La crise sanitaire due à la pandémie de Coronavirus est multisectorielle. Parmi les crises connexes créées, celle liée à l’accès à des soins de Santé sexuelle et reproductive -SSR. Les jeunes, déjà vulnérables en temps normal, se trouvent abandonnés à leur triste sort, la pandémie ayant dicté de nouvelles modes de vie incarnés notamment par le confinement. Pour se préserver du virus de Wuhan, les prestataires de santé sont confinés chez eux et le reste du personnel est totalement reversé dans la riposte. Dans le même ordre d’idées, plusieurs structures œuvrant dans la SSR déplorent le fait que les ressources -humaines, matérielles et financières- soient exclusivement orientées vers la riposte contre le Coronavirus.
«En ce temps de crise, le besoin en contraceptifs est encore plus prononcé. Malheureusement, ces contraceptifs sont en stock limité. Cela est dû notamment, d’une part, au fait que les frontières soient fermés et, d’autre part, au manque de ressources nécessaires», constate un prestataire. Déjà difficile d’accès, les soins en SSR des adolescents et jeunes sont devenus, avec la Covid-19, une denrée rare. Conséquence: le risque élevé de grossesses non désirées et d’avortements clandestins et donc de hausse de mortalité maternelle. «Les besoins non satisfaits en contraceptifs occasionnent un triangle dangereux. La pandémie de Coronavirus nous a confiné mais les relations sexuelles continuent. Les jeunes sont ainsi exposés au risque de grossesses non désirées, qui se terminent très souvent par un avortement clandestin», regrette un défenseur de Droits en santé sexuelle et reproductive -DSSR.
Les avortements et le violences sexuelles en hausse en RD-Congo
Cet acteur en DSSR déplore le silence constaté par les décideurs et en appelle à la prise de conscience. Selon lui, le confinement, au-delà du fait qu’il a permis de contenir la propagation du Coronavirus, a occasionné la hausse du taux de violences domestiques et de violences sexuelles. «Confinées, les jeunes filles sont parfois victimes des violences sexuelles. Malheureusement, certaines tombent enceintes mais n’accèdent pas toujours aux soins complets d’avortement centrés sur la femme -SCACF. Plusieurs d’entre elles recourent finalement à des solutions peu indiquées et en payent de leur vie», regrette-t-il.
Pourtant, la loi permet aux survivantes de viol de demander et d’accéder à un avortement sécurisé. Le Protocole de Maputo, adopté par la RD-Congo en 2008 et publié au Journal officiel le 14 mars 2018, autorise, en son article 14, alinéa 2.C, «l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou fœtus». Dans la législation RD-congolaise, toute relation sexuelle avec une mineure est considérée comme un viol. Longtemps dans les tiroirs, ce premier traité international juridiquement contraignant sur les droits de la femme est une véritable lueur d’espoir pour les RD-Congolaises. Cependant, elle reste encore méconnue tant auprès des corps judiciaire et médical que des femmes elles-mêmes., de l’article 14, 2.C protège les droits reproductifs des femmes.
En RD-Congo, les avortements clandestins sont, à 17%, la base de la mortalité maternelle, estimée par Guttmacher à 693 pour 100.000 naissances vivantes. Comme pour dire, restreindre totalement l’accès à l’avortement n’a eu pour effet que de tuer nos mères, nos sœurs, nos filles, tentant de se défaire coûte que coûte de leurs grossesses non désirées. Le Protocole de Maputo est le bout du tunnel.
Quid du protocole de Maputo
Officiellement «Protocole à la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples relatif aux Droits des femmes en Afrique», le Protocole de Maputo est le premier instrument de droit international juridiquement contraignant qui garantit aux femmes des droits divers notamment ceux de participer au processus politique, de l’égalité sociale et politique avec les hommes mais aussi d’autonomie dans leurs décisions en matière de santé sexuelle et reproductifs. Adopté le 11 juillet 2003 à Maputo, ce protocole est entré en vigueur le 25 novembre 2005 avec sa ratification par le Togo, 15ème Etat. A ce jour, 37 pays l’ont signé et ratifié et 15 ont signé sans ratifier. Seuls l’Égypte, le Botswana et la Tunisie traînent le pas. La RD-Congo l’a signé, sans réserve, dès 2003 avant de le ratifier en 2008. Il est composé de 32 articles dont 25 consacrés aux droits des femmes.