundais par les forces de sécurité congolaises à Kamanyola, au Sud-Kivu, le 15 septembre», rappelle le Baromètre sécuritaire du Kivu. Et d’ajouter que plus de 500 personnes ont été tuées et plus de 1000 autres enlevées dans les provinces du Kivu au cours des 6 derniers mois. «Le Baromètre vise à promouvoir une meilleure compréhension des événements qui surviennent dans un pays confronté à une violence accrue. L’année dernière, 922 000 personnes ont été déplacées en RD-Congo, plus que partout ailleurs dans le monde. En octobre, les Nations unies ont déclaré un ‘’Niveau 3 d’urgence’’ en RD-Congo, une catégorie attribuée seulement à trois autres pays: la Syrie, l’Irak et le Yémen», précise ce rapport. Et de poursuivre: «le conflit RD-congolais est marqué par une énorme complexité. Le Baromètre cartographie les zones de contrôle de 120 groupes armés dans seulement deux des 26 provinces du pays. Cela a compliqué la tâche des décideurs s’agissant de concevoir des solutions et celle des médias s’agissant de montrer la réalité derrière les violences, selon les organisations».
Facilitation de la fraude minière
Selon la Commission nationale de la lutte contre la fraude minière -CNLFM- au Nord-Kivu, citée par Radio Okapi, les «hauts gradés de l’armée» sont accusés d’abuser de leurs positions pour faire libérer des militaires et des civils détenus pour trafic illicite des minerais au Nord-Kivu. Le représentant de cette structure au Nord-Kivu, Daniel Ngoie Mbayo dit avoir subi actuellement des pressions de certains hauts gradés de l’armée afin qu’il libère un officier détenu depuis environ trois mois pour avoir tenté de faire passer 600 Kg de coltan vers le Rwanda. Daniel Ngoie a dénoncé une pratique consistant à couvrir la fraude minière au Nord-Kivu qui appauvrit la province au profit des pays voisins.
Coalition des  Mai-Mai Yakutumba au Sud-Kivu
Selon ce Baromètre, le mois d’octobre a été marqué par l’activisme des Mai-Mai Yakutumba qui se mobilisent avec 12 groupes armés. «Depuis plusieurs mois, une nouvelle dynamique s’est affichée dans le sud du Sud-Kivu, une grande coalition d’au moins douze groupes armés avec les Mai-Mai Yakutumba à leur tête. Cette Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo -CNPSC- a lancé une nouvelle offensive depuis juin 2017, en attaquant le site minier de Misisi et des positions importantes des FARDC à Forces Bendera et Lulimba. Le 23 septembre 2017, elle a commencé un assaut sur Uvira, la deuxième ville la plus importante du Sud-Kivu, en prenant le contrôle des localités de Mboko, Kabumbe, Mukwezi, Kasekezi, et Makobola Ier en territoires de Fizi et d’Uvira», signale le rapport mensuel d’octobre du Baromètre.
Des pillages auraient été aussi menés par les FARDC
«Il a fallu une semaine entière de contre-attaque pour que les FARDC et la MONUSCO reconquièrent au début du mois d’octobre les localités tombées sous le contrôle des Mai-Mai. Le bilan des affrontements a été lourd: plusieurs morts, des blessés et des capturés au sein des FARDC et Mai-Mai Yakutumba, un Casque bleu blessé, six civils tués, cinq civils blessés. Les conséquences de ces affrontements se sont étendues sur tout le mois d’octobre en termes de ratissage, de pillages des infrastructures civiles par les FARDC, de règlement de comptes avec des civils soupçonnés d’avoir collaboré avec l’ennemi par les deux belligérants», explique le rapport. Comme quoi, l’exploitation et le contrôle des minerais à l’Est du pays alimentent les conflits armés dans toute impunité.

Octave MUKENDI

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